Commentaire
Collecte des recettes fiscales:
la guerre entre Gupistes et Cutistes !
Comme si la crise financière due à l’endettement ne suffisait pas; comme si les Congolais n’en avaient pas assez des difficultés de la vie quotidienne, engendrées par les délestages de l’électricité, les pénuries récurrentes d’eau courante et de carburant, le mauvais état de certaines avenues goudronnées, l’insécurité des bébés noirs, l’inflation des prix dans les marchés, la précarité sociale, etc, voilà que le gouvernement vient ajouter à ce tableau déjà si sombre, la guerre entre Gupistes et Cutistes. Dramatique histoire de collecte des recettes fiscales, qui divise le gouvernement.
Dans tous les pays du monde, les administrations fiscales collectent les recettes publiques (impôts, taxes, redevances, droits de douane, droits d’accise, etc). En dehors de la Direction générale des impôts et des domaines, qui gère la fiscalité des grandes entreprises, la fiscalité pétrolière, etc, il y a la douane qui est une administration étatique spécifique bien connue, ayant plusieurs missions aux frontières, dont le recouvrement des droits de douane, c’est-à-dire les impôts sur les marchandises qui entrent ou qui quittent le territoire, suivant une grille tarifaire définie par la loi.
Les autres administrations sont regroupées dans le concept de régies financières, c’est-à-dire l’ensemble des directions (générales et départementales) chargées de recouvrer les recettes de l’Etat, dont les contributions directes qui collectent un certain nombre d’impôts comme les I.r.p.p (Impôt sur les revenus des personnes physiques), les impôts fonciers, les patentes…).
Toutes ces administrations, qui gèrent et collectent les recettes fiscales, sont tenues de les orienter vers une structure, le Trésor public, la destination finale de l’argent collecté, à partir de laquelle sont ordonnées les dépenses publiques. En effet, les recettes collectées doivent être déposées sans délai au Trésor public. Le décret n°2024-99 du 6 mars 2024 portant attributions et organisation de la Direction générale du trésor donne entre autres missions au Trésor public d’«exercer le contrôle réglementaire et centraliser les opérations de recettes et de dépenses de l’Etat et de tout autre organisme public qui ne dispose pas de comptable particulier; assurer le recouvrement des impôts et taxes assimilés ainsi que des droits de douanes…». Le Trésor public est sous tutelle du ministre en charge des finances.
Dès lors, on perçoit en toute évidence que la politique de collecte des recettes publiques est sous la responsabilité intrinsèque du ministre en charge des finances. Mais, comme le Président de la République ne voulait pas confier le portefeuille des finances à un clan qui cherchait à l’avoir, il lui a concédé un morceau. C’est ainsi que la tutelle des régies financières a été envoyée au Ministère du budget, des comptes publics et du portefeuille public. Bonjour les dégâts! Comment le ministre en charge des finances peut-il mettre en œuvre une politique nationale de recettes publiques, quand les régies fiscales et douanières ne sont plus sous sa tutelle? Dans ce contexte, il ne faut pas être surpris par la guerre entre Cutistes et Gupistes, des termes forgés à partir des sigles:
– Gup (Guichet unique de paiement);
– Cut (Compte unique du trésor).
Le Gup, c’est l’histoire de la convention entre la Direction générale du trésor et la Banque postale. Après la signature de cette convention en 2021, la Banque postale a mis en place des guichets uniques de paiement, pour recouvrir les recettes fiscales et douanières. Cette convention était mise en place pour sécuriser la collecte des recettes fiscales. Or, non seulement le Gup coûte cher à l’Etat, puisqu’il faut un loyer total de 800 millions de francs Cfa par mois, que l’Etat paye à la Banque postale, mais encore un travail d’inspection a démontré des écarts, en dizaines de milliards de francs Cfa, entre les recettes collectées et les montants virés au Trésor public. En plus, il y a le problème du manque de traçabilité pour ceux qui payent leurs impôts. Du coup, le Gup est devenu synonyme d’évasion financière.
D’où la décision du ministre de l’économie et des finances de résilier la convention signée avec la Banque postale et de réhabiliter les régies financières dans la collecte des recettes fiscales et douanières, conformément à la directive de la Cemac. Cette décision a été appuyée par le Président de la République lui-même, devant le parlement réuni en congrès, en instruisant solennellement le gouvernement qu’«à compter du 1er janvier 2025, les paiements, au profit de l’Etat et de ses entités publiques, devront se faire par des moyens sécurisés, garantissant leur traçabilité et leur centralisation au niveau du Trésor public. Comme l’on peut s’en rendre compte, les présentes mesures sont destinées à favoriser le rétablissement de nos équilibres économiques et financiers».
Par cette déclaration, le Chef de l’Etat signait l’acte de décès de la convention entre le Trésor public et la Banque postale qui, à travers le Gup, centralisait les recettes fiscales, avant de les virer au Trésor public. Les considérations techniques évoquées par le Premier ministre n’ont pas pour finalité d’empêcher la mise en œuvre de cette décision du Chef de l’Etat, mais juste de rendre conforme le processus de résiliation de la convention aux dispositions de la nouvelle loi de finances.