Ces dernières années, la ville capitale, Brazzaville, connaît une montée vertigineuse des cas de vindicte populaire. Suscitant des réactions très controversées, ce phénomène touche essentiellement les jeunes-gens, des hommes en particulier, réputés délinquants. La ville de Pointe-Noire, dans une moindre mesure, est aussi touchée. La rue impose dorénavant sa loi, pour réprimander ou dissuader les présumés auteurs d’actes répréhensibles.
On assiste à des réactions spontanées et barbares des populations envers des personnes accusées ou prises en flagrance. Pour la population, «les pouvoirs publics», notamment la force publique, seraient inefficaces à lutter contre le phénomène de banditisme urbain. Cette même force publique est accusée, par une partie de la population, d’entretenir ces mouvements de gang.
Les populations rendent dorénavant justice elles-mêmes, traquant des potentiels délinquants et criminels. On assiste, dès lors, à des scènes de lynchage organisées en public et, parfois, en présence des agents de l’ordre, qui adoubent cette déviance. Dans la période de mai à juin 2024, à Brazzaville, au moins quatre jeunes hommes accusés de banditisme ont été brûlés vifs dans différents quartiers. Ces scènes de lynchage en public sont filmées et postées sur les réseaux sociaux. La justice est totalement absente, alors qu’elle devrait systématiquement ouvrir des enquêtes pour homicides, lorsque les populations se livrent à une justice sommaire, entraînant mort d’homme.
Pas étonnant, quand le procureur de la République qualifie «les jeunes délinquants de terroristes et appelle à leur éradication». Insidieusement, cela réconforte la loi de la rue. La complaisance tacite des pouvoirs publics face aux vindictes populaires dans les grandes villes du pays promeut une sorte de poudrière en état latent. Aucun contexte ne peut justifier ce phénomène. Il ne résout aucun problème systémique et ne fait qu’augmenter un cycle de violence continue. La loi de la rue ne devrait pas prévaloir dans un État de droit. Il est, donc, nécessaire que l’État prenne des mesures pour garantir un État juste et équitable.
Rophiel ESSEMOU
(Publié dans La Lettre du Cad, n°16)