Placée sous le thème «Rétablir la confiance et raviver la solidarité: accélérer l’action menée pour réaliser le Programme 2030 et ses objectifs de développement durable en faveur de la paix, la prospérité, du progrès et de la durabilité pour tous», la 78ème assemblée générale des Nations unies, s’est tenue du 5 au 26 septembre 2023, au siège de l’Onu, à New York, aux Etats-Unis. Durant la semaine de haut niveau de cette assemblée générale, du 19 au 23 septembre, le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, s’est adressé à la tribune des Nations unies. En plus de la situation en Libye où il a sollicité l’accompagnement de la communauté internationale, la lutte contre le réchauffement de la planète, en évoquant le sommet des trois bassins forestiers tropicaux que va abriter son pays, le Chef de l’Etat est revenu sur sa plaidoirie pour l’intégration de deux Etats africains comme membres permanents du conseil de sécurité des Nations unies. Ci-après, l’intégralité de sa déclaration à la tribune des Nations unies.
– Excellences Mesdames et Messieurs les Chefs d’Etat et de gouvernement;
– Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies;
– Mesdames, Messieurs!
Comme la plupart des orateurs qui m’ont précédé, je voudrais, moi aussi, exprimer ma compassion fraternelle et ma solidarité avec les peuples du Maroc et de Libye fortement endeuillés ces jours-ci par des catastrophes naturelles aux conséquences indicibles.
Il y a quelques semaines encore, je recevais le rapport d’une mission que j’avais envoyée en Libye, dans le cadre de la mission de paix et de réconciliation de l’Union africaine que je conduis depuis près de 6 ans. Le rapport de cette mission a témoigné longuement du courage et de la résilience du peuple libyen, las de vivre dans la division. Un peuple qui se bat pour conjurer les démons de la partition du pays, pour retrouver le chemin de la vérité, de la réconciliation et de la paix. Un peuple résolu à s’engager sur la voie du redressement et à retrouver la prospérité. C’est à ce peuple brave et courageux et qui a tant donné à l’Afrique que j’adresse mes sincères condoléances.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
Le thème de notre débat général résume, très clairement, notre commune volonté de changer qualitativement le monde. Telle était déjà la philosophie généreuse et la finalité des 17 Objectifs de l’Agenda 2030 des Nations unies, pour assurer la paix, la sécurité et la prospérité à tous les peuples de la terre.
Qu’il s’agisse d’éliminer la pauvreté et la faim dans le monde, grâce à une économie globale plus juste et plus équitable, grâce à une agriculture plus performante et durable, ou qu’il s’agisse de garantir la bonne santé au plus grand nombre et une éducation de qualité aux plus défavorisés, il n’y a là que des priorités absolues. Tout comme le sont aussi, entre autres:
– la fourniture de l’eau et de l’électricité aux couches sociales les plus larges;
– la construction des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires, aéroportuaires et énergétiques pour relier entre eux des pans de territoire, des pays, des régions et des sous-régions;
– la préservation des écosystèmes de biodiversité, notamment par une gestion responsable de ces forêts tropicales qui sont l’un des plus précieux patrimoines que nous ayant reçu de la Providence;
– le combat pour faire évoluer les mentalités dans le monde, dans le respect de la diversité des expressions culturelles et dans la tolérance réciproque;
– l’ancrage dans nos sociétés de l’idée d’égalité des genres et de parité homme-femme;
-l’autonomisation des femmes et des filles.
Sur ce dernier point, je voudrais souligner la part prépondérante dans la responsabilité qu’ont prise les femmes dans mon pays, au cours des 15 dernières années. Aujourd’hui, elles contribuent de manière remarquable à la promotion de leurs droits et libertés, au combat pour l’élimination de la pauvreté et à l’intensification d’une éducation inclusive, à travers des formations et des apprentissages tous azimuts.
