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1er novembre, fête de la Toussaint : Le jour où les Congolais vont fleurir les tombes de leurs êtres très chers disparus

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Comment ne pas avoir une pensée pour les êtres chers qui nous ont quittés!
Comment ne pas avoir une pensée pour les êtres chers qui nous ont quittés!

Le 1er novembre, fête de la Toussaint, est le jour où les Congolais vont par monts et par vaux, fleurir les tombes de leurs êtres très chers disparus. Malheureusement, cette fête ne représente rien pour des compatriotes telles que Loutaya, Apendi et Nzoumba. Celles-ci sont respectivement nées en 1960 à Kinkala (Pool), à Makoua (Cuvette) et à Nkayi (Bouenza), l’année de l’indépendance de notre pays, le Congo. Cette indépendance dont-elles ont entendu parler dans leur jeunesse par leurs parents. C’est d’ailleurs, au cours de ces récits ou d’autres entretiens à bâtons rompus, qu’elles ont aussi entendu parler de la lutte anticoloniale, menée avec bravoure, par Matsoua André, Boueta-Mbongo, Mabiala Ma Nganga, Biza, Samba Ndongo, etc. Comme elles ont enfin entendu parler de nos éminents patriotes : Félix Tchicaya, Jacques Opangault, Emmanuel Dadet, Leyet-Gaboka, Stéphane Tchitchelle et l’abbé Fulbert Youlou, Premier Président du Congo.

A l’issue de leurs études à l’Ecole des carrières de la santé, Joseph Loukabou de Pointe-Noire, les trois amies, Loutaya, Apendi et Nzoumba obtinrent le diplôme d’infirmière d’Etat. Après, elles épousèrent respectivement Manangou, Atipo et Mboungou. Elles fondèrent une famille, chacune de deux garçons. Leurs familles modestes n’étaient ni riches, ni pauvres non plus, mais heureuses.
Mais comme dans les contes de fées, tout bascula dans le tragique, lors des événements malheureux qui endeuillèrent le peuple congolais, à la fin du siècle dernier. Lesquels événements emportèrent ad patres leurs très chers et tendres époux et enfants. Depuis, Loutaya, Apendi et Nzoumba sont inconsolables. Elles n’arrivent toujours pas à faire la différence entre le rêve et la réalité; entre la barbarie animale et l’angélisme. Elles se demandent pourquoi ça leur est arrivé, à elles spécialement. Elles se le demandent, parce qu’elles ne comprennent absolument rien à tout ce présent longuement pénible et noir qui n’offre aucun avenir paisible et rassurant. Elles ne demandent rien à personne; ni aux autorités, ni au simple citoyen lambda, ni encore aux inventeurs des avenirs illusoires inexistants, ni enfin aux créateurs des saintetés sans Dieu.
Loutaya, Apendi et Nzoumba ignorent toujours où gisent les corps de leurs époux et de leurs enfants. Et personne ne les y aide. Elles ignorent totalement ce qu’il est advenu d’eux. Corps jetés dans le Fleuve Congo ou dans le Djoué et servant de limon devant fertiliser les terres ancestrales pour un peuple enfin humanisé et fraternisé? Ou chairs putréfiées dans des fosses communes et servant de facto, de pitance aux carnivores de Moukounzi-Ngouaka ou d’Itatolo? Des morts anonymes, des morts inutiles. Loutaya, Apendi et Nzoumba ne savent pas toujours.
Le rituel du dépôt des gerbes des fleurs sur les tombes, le jour de la Toussaint, ne leur dit rien. Il ne signifie plus rien pour elles, épouses et mères. Elles ne comprennent pas tout cela, du point de vue de la simple logique humaine. Elles regardent, avec des yeux hagards, leurs voisins qui, tôt le matin, vont en famille, comme en pèlerinage, se recueillir et fleurir les tombes de leurs parents et amis, dans les cimetières tant de Brazzaville que des banlieues.
Loutaya, Apendi et Nzoumba, oubliées dans leurs deuils de veuves et de mères privées de bonheur maternel et familial? Oubliées dans la solitude de leurs malheurs et de leurs conditions? Elles ne cessent de le dire dans leurs quartiers respectifs de Mikalou, de Nkombo et de Madibou, quand elles se retrouvent. Elles partagent leur vie entre l’agriculture de subsistance, entre les cultures maraîchères et les soins prodigués à des voisins, avec l’aide d’anciens collègues infirmiers retraités. Une manière pour elles d’appliquer l’article 15 autrement dit «l’article de la débrouillardise» aux fins d’apaiser les affres de leurs deuils tombés dans l’anonymat forcé et d’arrondir les fins de mois.
A l’instar des autres veuves oubliées, Loutaya, Apendi et Nzoumba méditent et pleurent en silence, loin des caméras et des médias, sur leurs époux, sur leurs enfants et sur tous ces défunts anonymes. Les grandes douleurs ne sont-elles pas muettes? Avec ces drames, elles ont compris d’une part que la douleur était un trésor que l’on ne découvrait qu’en soi-même et d’autre part, que tout homme vivait la mort à chaque instant, à chaque geste qu’il faisait; que tout pouvait dégringoler sur lui; que la mort était toujours là. La vie n’est-elle pas comme la petite flamme de la lampe? Elle peut s’éteindre d’un seul coup et c’est la mort.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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