Ces derniers-jours, j’ai été témoin des scènes et spectacles désolants et déshumanisants devant les agences de la C.r.f (Caisse de retraite des fonctionnaires) et de la C.n.s.s (Caisse nationale de sécurité sociale) où les retraités étaient censés percevoir leur pension. Oui, des retraités qui, après avoir durement travaillé, sont allés à la retraite qu’ils pensaient être une retraite bien méritée et ipso facto dorée. Une retraite qui est devenue une illusion permanente voire même un calvaire.

Tous étaient là, fatigués, assis qui dans des fauteuils roulants pour handicapés, avec leurs walkers, qui s’appuyant sur un bâton en guise de canne de fortune ou avec des cannes-béquilles, qui affalés dans des chaises mises à leur disposition sous des chapiteaux. Leurs visages ridés et amaigris reflétaient non pas le bonheur d’être retraités ou la placidité, mais la misère, la pauvreté et l’inquiétude du lendemain. Un véritable spectacle désolant, triste et morbide auquel l’on est insensible. Cynisme ou «m’en foutisme»?
Les uns, tout en se rappelant les souvenirs d’antan, se partageaient, solidarité oblige, des bananes, du pain, des beignets, des ignames, des cacahuètes; du moins tous ceux qui pouvaient en avoir. Les autres, attendant d’être appelés, bayaient aux corneilles ou somnolaient la bouche entr’ouverte où pouvaient s’engouffrer des mouches, des moucherons et d’où dégoulinait lentement de la bave.
Dans ce groupe, l’on trouvait aussi beaucoup de malades victimes de diverses pathologies comme l’asthme, les rhumatismes aigus, l’hypertension, le diabète morbide, la prostate, l’hémiplégie, etc. Tous étaient accompagnés soit par un fils, soit par un neveu, soit encore par un frère qui, tous, les aidaient à se mouvoir. Malgré toutes ces pathologies, ils «prenaient la vie du bon côté», si vie il y avait encore pour eux. Ah pauvres retraités maltraités!
«La vieillesse est un naufrage» dixit le général De Gaulle. Nos retraités en sont les exemples vivants ou si vous voulez, la caricature. Jusqu’à quand notre Etat les laissera choir dans la misère, à l’automne de leur vie? La misère à propos de laquelle le père Joseph Wresinski a affirmé: «La misère commence là où sévit le non-respect des droits de l’homme. La misère n’est pas une fatalité. C’est une maladie du corps social, condamnée à disparaître. La misère est l’œuvre des hommes et seuls les hommes peuvent la détruire. La misère est une violation des droits de l’homme et une atteinte à la dignité humaine. La lutte contre la misère est un devoir sacré fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains. Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, il faut s’unir pour la combattre, la refuser et résister à l’inacceptable».
Comme je l’ai déjà écrit, «il nous faut aimer et construire le peuple congolais. Car, construire ne se limite pas à la distribution des cadeaux ou à l’érection des infrastructures. Construire, c’est dynamiser les couches sociales, non pas pour diviser, afin de régner, mais pour les renforcer, afin qu’elles contribuent à l’édifice national. Construire, c’est de protéger le peuple entier et le rendre heureux en le mettant loin du stress permanent, des soucis financiers et matériels».
De son côté, la Déclaration universelle des droits de l’homme affirme: «Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires… Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité».
En mes qualités de chrétien et d’humaniste, je suis révolté dans mon for intérieur, car le chrétien et l’humaniste ont un profond et grand respect pour les personnes âgées et pour tous ceux qui sont leurs parents qui leur ont permis de naître, de vivre, de grandir et de travailler dans notre pays, le Congo. Tous nos vieux, quoiqu’étant loin de ceux que Jacques Brel a chantés et dont il a dit «que chez ces vieux, ça sentait le thym, le propre, la lavande et le verbe d’antan» sentent, au contraire, la misère, la poussière, l’urine, le sale. Ils affichent le désarroi et l’appréhension des lendemains incertains qui les empêchent de dormir.
Je suis révolté de l’âgisme à l’égard de nos retraités. Lequel âgisme peut être considéré, sous d’autres cieux, comme la non-assistance à personnes âgées en danger.
Enfin, je suis révolté, car «être révolté, c’est prendre la révolte des autres», dixit Albert Camus. Attention, notre tour arrive à grands pas. Dois-je nous rappeler ce qu’a dit Alfred de Vigny: «Nul ne se connaît tant qu’il n’a pas souffert»?
Il faut toutefois rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. C’est pourquoi il sied de relever et de souligner les efforts qui ont été faits soit par la C.n.s.s et par la C.r.f. En effet, beaucoup d’efforts ont été faits entre temps pour soulager les retraités à qui la pension était versée mensuellement, en attendant que le paiement de leurs arriérages soit ordonné. Les efforts qui ont été déployés pour leur fournir des toilettes décentes et propres. Finies ces éclipses pour aller uriner dans les herbes ou au bord des murs d’alentour. Il est évident que la C.n.s.s et la C.r.f ne ménagent aucun effort pour procurer un peu de bonheur aux retraités. Ce bonheur qui est un état d’âme qu’il faut, coûte-que-coûte recréer.
Contrairement à ce que nous croyons, ce bonheur se trouve parfois dans les petites choses. L’ego nous éloigne parfois du bonheur, car il entraîne un individualisme exacerbé et des réponses inadéquates aux circonstances de la vie; ainsi il détruit le bonheur.
Ce bonheur qui est différent du plaisir et ne peut exister sans partage. Le bonheur, c’est avant tout l’amour, au sens plus noble du mot. Pour l’avoir de manière permanente, il faut, quoi qu’il arrive, rester serein, concentré et chercher à briller par son cœur et surtout à partager. Pour le voir, il faut plonger au cœur de notre être, par-delà les pulsions, les passions et les habitudes pour le retrouver. C’est en donnant de l’amour que nous recevons de l’amour; c’est en donnant la possibilité aux autres d’avoir le bonheur que nous sommes heureux. C’est l’une des lois de la nature.
Enfin, mon vœu le plus cher est de nous voir, nous les Congolais que nous sommes, de nous montrer de la pitié, de nous montrer des qualités et de montrer plus d’amour. Nous nous permettrions alors plus d’égalité; nous ferions preuve de fraternité et d’unité. Nous laisserions alors l’humour et je me dirais heureux de nous voir tous vivre ensemble dans une société congolaise qui malheureusement est en perte de repères et de valeurs. Ayons de la pitié pour nos retraités qui tirent le diable par la queue. Rendons leur retraite heureuse et non un havre d’inquiétude du lendemain. A tous Ceux qui aujourd’hui se permettent de rouler les mécaniques en négligeant nos retraités qu’ils considèrent par ailleurs comme des citoyens de seconde zone, je voudrais rappeler ces paroles de l’artiste musicien Franco Luambo: «Mokili tour à tour. Lelo ya ngai, lobi ya yo».
Soyons des symboles vivants des valeurs humaines les plus nobles, des représentants brillants de cette catégorie d’êtres humains, de plus en plus rares qui considèrent que quand la dignité et l’honneur sont en cause, il n’y a pas de compromis possible ; cette catégorie d’êtres humains qui «respectent et considèrent l’homme pour ce qu’il est et non pour ce qu’il a ou pour ce qu’il possède».

Dieudonné
ANTOINE-GANGA.

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