C.c.d (Conseil national du dialogue)
Décès à Brazzaville,
du secrétaire permanent, Me Martin Mbéri
Martin Mbéri, secrétaire permanent du C.c.d (Conseil consultatif du dialogue), est décédé dans la nuit du mercredi 4 au jeudi 5 juin 2025, vers 1h30 du matin, au C.h.u de Brazzaville (Centre hospitalier universitaire), des suites d’une complication respiratoire, à l’âge de 84 ans et demi. Ancien ministre d’Etat en charge de l’intérieur, il est une grande figure de l’histoire politique du Congo, depuis les événements d’août 1963. Il a commencé sa carrière politique au sein de la J.m.n.r (Jeunesse du Mouvement national de la révolution), l’organisation de jeunesse du parti au pouvoir, après la «révolution» d’août 1963.
Né le 31 décembre 1940, à Soulou, un village du District de Mouyondzi, dans le Département de la Bouenza, Me Martin Mbéri, qui vient de tirer sa révérence, est un vieux routier de la politique congolaise. Homme de gauche, il est cofondateur en 1963, et directeur général de l’hebdomadaire «Dipanda» qui diffuse les idées progressistes au sein de la jeunesse congolaise. Il s’intéressait aussi au football et jouait au poste de gardien de buts. Dans ce domaine, il fut plus tard, membre de la Ligue congolaise de football.

Martin Mbéri a été parmi les jeunes qui ont participé à l’insurrection syndicale et populaire qui est à l’origine de la chute du Président Fulbert Youlou et qui sera baptisée «Révolution des 13, 14 et 15 août 1963». Cette insurrection fut provoquée, en réalité, par une révolte des syndicalistes s’opposant à l’instauration du syndicat unique par le régime en place. Avec l’arrivée du Président Alphonse Massamba-Débat à la tête du pays, le régime à parti unique sera instauré, opérant un virage à gauche, notamment vers le socialisme, avec comme prolongement, l’instauration d’un syndicat unique, au grand dam des syndicalistes ayant provoqué la chute du Président Youlou.
A partir de cette période, au sein de la jeunesse, l’on compte des jeunes loups comme André Hombessa, Jean-Pierre Ngombé, Ange Diawara, Claude Ernest Ndalla, Gabriel Oba-Apounou, Jean-Saturnin Malonga, Jean-Jules Okabando, etc. Certains vont jouer le rôle de leadership le 8 février 1964, quand la jeunesse progressiste manifeste contre la tentative d’évasion de l’ancien Président Fulbert Youlou, placé en résidence surveillée. Martin Mbéri, qui anime des conférences auprès des jeunes, est parmi les figures qui montent. Il est élu député en 1963, à 23 ans, et devient premier vice-président de la J.m.n.r en 1964. Il gravira les échelons jusqu’à être membre, en août 1968, du C.n.r (Conseil national de la révolution), l’instance politique suprême qui prend le contrôle du pays, alors que le Président Alphonse Massamba-Débat est pratiquement dépouillé de ses pouvoirs, et dont le directoire est présidé par le capitaine Marien Ngouabi, avec le lieutenant Ange Diawara comme premier vice-président.
Martin Mbéri y est secrétaire chargé de la propagande et Ambroise Noumazalay, secrétaire chargé de l’organisation. D’ailleurs, le 4 septembre 1968, le Président Alphonse Massamba-Débat démissionne et au nom de l’armée, le capitaine Marien Ngouabi prend acte. L’intérim du Président de la République est assuré par le Premier ministre Alfred Raoul, du 5 septembre 1968 au 1er janvier 1969. Puis il passe la main au capitaine Marien Ngouabi qui, en tant que chef du C.n.r, devient Président de la République.

