Le remaniement gouvernemental ayant suivi les élections législatives et locales de juillet 2022 a eu beaucoup de particularités. Surtout en ce qui concerne le modus operandi. Tout le monde savait qu’après les élections, l’équipe gouvernementale mise en place en avril 2021, après la réélection du Président Denis Sassou-Nguesso, allait être retouchée, pour l’adapter à la nouvelle donne politique. On savait que le Premier ministre Anatole Collinet Makosso allait être reconduit dans ses fonctions, mais que son équipe gouvernementale allait être retouchée, en raison des pesanteurs qui ont parfois créé des contradictions entre ministres, affaiblissant l’action du gouvernement. Au final, on se retrouve pratiquement avec la même équipe. A peine trois sortants, trois entrants et trois ayant changé de portefeuilles. Le départ de Rigobert Roger Andély (à gauche sur la photo), qui occupait le portefeuille des finances, a même surpris l’opinion qui ne comprend pas, car s’il est des ministres de l’ancienne équipe qui ont mouillé le maillot, il y a bien lui. Mais, que s’est-il donc passé?
Tout donne à penser que le remaniement ministériel s’est réduit au changement du titulaire du portefeuille des finances. Là où on ne s’y attendait pas. Rigobert Roger Andély avait, en effet, conquis l’estime des Congolais, par sa rigueur et son acharnement au travail, dans un pays obligé de redresser ses finances publiques croulant sous le poids immense de l’endettement. Grâce à lui, le Congo a pu reconquérir la confiance du F.m.i (Fonds monétaire international), qui avait suspendu sa collaboration avec le pays, après l’échec de l’accord signé en juillet 2019.
Son entrée au gouvernement, en remplacement de Calixte Nganongo, avait permis au Congo de décrocher de nouveau, le 21 janvier 2022, un nouvel accord avec le F.m.i. Le redressement des finances publiques a fini non seulement par relancer la confiance des partenaires financiers du Congo, mais aussi par donner comme fruit le paiement régulier des salaires et la reprise du versement des pensions des fonctionnaires retraités. Un véritable ouf de soulagement pour cette catégorie sociale qui se sentait oubliée par la République, durant un an de galère, pour cause de non-versement de pensions.
Mais, pourquoi Rigobert Roger Andély, qui va sans doute repartir à son poste de président du Conseil d’administration de la B.s.c.a (Banque sino-congolaise pour l’Afrique) où il fut promu en 2015 par le Président Sassou-Nguesso, a-t-il fait les frais du remaniement gouvernemental? L’on se souvient qu’avant les élections, de nombreuses critiques l’ont ciblé, parlant de lui comme d’un ministre versant dans la «parentocratie», en amenant des membres de sa famille à son cabinet déjà plein à craquer d’une kyrielle de conseillers. Sa rigueur implacable dans un style trop personnalisé lui a attiré de nombreux détracteurs. Pour ceux qui étaient au courant du climat qui régnait déjà au Ministère des finances sous son empire, son départ n’est pas étonnant. La rigueur c’est bien, mais la dictature de la rigueur finit souvent par déranger.
D’ailleurs, son remplacement par Jean-Baptiste Ondaye (à droite sur la photo), l’un des plus grands économistes praticiens du pays, répond à ce souci de maintenir le bon climat de travail dans la poursuite des réformes, tout en gardant un environnement social vivable. Bref, l’art de faire passer la pilule en douceur. Le successeur de Rigobert Roger Andély à la tête des finances publiques est aussi connu comme un bourreau du travail, un homme des dossiers. Mais, doublé d’un homme de cœur, sensible aux autres. Il est le père du D.s.r.p congolais (Document de stratégie de réduction de la pauvreté) en janvier 2007, le promoteur de la Gar (Gestion axée sur les résultats) que les ministres avaient fini par rejeter, tellement ils trouvaient agaçant d’être notés sur leur travail, et le parrain du Mouvement Sun-Congo (Scaling up nutrition) de lutte contre la malnutrition.
Jean-Baptiste Ondaye a travaillé sous l’ombre du Chef de l’Etat, comme secrétaire général de la Présidence de la République, de longues années durant, gérant des dossiers sensibles, même de nature financière, sans provoquer de vague. C’est l’une des perles rares de la galaxie Sassou. Maintenant qu’il est projeté au-devant de la scène, c’est un grand défi pour lui non seulement de prouver qu’il peut assurer la relève d’un Rigobert Roger Andély, mais aussi d’apporter la touche qui a fait défaut à son prédécesseur dans les relations avec ses compatriotes. Sur ce plan, on peut dire que l’efficacité gouvernementale est garantie, mais reste à voir cela sur le terrain.
Jean-Clotaire DIATOU