Bref, toutes ces priorités que je viens d’énumérer appellent, de la part de chacun d’entre nous, un sens élevé du devoir et de responsabilité, une ouverture d’esprit aux vertus du dialogue, un solide élan de solidarité, de la patience et de la résilience. L’équilibre des Nations dans le monde me semble largement tributaire de cette évolution et de cette option.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
Le climat est aujourd’hui la plus pressante de toutes les urgences. Cette urgence touche au cœur de la vie, dans toute sa diversité. Elle questionne notre existence dans toute sa complexité. La montée continuelle du niveau des mers qui met en péril les pays insulaires, la désertification déferlante que plus rien ne semble arrêter, la canicule suffocante qui emporte chaque fois de nombreuses personnes du troisième âge, les inondations répétitives et les coulées de boue soudaines qui occasionnent les dégâts que l’on voit, autant de phénomènes aussi dangereux que dévastateurs qui interpellent désormais jusqu’aux plus sceptiques d’entre nous.
C’est pourquoi, assumant ma part de responsabilité, en ma qualité de Président de la Commission climat du Bassin du Congo, j’ai lancé, lors de la Cop27 en Egypte, l’Initiative de la «Décennie mondiale de l’afforestation», pour une biodiversité et un couvert végétal plus dense, au service de l’humanité.
Dans le même élan, mon pays, la République du Congo, s’est engagé à abriter, en octobre prochain, un sommet des trois bassins des écosystèmes de biodiversité et des forêts tropicales, Amazonie, Bornéo-Mékong, Congo, comme réponse collective et concertée de ces trois poumons verts de la planète à l’insécurité climatique désormais si menaçante.
Depuis la nuit des temps, nous le savons tous, la forêt fait vivre des millions et des millions d’individus. Avec un taux de déforestation des plus faibles au monde -puisqu’il n’est que de 0,06%- mon pays joue à fond sa partition dans la préservation de l’environnement, au nom de la survie de l’humanité.
Aujourd’hui, nous ne pouvons que nous réjouir de l’heureux aboutissement du dossier d’inscription du Parc naturel d’Odzala-Kokoua sur la liste du Patrimoine mondial, inscription faite lors de la 45ème session du Comité du patrimoine de l’Unesco, tenue récemment à Riyad, en Arabie Saoudite. C’est indéniablement un acte de reconnaissance. Un acte qui gratifie à leur juste mérite les efforts de mon pays dans la préservation de ce joyau naturel de près de 1,2 millions d’hectares, riche en biodiversité animale et végétale, au cœur du Bassin du Congo.
Les sacrifices consentis par les populations riveraines en abandonnant volontairement certaines activités susceptibles de porter atteinte à l’environnement et le renoncement par les Etats à des projets de développement, pour préserver les écosystèmes de biodiversité, devraient également appeler de la part de la communauté internationale des compensations financières qui ne seraient pas du tout de la charité.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
En Afrique, dans le registre du développement agricole, nous savons qu’il nous faut protéger les terres arables des incidences néfastes du changement climatique. Sans cette précaution, les prévisions en matière de production deviendraient totalement aléatoires et plus rien ne saurait être maîtrisé.
La responsabilité des dirigeants que nous sommes est écrasante à ce sujet. En effet, avec une population qui pourrait avoisiner les 2 milliards d’habitants, l’Afrique doit, dès à présent, opérer un bond qualitatif pour disposer demain d’une nourriture suffisante et de qualité et conjurer à tout jamais le spectre de la famine et de l’exode de ses populations.
L’Afrique a urgemment besoin d’une agriculture moderne, soutenue notamment par des dispositifs performants d’irrigation et de mécanisation, une agriculture qui doit lui permettre de réduire de manière significative ses importations alimentaires, aujourd’hui encore trop élevées. C’est pourquoi j’en appelle à des partenariats techniques et financiers efficients, pour des avancées substantielles dans ce secteur.
L’Afrique n’a nullement besoin de ces partenariats sous-tendus par des «aides publiques au développement» politiquement orientées et synonymes d’aumône organisée. Les subventions au compte-goutte, distillées au rythme des intérêts propres des donateurs, ne permettront certainement pas l’essor réel et effectif de notre continent… qui, du reste, n’en a nul besoin!
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
La présente session de l’assemblée générale se tient alors que les guerres et autres conflits armés font rage dans le monde. C’est ici le lieu de marteler, une fois de plus, qu’aucun progrès marquant ne sera possible sur aucun continent et dans aucun pays sans la paix.
