Le gouvernement congolais avait bel et bien envisagé une coopération en matière foncière avec le gouvernement rwandais. En effet, le 24 novembre 2021, lors de la 5ème commission mixte Congo-Rwanda, tenue par visio-conférence, le ministre de la coopération internationale et de la promotion du partenariat public-privé, Denis Christel Sassou-Nguesso, avait conclu, avec son homologue rwandais, Vincent Biruta, ministre des affaires étrangères et de la coopération, sept accords de coopération, dont un accord de coopération en matière foncière, qui a donné lieu à des autorisations provisoires d’occuper, mais que les Rwandais n’ont pas finalement exploitées.

La conclusion de l’accord de coopération en matière foncière faisait suite aux promesses de la partie congolaise d’offrir des terres agricoles au Rwanda. Ce qui avait amené l’ambassadeur rwandais à Brazzaville, Théoneste Mutsindashyaka, d’aller voir, en juillet 2021, le ministre d’Etat Pierre Mabiala, ministre des affaires foncières et du domaine public, pour lui demander des titres fonciers. «Je viens spécialement vous demander les actes des terres que le gouvernement congolais a données à l’Etat rwandais, dans le cadre de la coopération Sud-Sud. Comme Son Excellence Denis Sassou-Nguesso, Président de la République du Congo, a mis en avant le développement de l’agriculture. Le Rwanda est prêt à travailler avec le Congo pour le développement de l’agriculture», avait-il indiqué à la presse au sortir de cette audience.

Claudine Munari venant de recevoir le bottin des mains du Premier ministre (à droite).

Au lieu des titres fonciers, le gouvernement congolais, par le biais du Ministère en charge de la coopération internationale, avait préféré conclure un accord de coopération foncière. Ainsi, lors de la visite d’Etat du Président rwandais, Paul Kagame, du 11 au 13 avril 2022, en République du Congo, le gouvernement congolais, représenté par le ministre Denis Christel Sassou-Nguesso, avait signé avec la partie rwandaise, huit instruments juridiques (accords, conventions, mémorandum) de coopération et de partenariat, dont un signé avec la société rwandaise Crystal ventures limited, représentée par son manager, le Dr Jack Kayonga, pour une concession de 12.000 hectares de terres exploitables dans trois départements du Sud du pays (Pool, Bouenza et Niari), pour la culture du ricin. C’est cet accord qui va mettre le feu aux poudres, suscitant l’indignation au sein de l’opinion publique, qui parle alors de «vente des terres congolaises au Rwanda».
Dans le cadre de cet accord, Crystal ventures limited a créé une succursale de droit congolais, appelée Eleveco-Congo. Malgré les critiques qui fusaient dans les réseaux sociaux et les médias, le gouvernement congolais a accordé, à cette succursale, une «autorisation expresse d’occuper», par décret n°2022-258 du 18 mai 2022, d’une superficie de 11.084 hectares, dans le Ranch de Massangui (Département de la Bouenza). Le 8 décembre 2022, il a ajouté cinq autres autorisations provisoires d’occuper des terres rurales dans les Départements du Pool, de la Bouenza et du Niari.
Deux missions rwandaises vont se succéder à Brazzaville, au mois de mars 2024, pour venir voir les terrains de 980 kilomètres-carrés au total que le Congo aurait cédés au Rwanda. «Des entrepreneurs et autres membres du secteur privé rwandais ont visité les terres que le Congo-Brazzaville a offert au Rwanda, étant plus grande que la ville de Kigali, pour être exploitées… Entre le 4 et le 8 mars de cette année, certains membres du secteur privé du Rwanda ont visité le Congo-Brazzaville et ont découvert les deux terrains qui appartiennent, désormais, au Rwanda, avec une superficie combinée de 980 kilomètres-carrés…», avait dit un commentaire de la télévision rwandaise, qui précisait que cet espace allait servir à la culture du piment, du maïs, etc. Ce qui avait provoqué un tollé chez les Congolais qui voyaient là, la preuve que le gouvernement avait vendu, en catimini, des terres au Rwanda.
Devant le boucan suscité par cette affaire, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, accompagné du ministre d’Etat Pierre Mabiala, en charge des affaires foncières, et du ministre Thierry Moungalla, en charge de la communication, avait fait une tournée, un jour de début juin 2024, par hélicoptère, dans les localités de la Louila, d’Aubeville (village Mboma), Loudima (village Soulou) et Massangui (District de Yamba), pour confirmer que ces terres appartiennent toujours à la réserve foncière de l’État et qu’elles n’ont jamais été vendues au Rwanda.
Malgré ces explications, les flammes de cette affaire continuaient à embraser les réseaux sociaux et la contestation montait. Au point que les évêques catholiques du Congo ont cherché à savoir de quoi elle retournait réellement, en allant s’en enquérir auprès du Premier ministre. Pour avoir annoncé la vérité recueillie de source gouvernementale, en confirmant qu’il n’y a jamais eu vente de terres, ils avaient essuyé des critiques acerbes. L’affaire sera même à l’origine d’un vif échange entre le Premier ministre et le président du sénat, Pierre Ngolo, lors d’une séance de questions orales avec débat, le 21 juin dernier.
La réalité est telle que la succursale congolaise de la société rwandaise n’a jamais mis en exploitation les terres rurales qui lui ont été autorisées d’occuper provisoirement, par le gouvernement congolais. Ce faisant, le Premier ministre a promis qu’à l’issue de l’échéance de deux ans accordée et qui s’achève en décembre prochain, il ne va pas renouveler ces autorisations provisoires d’occuper.
Par ailleurs, dans la coopération avec le Rwanda, le gouvernement a dû suspendre la procédure de ratification de deux accords, notamment l’accord de coopération militaire et l’accord-cadre de partenariat économique, de la promotion et de la protection des investissements entre le Congo et le Rwanda, en raison des réactions hostiles au sein de l’opinion congolaise. Comme on peut le constater, le Premier ministre a tenu à communiquer. Tout est donc clair: il n’y a pas d’accord caché; il n’a jamais été question de vente de terres et que, compte-tenu de l’opposition des Congolais, la coopération dans les domaines militaire et foncier entre le Congo et le Rwanda a été suspendue.

Jean-Clotaire
DIATOU

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