Lors d’une séance plénière de l’assemblée nationale consacrée aux questions orales au gouvernement avec débat, tenue le vendredi 10 novembre 2023, au Palais du parlement, à Brazzaville, répondant à une préoccupation du député Pascal Tsaty Mabiala, relative aux accords de coopération signés avec le Rwanda, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a rassuré les élus du peuple et au-delà l’opinion nationale sur la légalité de ces accords. Cependant, le président de l’assemblée nationale, Isidore Mvouba, a exhorté le gouvernement à plus de communication, sur ces sujets sensibles qui touchent à l’intérêt national.
Les accords de coopération agropastorale entre les gouvernements congolais et rwandais signés en avril 2022, à Oyo, dans le Département de la Cuvette, concernent la mise à disposition de terres exploitables à une société rwandaise de droit congolais, dans le District de Yamba (Département de la Bouénza). Mais, ces accords font l’objet de plusieurs interprétations et comme l’a reconnu le Premier ministre, ils «soulèvent une vive émotion au sein de l’opinion». Une polémique généralisée a émergé dans les réseaux sociaux où les détracteurs du gouvernement l’accusent d’avoir cédé une partie du territoire national au Rwanda, bradant ainsi la souveraineté du pays. Le Rwanda est, à son tour, soupçonné de vouloir en faire une base arrière de son armée, pour attaquer le grand pays voisin, la RD Congo, avec qui Kigali est déjà en crise politique, depuis la reprise de la rébellion du M23 dans la Province du Nord-Kivu. Le sujet n’a pas laissé indifférente la représentation nationale.
Chef de file de l’opposition, le député Pascal Tsaty-Mabiala, premier secrétaire de l’U.pa.d.s (Union panafricaine pour la démocratie sociale), a voulu savoir si «la cession de nos terres et la mise en concession d’une partie de nos activités dans la zone industrielle de Maloukou» aux Rwandais n’est pas synonyme de «bradage» de nos richesses et de notre souveraineté.
«Il est de mon devoir de clarifier les malentendus autour des accords de partenariat public-privé», a répondu d’emblée le Premier ministre chef du gouvernement, Anatole Collinet Makosso. «Au regard des plaintes enregistrées à titre informel, condamnant les droits d’occupation de nos terres et la mise en concession d’une partie des activités de la zone industrielle de Maloukou, je réalise que les actions du gouvernement ne sont pas bien comprises par nos populations, au point où l’honorable Tsaty-Mabiala a utilisé le terme de bradage qui est souvent utilisé par les néophytes qui n’ont pas lu ces accords», a poursuivi le Premier ministre.
S’agissant du projet de développement agro-pastoral de Yamba, dans le ranch dit de Mayangui, dans la Bouénza, il n’y a ni cession ni bradage de terre, a-t-il expliqué longuement. Il s’agit d’une autorisation expresse d’occuper, telle que prévue par la loi. «Il n’a jamais été question d’une cession de terre. Il s’agit d’une autorisation expresse d’occuper, prévue par des textes en vigueur. Sa durée est de 20 ans. Il s’agit donc d’une mise à disposition provisoire, assortie de plusieurs conditions qui sont bien reprises dans le décret portant autorisation provisoire ou expresse d’occuper», a rassuré Collinet Makosso qui a cité d’autres accords similaires que le Congo a conclu avec des sociétés expatriées et qui n’indignent jamais l’opinion nationale.
Anatole Collinet Makosso a rappelé la loi 21-2018 du 13 juin 2018 sur les attributions de terre et terrains dans notre pays qui, en son article 40, dispose que «toute acquisition de terre du domaine rural par toute personne étrangère régulièrement établie au Congo est nulle et de nul effet». Donc, on ne voit pas comment le gouvernement peut céder des terres congolaises aux Rwandais. La polémique doit donc être clause.
Dans son mot de clôture de la séance, le président de l’assemblée nationale, Isidore Mvouba, a exceptionnellement félicité le député Pascal Tsaty-Mabiala qui a posé une question qui a permis au Premier ministre de clarifier un sujet sensible. Il a exhorté le gouvernement à intensifier sa communication sur les sujets sensibles qui touchent à l’intérêt national. «Là-dessus, il faut communiquer, expliquer, sensibiliser, parce qu’un homme plus intelligent que moi, peut-être même plus que nous dans cette salle, a dit qu’un mensonge plusieurs fois répété devient une vérité. Ce mensonge (sur les terres cédées aux Rwandais) a vraiment gagné les Congolais, c’est le cas de le dire. Donc, il faut que le gouvernement continue à expliquer, à sensibiliser pour dire la vérité, parce que la vérité, c’est celle qu’a dite le Premier ministre», a conclu Isidore Mvouba sur cette question.
Hervé EKIRONO