Les régimes issus de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest tentent de gagner leur légitimité par un discours anti-français, très en vogue dans les médias sociaux au sein de la jeunesse africaine. Les manifestations des jeunes devant les ambassades de France sont devenues, pendant les coups d’Etat, le symbole de la «libération africaine» contre la présence française, parce que celle-ci rappelle, aux yeux de ces jeunes en colère, que leur misère et leur souffrance sont la conséquence de l’exploitation des richesses de leurs pays par l’ex-puissance colonisatrice.

La Russie profite de cette faille pour se présenter en nouveau partenaire capable d’aider l’Afrique à se débarrasser de la France, accusée de soutenir les régimes africains incapables d’assurer la sécurité et le bonheur de leurs peuples. Ce discours prospère bien dans les réseaux sociaux, avec ses figures de proue comme Kemi Séba, Nathalie Yamb et toute la batterie d’influenceurs locaux.

Le sinistre camp Boiro, la prison symbole de la dictature de Sékou Touré
Le sinistre camp Boiro, la prison symbole de la dictature de Sékou Touré

Mais, les Russes ne sont pas à leur première présence sur le continent. L’Union soviétique a soutenu des révolutions africaines. Il faut voir ce qu’il en est sorti, par exemple, en Ethiopie avec Mengistu Haïlé Mariam (1974-1991), pour comprendre que le développement sans les droits de l’homme n’aboutit pas à l’épanouissement d’un peuple. Il est clair que la Russie et Wagner ne sont pas une panacée pour les maux dont souffre le continent. C’est dans la capacité à exercer sa souveraineté dans la coopération que se trouve la voie du développement pour les Africains. Mais, la jeunesse ne le comprend pas.
Face à ces événements, il faut penser à Ahmed Sékou Touré, pour saisir qu’il n’y a rien de nouveau sous le ciel, dans ces pays africains qui tombent, les uns après les autres, sous la coupe des régimes militaires, de nature foncièrement autoritariste. L’histoire ne fait que se répéter, avec l’avènement des réseaux sociaux qui ont donné naissance au phénomène des influenceurs.
Sékou Touré conduisit la Guinée à voter non à la Communauté française proposée par Charles De Gaulle. Il obtint l’indépendance immédiate et totale de son pays, le 25 octobre 1958. Il frappa sa propre monnaie. On connaît sa célèbre phrase pour soutenir ce choix politique: «La liberté dans la pauvreté que la richesse dans la servitude». Mais, ce sont là deux extrêmes, car entre les deux, il y a la coopération. Elle ne sera malheureusement pas possible entre la France et la Guinée indépendante. Au contraire, la rupture fut brutale et le nouveau pays indépendant en pâtit. La suite, on la connaît. Sékou Touré, qui a pourtant été un grand dirigeant de la décolonisation africaine, devint un effroyable dictateur paranoïaque. «La liberté dans la pauvreté» s’était transformée en «bagne dans la pauvreté». Comme quoi, les bonnes intentions…
Les bonnes intentions, c’est ce qu’affichent aussi les régimes militaires qui cultivent l’hostilité contre la France, pour préférer la Russie et sa milice privée Wagner. Ahmed Sékou Touré pensait que l’Afrique fut humiliée par la colonisation et qu’elle avait beaucoup perdu. C’est indiscutable. Mais, seulement, au nom de ces blessures, il voulait que l’Afrique coupe tout lien avec les anciennes puissances colonisatrices. La plupart des dirigeants africains ne l’avaient pas suivi dans cette voie, surtout qu’à cette époque, le monde était divisé en deux blocs antagonistes et que les non-alignés n’avaient pas réussi à s’imposer.
Rien donc de nouveau que les dirigeants putschistes d’Afrique de l’Ouest se lancent dans un discours anti-français, en cherchant à couper les liens avec l’ancienne puissance colonisatrice accusée de tous les maux. Il s’agit là manifestement d’une recherche de légitimité auprès d’une jeunesse désemparée et désespérée par le manque de pertinence des politiques publiques de développement de leurs pays, depuis l’indépendance. Ce qui les condamne au chômage. La France a sans doute sa part de responsabilité. Mais aujourd’hui, on ne peut plus occulter la responsabilité des Africains eux-mêmes. Depuis qu’ils ont pris en main les destinées de leurs pays, ils n’arrivent pas à combler les attentes de leurs peuples.
Cette même jeunesse africaine qui manifeste contre la France n’hésite pas à se lancer dans des aventures périlleuses pour gagner l’Europe occidentale, alors que des centaines voire des milliers de jeunes périssent dans le désert, l’océan et la méditerranée. Ceci pour espérer aller vivre le bonheur dont elle estime être privée en Afrique, à cause du mal-développement. Malgré son combat pour la dignité africaine, Sékou Touré n’a pas pu amorcer le développement de son pays. Les putschistes d’aujourd’hui le feront-ils? Entre l’appétence pour le pouvoir, la lutte contre le néo-colonialisme, la vision du développement et la capacité de la mettre en œuvre, seul le temps est le grand et implacable arbitre. Mais, il est clair que c’est le peuple qui est toujours perdant, comme on l’a vu avec Sékou Touré. Quand il est mort, le 26 mars 1984, dans une clinique aux Etats-Unis, les Guinées ont senti un vent de liberté.

Narcisse MAVOUNGOU

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