Commentaire
Budget de l’Etat: chapitre
dette publique intérieure
Depuis le retour du Président Denis Sassou-Nguesso aux affaires en octobre 1997, les différents gouvernements qu’il constitue dans ses mandats successifs à la tête de l’Etat brillent par un facteur constant: l’accumulation de la dette publique intérieure. On parle souvent de la dette extérieure. Aujourd’hui, la courbe s’est inversée: la dette extérieure diminue, alors que la dette intérieure est en croissance exponentielle. Parmi les conséquences de cette dette intérieure, il y a évidemment l’expansion de la précarité, de la pauvreté au sein de la population et surtout le ralentissement économique. Voici comment!
Dans le budget de l’Etat, s’il y a un chapitre que le gouvernement devrait regarder méticuleusement, c’est celui de la dette intérieure publique, constituée, en gros, de deux catégories: la dette commerciale et la dette sociale. L’Etat congolais se révèle être un mauvais payeur. Même quand il a des ressources financières, il traîne les pas à payer ses contrats. Au fait, les cadres de l’administration publique ont développé la mauvaise habitude de ne pas payer, comme il se doit, les acteurs intérieurs, parce qu’ils n’en courent rien.
Dans son bulletin statistique de la dette publique, publié le 28 mars 2024, la C.c.a (Caisse congolaise d’amortissement) indique qu’«au 31 décembre 2023, la dette publique se chiffre à 8.497,28 milliards de francs Cfa représentant 87,94% du P.i.b (Produit intérieur brut) contre 8.149,54 milliards de francs Cfa, soit 93,77% du P.i.b en 2022». Cette dette publique «se décompose en dette intérieure soit 5.017,51 milliards de francs Cfa correspondant à 59,05% de l’encours total, contre 3.479,77 milliards de francs Cfa de dette extérieure soit 40,95% dudit encours». A cela s’ajoute la dette des entreprises publiques, dont les dix plus importantes sont suivies par la C.c.a.
Cette dette intérieure de 5.017,51 milliards de francs Cfa est composée de trois grands postes. Il y a le premier grand poste constitué par les O.t.a (Obligations du trésor assimilables): 1.906,80 milliards de francs Cfa; la consolidation B.e.a.c (Banque des Etats d’Afrique centrale): 572 milliards de francs Cfa et les B.t.a (Bons du trésor assimilables): 365,86 milliards de francs Cfa.
Dans le deuxième grand poste de cette dette intérieure, on trouve les arriérés commerciaux (dettes dues aux entreprises congolaises), soit 629,83 milliards de francs Cfa; les arriérés sociaux (retards de salaires, pensions, contentieux judiciaires, etc) qui s’élèvent à 565,88 milliards de francs Cfa et les sinistrés du 4 mars 2012: 229,76 milliards de francs, mais la base de cette dette n’est pas sûre. Il faut dire que la dette commerciale est souvent regardée avec suspicion, car l’on considère que c’est une dette résultant de la surfacturation des marchés publiques, des éléphants blancs et autres spéculations. Raison pour laquelle il y a des audits de cette dette.
Le troisième grand poste est occupé par les entreprises chinoises, avec la consolidation «China state»: 238,41 milliards de francs Cfa et la consolidation de la dette due à la C.r.b.c (China road et bridge corporation): 161,86 milliards de francs Cfa. Ici aussi, des suspicions de surfacturation existent.
De cette dette intérieure totale de 5.017,51 milliards de francs Cfa, le gouvernement n’a remboursé qu’un montant total de 8,43 milliards de francs Cfa en 2023 et 6,98 milliards de francs Cfa en 2022. A cette dette intérieure, il faut ajouter l’endettement intérieur et extérieur des dix grandes entreprises publiques et parapubliques, dont une partie est garantie par l’Etat. Donc, l’Etat se retrouve endetté à travers ses entreprises. A ce niveau, on peut féliciter les efforts de remboursement de ces dernières années. Cette dette des entreprises du portefeuille public, qui avait atteint 343,246 milliards de francs Cfa, ne représente plus que 7,519 milliards de francs Cfa en décembre 2023 et elle est en voie d’être soldée. Parmi les entreprises qui ont fait l’effort de remboursement, il y a la S.n.p.c (Société nationale des pétroles du Congo) et le P.a.p.n (Port autonome de Brazzaville).
On peut donc constater que depuis le début de cette année 2024, la dette publique intérieure est supérieure à la dette extérieure, tout simplement parce que cette dernière enregistre des paiements, chaque mois, alors que le gouvernement rechigne à payer la dette intérieure, par manque de pression suffisante. Donc, quand un gouvernement adopte un projet de loi de finances et qu’il ne se fait pas une idée de ce que pèse la dette dans ses finances, il crée lui-même les conditions de ses futures difficultés, à l’exemple de la crise financière qu’on est en train de vivre présentement.
Pour terminer, faisons une simple opération: la dette intérieure fait 5.017,51 milliards de francs Cfa; le projet de loi de finances 2025 prévoit des recettes de 2.826 milliards de francs Cfa. Si le Congo était obligé de payer cette dette intérieure en une année, son budget 2025 ne suffirait pas. Alors, qu’est-ce qui rend nos ministres si optimistes? Est-ce le fait qu’il n’arrive rien à l’Etat de ne pas payer la dette intérieure ou de la payer à une dizaine de milliards chaque année? A ce rythme, il faudra cinq siècles (calculez bien) pour terminer cette dette et encore, il ne faudrait plus s’endetter pendant tout ce temps. Quand on a une dette intérieure supérieure aux recettes annuelles de l’Etat, quelle gouvernance peut-on avoir pour assurer le bonheur du peuple?
Bonjour. Merci beaucoup pour votre article écrit en français facile qui nous a bien édifié sur la dette intérieure du Congo Brazzaville.