C’est la mauvaise habitude qui fait tache d’huile dans les quartiers des villes congolaises. Le temps d’un accident de la circulation automobile, les Congolais optent pour des «live» (filmer) à poster dans les réseaux sociaux (Facebook, Tiktok, YouTube, X, Instagram, etc), pour augmenter le nombre de vues sur leurs pages, au lieu d’aider les victimes, parfois entre la vie et la mort, grâce aux cinq gestes de premiers secours. Le désir de visibilité à tout prix sur les réseaux et médias sociaux a pris le dessus sur la dimension humaniste, dans l’esprit de la plupart de nos compatriotes.

Smartphone en main, ils sont nombreux à se livrer à l’exercice: filmer les personnes accidentées et décrire la scène de l’accident en live, pour leurs abonnés. On dirait des journalistes reporters d’images des grandes stations de télévision. Pourtant, il ne s’agit que des amateurs de la caméra et du micro, qui ont choisi d’augmenter leurs vues sur Internet à travers ces scoops, avec des commentaires inhumains en live comme: «Nous sommes sur le viaduc… Nous venons d’assister à un accident. Deux voitures sont entrées en collision faisant plusieurs morts. On attend l’arrivée des ambulances».
Le genre d’attitude, preuve de non-assistance à personne en danger que condamnent les juristes. «Nous sommes dans un monde où on ne comprend plus les Congolais. Avant, lors d’un accident, le premier réflexe était celui d’aller secourir les victimes, pas de filmer les gens en train peut-être de mourir, pour les diffuser sur Facebook, YouTube. Ça ne me rend pas du tout fier en tant que Congolais», affirme Béni Eton, ancien attaché juridique au cabinet du Ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la réforme de l’Etat.
Comme certains experts en la matière, Béni Eton estime qu’avant l’arrivée des sapeurs-pompiers au lieu de l’accident, ces Congolais que les observateurs de la Chronique des quartiers qualifient de reporters de la rue, doivent réaliser les cinq gestes de premiers secours:
– la manœuvre de Heimlich en cas d’étouffement;
– placer la victime en position latérale de sécurité en cas d’évanouissement;
– la compression en cas de saignement
– procéder à un massage thoracique en cas d’arrêt cardiaque,
– appliquer la règle des 3×20 en cas de brûlure, afin d’éviter les complications.
Ces gestes permettent de porter assistance à autrui, au lieu de filmer les morts et les blessés avec son téléphone portable. Selon des experts, la bonne attitude est d’appeler les sapeurs-pompiers, en cas d’accident et d’agir, car notre intervention peut sauver des vies. Les amoureux de «lives» sur les réseaux sociaux lors des accidents sont-ils poursuivables en justice? Beaucoup ignorent que le fait de filmer, alors qu’on a la capacité de porter assistance à la personne en danger est un comportement réprimé par la loi. D’après Béni Eton, l’article 63 du code pénal dit en substance qu’on court une amende allant de 24 mille à un million de francs Cfa et d’un emprisonnement d’un mois à trois ans, pour non-assistance à personne en danger. Certaines personnes peuvent donc se retrouver derrière les barreaux pour un live qui peint une scène d’accident qui endeuille plusieurs familles.
Face à la proportion inquiétante que prend le phénomène des «reporters de la rue» filmant des gens en train de succomber lors d’un accident, les autorités congolaises doivent multiplier les formations et les campagnes de sensibilisation aux gestes de premiers secours, afin de permettre aux populations d’agir dans les quartiers en toute urgence. Ce qui permettrait à chaque citoyen d’être capable de porter assistance aux victimes d’un accident, en attendant leur prise en charge par les sapeurs-pompiers et les services de santé. Une vie sauvée vaut mieux que mille vues dans les réseaux sociaux, même si ces vues peuvent rapporter plusieurs billets de banque et nous enrichir.

Hordel
BIAKORO MALONGA
Journaliste

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