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A propos de la fête de l’indépendance: construire une stèle ou un monument, en mémoire de tous nos Présidents défunts

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Président Fulbert Youlou et Jacques Opangault

La fête de l’indépendance de notre beau pays, le Congo, a été célébrée, comme d’habitude, le 15 août dernier. Cette fête nationale, la seule qui compte réellement comme célébration d’un événement identitaire pour la République du Congo, ne pouvait être célébrée autrement que dans un esprit d’union nationale et de paix véritable. La fête a été belle à Brazza-la-verte où la veille, le soir, une belle lune ronde s’était levée au-dessus d’elle. Et l’on aurait pu ramasser à sa clarté, une pièce de monnaie tombée à terre. Le lendemain matin, un grand défilé militaire s’est déroulé au Boulevard Alfred Raoul, en présence du Président de la République et de tous les corps constitués. Les militaires qui y ont défilé n’étaient ni les «mboulous-mboulous» d’antan ni les fameux cobras et ninjas d’hier, tous de triste mémoire, mais des soldats du peuple, des Forces armées congolaises, prêtes à verser leur sang pour défendre le peuple et son territoire.

A travers la fête du 15 août, le peuple congolais célèbre, chaque année, sa naissance, c’est-à-dire la transformation d’un territoire aux multiples visages ethniques conglomérés par l’intérêt colonial, en une structure géopolitique bâtie autour de l’intérêt unique du développement social et économique de tous ceux qui la constituent, malgré la diversité qui les caractérise.

Le Président Pascal Lissouba (à droite) et son Premier ministre jacques Joachim Yhombi-Opango.

Nos Présidents successifs, Abbé Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi, Joachim Yhombi-Opango, Pascal Lissouba et Denis Sassou-Nguesso, ainsi que les pères de l’indépendance comme l’honorable Jean Félix-Tchicaya et les Vice-Présidents Jacques Opangault et Stéphane Tchitchelle, en dépit de leurs différences et divergences, avaient et ont fait de ce projet un engagement commun. Aucun parti politique, aucune région, aucune tribu ou aucune ethnie, aucun chef politique ne peut se l’approprier.
L’événement que rappelle cette célébration s’inscrit, de façon positive, dans la mémoire collective. Il est positif de deux façons. Il est positif en tant qu’un fait avéré, s’affirmant dans l’histoire et établissant les conditions d’existence du pays dans le concert des Nations. Il place les dirigeants du pays ainsi que toute la population congolaise, face à leur responsabilité historique qu’est celle du développement et la poursuite du bien-être de toute la population, sans exception, suivant les valeurs d’Unité, de Travail et de Progrès.

Le Président Denis Sassou-Nguesso (au milieu) Mgr Ernest Kombo (à gauche) et le Premier ministre André Milongo.

En tant qu’historique, la naissance de la Nation congolaise dépasse les aspirations de ceux qui ont promu son indépendance, puisque se bâtissant dans la continuité, elle incarne les rêves de toutes les générations, y compris de celles qui n’étaient pas encore nées le 15 août 1960. Elle soumet, à ses exigences d’édification, toutes les couches sociales et toutes les générations. Cet événement tire aussi son caractère positif du fait qu’il constitue un événement créateur et non destructeur de la Nation. Notez l’apposition: créateur et non destructeur. Elle insinue ainsi un rejet des comportements barbares qui, au cours de l’histoire, ont contredit l’idée de Nation et qui, par conséquent, ont détruit l’harmonie, la paix et l’union nationales, au profit des intérêts personnels, politiciens, tribaux, claniques et égocentriques, comme les malheureux et tragiques événements de 1958 à Brazzaville, de 1988 dans la forêt d’Ikonongo dans le Département de la Cuvette, de 1993 entre les Koongos et les Tékés des Départements du Pool et ceux de la Bouenza, du Niari et la Lékoumou; ou bien ceux de 1998 dans le Département du Pool.

Construire une stèle ou un monument, en mémoire de tous nos Présidents défunts

En dépit de la satisfaction sincère exprimée plus haut, la fête du 15 août n’a pas manqué de susciter, en ma modeste personne, des interrogations sur l’avenir du Congo. Car une fête aussi particulière que celle de l’indépendance présente toujours des opportunités d’affirmer une volonté de bâtir l’édifice national, en y associant aussi nos compatriotes défunts. En effet, aucune gerbe de fleurs, si je ne m’abuse, n’a été déposée par les membres du gouvernement, ni sur les tombes du premier Président de la République, l’Abbé Fulbert Youlou, des Présidents Marien Ngouabi et Jacques Joachim Yhombi Opango, ni comme cela se faisait dans le temps, aux stèles ou aux monuments des morts sis aux cimetières du centre-ville, de la Tsiémé, d’Itatolo et de Moukounzi-Ngouaka.

Le Président Marien Ngouabi reçu à l’Dlysée par le Président Pompidou.