L’espoir d’atteindre les Objectifs du développement durable assignés par les Nations unies ne sera qu’une chimère, si nous ne créons pas nous-mêmes la première de toutes les conditions nécessaires à leur réalisation, à savoir la paix.
Pour sa part et chaque fois que les circonstances l’ont permis, la République du Congo a toujours œuvré pour la résolution pacifique des conflits en Afrique et dans le monde. C’est ainsi que mon pays a décidé de prendre une part active à l’Initiative africaine pour une médiation de paix entre la Russie et l’Ukraine.
En raison du risque de guerre généralisée que ces événements font peser sur le monde, non seulement les deux protagonistes dans ce conflit, mais également les puissances étrangères qui peuvent influencer le cours des événements dans le sens de la paix, tous devraient tempérer leurs ardeurs, cesser d’attiser les braises et s’engager, sans délai, dans des négociations de paix. Des négociations justes, sincères et équitables.
Le monde a urgemment besoin de ces négociations, pour éviter que les affrontements en cours, déjà si dévastateurs, n’aillent encore crescendo et fassent basculer l’humanité dans ce qui pourrait être un cataclysme irrémédiable, c’est-à-dire une guerre totale et qui échapperait au contrôle des grandes puissances elles-mêmes. Je reste persuadé que les sages recommandations formulées par l’Afrique pour restaurer la paix entre l’Ukraine et la Russie finiront par être prises en compte.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
En ma qualité de Président du Comité haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, je ne peux passer sous silence, devant l’auguste assemblée que vous constituez, la situation dramatique que ce pays vit depuis 2011. Une situation pour laquelle je m’investis sans compter, au nom de l’Union africaine.
Les efforts de paix consentis dans le cadre de cet épineux dossier se sont encore poursuivis récemment, en juillet 2023, dans le cadre d’une réunion de réconciliation qui a eu lieu à Brazzaville, dans mon pays, et qui a permis à plusieurs acteurs, représentant l’essentiel des sensibilités politiques et sociales libyennes de s’asseoir à la même table. Tout a été fait pour amener les protagonistes à transcender leurs divergences et à rapprocher leur compréhension des défis de la Libye de demain.
La conférence de réconciliation inter-libyenne que vise la médiation que je préside, n’aura de sens que si elle est inclusive, constructive et consensuelle. Elle doit permettre à nos frères et sœurs libyens de renouer avec la vertu dialogue, en cessant de se regarder en chiens de faïence, d’apprendre à se pardonner et de donner la prépondérance à la justice, soubassement de l’Etat de droit dont ils sont appelés à écrire l’histoire.
J’en appelle, une fois encore, à l’accompagnement de la communauté internationale, à commencer par les pays de la sous-région et les organisations qui les regroupent, sans oublier les pays dits du Quartet, en vue d’un soutien concret à nos efforts, afin d’ouvrir une perspective solide et crédible à la résolution définitive de cette crise qui n’a que trop duré.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs!
Face à l’unilatéralisme qui ronge dangereusement les fondations du bel édifice que tant de générations se sont employées à bâtir depuis 1945, la République du Congo, par ma voix, réaffirme son engagement en faveur du multilatéralisme, gage de justice dans les relations internationales, d’équilibre, d’équité, de paix et de coopération pour un développement partagé.
Le multilatéralisme, nous le savons tous, ne peut prospérer que dans un système global juste et équitable. Un système qui soit à l’image non plus des fantasmes du passé, mais des évolutions et des réalités de notre temps. D’où l’impérieuse nécessité de réformer son outil de référence qu’est le Conseil de sécurité des Nations unies, afin d’assurer une représentation plus juste de tous les continents et de tous les peuples du monde.
Sur ce chantier, l’Afrique a une position commune. Une position conciliante et consensuelle, scellée à Ezulwini, que mon pays n’a jamais cessé de défendre, et ce, depuis plus d’une décennie. Je réitère ici et maintenant l’exigence africaine, légitime à tous égards, de voir deux de ses États siéger au Conseil de sécurité des Nations unies en tant que membres permanents, avec droit de veto. Ce ne serait que justice devant l’histoire! Je vous remercie.