Martin Mbéri est parmi les fondateurs, en décembre 1969, du P.c.t (Parti congolais du travail), le nouveau parti au pouvoir qui embrasse comme idéologie le socialisme scientifique, en remplacement du socialisme bantu prôné par le Président Alphonse Massamba-Débat à la tête du M.n.r. Membre du Comité central du P.c.t après le congrès de 1972, Martin Mbéri est nommé commissaire de gouvernement dans la région des Plateaux. Il connaît ensuite l’exil, après l’assassinat, le 18 mars 1977, du Président Marien Ngouabi. Il revient au pays en 1987 et trois ans plus tard, les frémissements démocratiques voient le jour, sonnant le glas du régime à parti unique.
Après la tenue de la C.n.s (Conférence nationale souveraine), de février à juin 1991, Martin Mbéri est parmi les fondateurs de l’U.pa.d.s (Union panafricaine pour la démocratie sociale), autour de Pascal Lissouba qui sera élu Président de la République, lors des premières consultations démocratiques en août 1992. C’est ainsi que le 7 septembre 1992, Mbéri sera nommé ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la sécurité, chargé du développement régional et des relations avec le parlement, dans le gouvernement du Premier ministre Stéphane Bongho-Nouarra. Il va connaître une éclipse au poste de ministre de l’intérieur et de la sécurité, car il est remplacé par François Ayayen, avant d’y revenir de 1993 à 1995 où il est remplacé par le colonel Philippe Bikinta, un proche de Bernard Kolélas.
Sur le plan professionnel, Martin Mbéri a démarré sa carrière en 1963, après son baccalauréat, comme instituteur. A partir de 1967, il est enseignant du secondaire. En 1973, il décroche une licence en droit public et science politique. Ce qui lui donne la possibilité d’enseigner à l’Université de Brazzaville comme chargé de cours en sociologie politique, entre 1972 et 1974. Puis, il est directeur de l’Ena (École nationale d’administration). En 1977, il brigue le poste de procureur de la République du Tribunal de grande instance de Brazzaville, avant d’être contraint à l’exil.
En France, il est diplômé d’études comptables supérieures, et ensuite du Centre national des arts et métiers de Paris en 1982. A son retour au pays en 1987, il exerce comme avocat au Barreau de Brazzaville, puis il entre au gouvernement, comme signalé plus haut, à partir de septembre 1992. Homme influent au sein du pouvoir du Président Lissouba, il sera connu comme celui qui a eu l’initiative de la création de la réserve ministérielle, qui dérivera dans la culture de milice armée, durant la guerre de décembre 1992 à janvier 1993, contre les partisans de l’opposant Bernard Kolélas.

En 1997, il change de camp, à la surprise de tous, en se rapprochant du Président Denis Sassou-Nguesso, tombeur du Président Lissouba, au terme de la guerre de juin-octobre 1997. Dans le milieu de l’U.pa.d.s, cet épisode sera considéré comme une trahison. Martin Mbéri est connu comme «l’ami personnel» du Président Denis Sassou-Nguesso qui lui confie, en 1998, le portefeuille des transports, de l’aviation civile et de la marine marchande, puis celui de la construction, de l’urbanisme et de l’habitat, dans le gouvernement de transition. Ce faisant, il réussit l’exploit d’être l’unique ministre qui quitte le gouvernement du Président Lissouba, peu avant sa chute, pour être dans celui du nouveau régime. Mais, il démissionne du gouvernement en 2001, avant de connaître une longue traversée du désert, se consacrant à l’écriture et à la politique. Après avoir tenté de reprendre avec ses camarades de l’U.pa.d.s, à l’opposition, il crée, en 2005, l’U.pa.d.s-F.d.r qui fera malheureusement long feu.
Martin Mbéri a publié plusieurs articles et ouvrages, dont «Sauvons la République. De la République des ethnies à la République des citoyens», aux Editions L’Harmattan Congo. Grand-Croix de l’Ordre du mérite congolais et Grand-officier de la Légion d’honneur française, il est nommé, par décret n°2018-306 du 09 août 2018, secrétaire permanent du Conseil national du dialogue, mais il ne tiendra aucune activité de dialogue au niveau national, à la tête de cette institution. Ces dernières années, il a passé de longs séjours en France, pour raison de santé. Cette année, après Aimé Emmanuel Yoka, Bernard Tchibambéléla, en espace de quelques semaines, un autre baobab de la vie politique nationale s’est couché: Martin Mbéri.