D’où ma demande permanente, en ma qualité de citoyen et de diplomate par essence, ministre de paix dont le premier devoir est de se comporter toujours en conciliateur, en agent de concorde et d’apaisement, n’en déplaise au gouvernement, de construire une stèle ou un monument pour honorer la mémoire de tous nos Présidents défunts et sur lesquels l’on irait déposer des couronnes de fleurs en leur souvenir, quoiqu’ils aient fait, surtout qu’aucune œuvre humaine n’est parfaite, l’erreur étant humaine.
Ce qui serait un grand symbole de pardon, car pardonner est une action plus noble et plus rare que celle de se venger. Le pays et le peuple en gagnerait beaucoup. En outre, le pardon est la condition première de la réconciliation, dans les relations entre les hommes. Un Congo où on éliminerait le pardon serait non seulement un monde de justice froide et irrespectueuse, au nom de laquelle chacun revendiquerait ses propres droits vis-à-vis de l’autre.
Toujours est-il qu’aucun de nos cimetières n’a été désherbé ni débroussaillé en raison du 64ème anniversaire de l’indépendance. Dans ma culture koongo, le cimetière inspire du respect. La protection des morts est pour les Koongos, la meilleure garantie du clan, de la famille et du village. Car, les morts sont censés veiller en permanence sur les vivants et partout. Les vivants se sentent en sécurité quand ils ne rejettent pas les morts. A ce propos, n’oublions jamais que les morts sont des invisibles, mais non des absents, comme l’a dit Victor Hugo. Nous avons le devoir envers nos défunts, de garder le souvenir de leur mort et nous devons aussi nous souvenir de leur vie. Leur héritage doit nous aider, nous les Congolais, à consolider la foi dans un avenir de paix, libre de tribalisme, d’exclusion et de haine.

Dieudonné Antoine-Gangha, l’homme par qui le Congo a obtenu l’organisation du Fespam, auprès de l’Union africaine.

La réussite de la démocratie et de la paix ne dépend pas seulement des élections libres ou des politiques gouvernementales. Elle dépend surtout de l’intériorisation des valeurs démocratiques, des valeurs de nos coutumes et de notre culture dans les cœurs du peuple congolais, dans son esprit et dans la vie de chaque jour. Pour le Congo, il s’agit de construire une véritable Nation aussi avec nos défunts. Un peuple qui n’honore pas ses morts est un peuple pauvre frisant la malédiction.
La célébration de la fête de l’indépendance de notre pays devrait être aussi l’occasion de faire notre examen de conscience, aux fins de plus de responsabilité, comme nous y a invités le Président de la République. Qu’avons-nous fait pour consolider l’unité de notre peuple? Qu’avons-nous fait pour promouvoir le développement économique de notre pays? Qu’avons-nous fait pour fructifier et maintenir les structures économiques léguées par nos anciens Présidents, comme le C.f.c.o, épine dorsale de notre pays, ou comme les entreprises telles que l’usine textile de Kinsoundi, Socodi, Impreco, Chacona, l’Ofnacom, de l’O.n.c.p.a, l’usine de Mansumba, l’usine de Bétou, la cimenterie domaniale de Loutété, Socodi, etc?
Que devons-nous faire maintenant, pour prodiguer à nos compatriotes, les soins les meilleurs dans nos hôpitaux, pour leur donner une bonne éducation scolaire et universitaire, pour donner du travail à nos jeunes diplômés, pour rendre tout court, notre peuple heureux?
Que devons-nous faire pour lutter contre la misère? «La misère est l’œuvre des hommes et seuls les hommes peuvent la détruire. La misère est une violation des droits de l’homme et une atteinte à la dignité humaine. La lutte contre la misère est un devoir sacré fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, il faut s’unir pour la combattre, la refuser et résister à l’inacceptable», dixit Joseph Wresinski, prêtre diocésain français d’origine polonaise, fondateur du mouvement des droits de l’homme A.t.d Quart monde, initiateur de la lutte contre l’illettrisme.
Que devons-nous faire pour que notre pays ne devienne pas un pays où le désir effréné de posséder et de transformer les biens matériels en idoles, serait légion?
Si nous le voulons, nous pouvons nous tous. Comme l’affirmait Nelson Mandela, «grâce aux efforts conjoints des hommes, l’injustice peut être vaincue et nous tous pouvons connaître une vie meilleure». Ne dit-on pas que là où il y a une volonté, il y a une route? Alors, agissons pour le meilleur de notre peuple, en lui donnant la priorité. Ayons la volonté de faire nôtre, cette pensée du Premier ministre André Milongo: «Ma conception du pouvoir n’est pas celle du pouvoir pour le pouvoir, pour m’ouvrir les vannes de l’enrichissement, par la rapine de l’Etat, mais celle de servir le peuple qui m’aura accordé ses suffrages».
Enfin, je reste convaincu que notre pays peut retrouver sa grandeur et son unité, sans que l’on ne construise entre nous, les Congolais, des murs de haine, d’exclusion, de tribalisme et des préjugés.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA.

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