Le Cad (Centre d’actions pour le développement) a pris connaissance, le 24 juin 2024, de l’existence du rapport d’une mission d’établissement des faits commandée par l’O.n.g de conservation W.w.f et le gouvernement congolais, suite à la publication du C.a.d, en mars 2023. Ce rapport de la mission d’établissement des faits date de janvier 2024 et n’a pas été partagé avec C.a.d. C’est ce qui explique notre réponse tardive, cinq mois après. Le C.a.d doute de la crédibilité de certaines informations contenues dans ce rapport, et formule des observations sur cinq aspects suivants
1- Sur le refus de participation du C.a.d
Le rapport indique: «La commission regrette le manque de participation des représentants du C.a.d, qui ont refusé de s’exprimer malgré les demandes répétées». Le C.a.d fait observer que cette information est totalement erronée. Le C.a.d n’a jamais été informé officiellement de cette mission et n’a pas eu connaissance des experts engagés en dehors du chef de la mission de cette commission. Aucun des représentants du C.a.d n’a été impliqué dans les travaux préparatifs de cette mission d’établissement des faits, alors que le même rapport fait mention des réunions tenues avec plusieurs parties prenantes. Le tableau ci-dessous montre un échange de mails entre le chef de cette mission et le directeur exécutif du C.a.d.
2- Sur les expulsions de masse et forcées
La commission indique que «la majorité des départs ont été volontaires». Le C.a.d note une faiblesse dans la connaissance des instruments internationaux et régionaux sur ce sujet, et fait observer que la commission ne donne aucun chiffre sur les départs volontaires et sur les départs forcés. Pendant nos recherches, nous n’avons pas trouvé un rapport sur l’opération des expulsions des communautés. Le P.n.n.p a indiqué qu’un tel document n’existe pas. C’est surprenant que la commission parle des départs volontaires sans apporter la moindre preuve factuelle. Cette affirmation heurte le bon sens.
A partir du moment où les communautés n’ont pas été consultées pour la création de ce parc et qu’aucune solution alternative ne leur a été proposée, et en l’absence d’une indemnisation des pertes subies, il est difficile de soutenir l’hypothèse des départs volontaires puisque ces communautés ne dépendent que de la ressource faunique et halieutique. La commission fait mention du décret portant création du parc pour indiquer que les «expulsions ne sont pas considérées comme des violations des droits humains». Elle oublie que ce décret est postérieur à plusieurs conventions ratifiées par le Congo et que ce seul décret ne suffit pas à rendre conforme les expulsions orchestrées. Le C.a.d maintient, à la lumière des normes nationales et internationales, que les informations précises contenues dans son rapport sur les évictions forcées et de masse sont des violations des droits humains.
3-Sur les cas de mauvais traitements ou de torture
La commission «a confirmé un cas tandis que deux autres cas font actuellement l’objet d’une procédure judiciaire afin d’enquêter sur les allégations. Toutes les autres allégations ont été jugées comme ne constituant pas des violations des droits humains». Le C.a.d n’a pas connaissance des personnes interrogées, de la législation applicable par la commission et de l’approche utilisée etc. Par conséquent, le C.a.d ne fait pas de commentaire là-dessus. Toutefois, le C.a.d confirme les cas de mauvais traitements rapportés dans son rapport, et indique en avoir documenté d’autres en 2023, où il est parti, dans une procédure en justice contre les écogardes et les gestionnaires du Parc de Ntokou-Pikounda.
4- Sur les arrestations, détentions et poursuites judiciaires
La commission «n’a constaté aucune violation… Des cas d’arrestation, de détention et de poursuites judiciaires à l’encontre des braconniers ont été confirmés…». Le C.a.d fait observer que les cas rapportés dans son rapport n’ont aucun lien avec l’activité de braconnage. 14 individus (un chiffre sous-estimé) ont été arrêtés et emprisonnés dans des conditions assimilables à des mauvais traitements pour «pénétration illégale dans une aire protégée».
Les procès-verbaux des auditions en notre possession n’évoquent nullement l’infraction de braconnage. Ces personnes ont été libérées par la suite. Par ailleurs, 6 autres personnes ont été poursuivies en justice sur la base de la même infraction «pénétration illégale dans une aire protégée». Ces personnes n’ont pas bénéficié de leur droit à un procès juste et équitable. Si ces arrestations ont été conformes, les communautés les jugent fondamentalement injustes pour des raisons légitimes évoquées dans notre rapport.
5- Sur la violation du droit à la vie et à la sécurité de la personne
La commission a conclu qu’«aucune violation n’avait été commise par les écogardes». Le C.a.d ne fait aucun commentaire, puisque cette affaire est en instruction au niveau de la justice.
Conclusion
Le C.a.d se félicite de cette mission commandée par le W.w.f et le gouvernement et prend note des conclusions de ce rapport. Il constate aussi le refus des autorités congolaises à mener un examen plus approfondi de l’impact du parc sur les droits et le bien-être des communautés tel que demandé dans son rapport de mars 2023. Le C.a.d craint que ce rapport conjoint W.w.f-Gouvernement serve plus à séduire les bailleurs de fonds plutôt qu’à établir la réalité sur l’étendue des préoccupations que soulève ce parc de Ntokou-Pikounda.
Le C.a.d est conscient que W.w.f a hérité d’une situation mal engagée par le gouvernement congolais. Cependant, W.w.f a manqué à son obligation en matière de due diligence et a continué à travailler pour le compte d’un parc en manque de conformité avec la loi nationale, pendant près d’une dizaine d’années. Par ailleurs, les atteintes aux droits humains ont continué et W.w.f n’a rien fait de plus. Le C.a.d note la bonne volonté de W.w.f et du gouvernement congolais à mettre en œuvre nos recommandations et souligne que le rapport commandé par W.w.f et le gouvernement présente énormément de faiblesses. Ce document suscite un doute sérieux sur sa crédibilité. Si un rapport plus détaillé existe, il est important que W.w.f et le gouvernement jouent la transparence en publiant l’intégralité de leur rapport.
(Note d’observations du CAD publiée le 28 juin 2024)