L’accès à l’électricité permanente, dans l’ère de l’économie numérique, est un véritable casse-tête pour les Congolais. Chaque fois, il y a toujours des raisons techniques pour justifier une période de coupures intempestives et longues d’électricité. A Brazzaville comme à Pointe-Noire, les deux grandes villes du pays, on a le sentiment que la société E²c (Energie électrique du Congo), qui a le monopole de la commercialisation de l’électricité aux consommateurs, trouve à chaque fois des raisons techniques pour justifier les privations d’électricité qu’elle inflige à ses abonnés.
Début novembre dernier, le directeur général de la société E²c, Jean-Bruno Danga Adou, déclarait sur la chaîne de télévision nationale, qu’il n’y a plus de délestages d’électricité au Congo. «Aujourd’hui, nous ne devons pas confondre les black-outs et les délestages. Il n’y a plus de délestage au Congo. Ce que nous vivons ce sont des black-outs», déclarait-il. Il annonçait qu’un programme de coupures d’électricité était mis en place à Brazzaville et Pointe-Noire, durant la période du 7 novembre au 4 décembre 2023, en raison des travaux importants de maintenance visant à améliorer la fiabilité du réseau électrique et qui concernent la construction du poste transformateur de Kinsuka, à Kinshasa.
Quoiqu’il en soit, black-out ou délestage, l’effet est le même chez les consommateurs: rupture de la fourniture d’électricité, avec tous les désagréments que cela crée. Et quand ces ruptures deviennent quotidiennes, la vie est sérieusement perturbée. Même le travail, à l’heure où l’on dépend de plus en plus de l’économie numérique, s’en trouve menacé.
Avant, on a justifié les black-outs par les travaux de construction du poste transformateur de Kinsuka, à Kinshasa. Celui-ci a été finalement inauguré le 13 novembre dernier, par le Président de la RD Congo, Félix Antoine Tshisekedi. C’est une infrastructure qui reçoit le courant de la centrale hydroélectrique de Zongo 2, situé à 130 km de la capitale et construit sur la Rivière Insiki, qui se jette 4 km plus loin dans le Fleuve Congo, au cœur de la Province du Kongo central (anciennement Bas-Congo). C’est un poste de 220 Kw dont 100 Kw pour desservir le Congo-Brazzaville, en transitant par le poste de Mbouono sur la rive droite du Fleuve Congo, et 120 Kw pour la partie Ouest de la ville de Kinshasa.
La raison des perturbations est aussi justifiée par les travaux de maintenance de la turbine G.t.3 de la C.e.c (Centrale électrique du Congo), située à Pointe-Noire. A cause de cela, la période des black-outs a été prolongée jusqu’au 14 décembre.
Tout ceci montre à quel point la société qui commercialise l’électricité au Congo n’a pas encore maîtrisé son domaine, voguant d’aléa en aléa. Quand ce ne sont pas les aléas politico-administratifs, ce sont les aléas techniques. En réalité, les perturbations dans la fourniture d’électricité resteront encore monnaie courante dans notre pays, car on est livré à l’incertitude. A l’heure de l’économie numérique où les transactions financières se font sur Internet qui exige une électricité permanente, notre pays accusera un grand retard dans son développement, en raison du manque de maîtrise du service public de l’électricité.
Dans une interview au journal en ligne Sacer-info, en août dernier, Emile Tsakala, conseiller à la stratégie et développement au Ministère de l’énergie et de l’hydraulique, parlait des faiblesses de la société E²c en matière de gestion: «Je n’ai pas froid aux yeux de vous dire que l’un des indicateurs que nous appelons les pertes, est très élevé dans le système actuel et dans les trois ans qui se sont écoulés, 2019 à 2022. Malgré les efforts louables qui ont été effectués par E2c, on n’a pas pu faire descendre les pertes en dessous de 40%. Donc, lorsqu’E2c fait un chiffre d’affaires de 80 milliards de francs Cfa, cela ne représente que 60% de l’énergie qui est facturée. Il y a 40% qui ne sont pas facturés». Au lieu de régler ce problème dû au management, le gouvernement pense augmenter le prix de l’électricité.
C’est un aspect qui démontre que ce à quoi on est confronté dans le domaine de l’électricité, c’est aussi et surtout la gestion. Celle-ci renvoie au choix des cadres qui dirigent les entreprises et à leur moralité. Jusqu’à présent, on attend toujours que la réforme du secteur de l’électricité apporte les performances attendues, pour soulager les populations.
Jean-Clotaire DIATOU