Le phénomène des érosions devrait inspirer au gouvernement une politique urbaine adaptée non seulement à notre environnement géographique mais aussi et surtout à notre culture urbaine, en matière d’occupation des terrains. Il ne serait pas convenable de continuer à laisser nos villes s’agrandir au gré de l’occupation anarchique d’espaces fonciers non aménagés. Il faut en arriver à encourager l’aménagement des terrains avant toute viabilisation et la construction en hauteur. Autrement, l’érosion des terrains continuera à ruiner les efforts de ceux qui ont construit, par la destruction de leurs maisons.
Le phénomène des érosions est impressionnant à Brazzaville, particulièrement dans les nouveaux quartiers installés sur les montagnes et autres versants de la zone Nord de la ville. On ne le dira jamais assez: il y a des endroits qui ne sont pas favorables à la construction. Le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, le rappelait lors de la journée nationale de l’arbre, le 6 novembre passé, en s’en prenant d’ailleurs à la presse: «Le thème qui a été retenu est, à mon avis, un thème très important. Je crois que, à cause de l’occupation (anarchique), il faut souvent le dire, parce que vous, les journalistes, lorsque vous allez constater des érosions, des glissements de terrain ici et là, vous amenez le propos à la radio et à la télévision, pour rendre le gouvernement seul responsable des dégâts. Vous n’éduquez pas le peuple sur l’occupation anarchique des sols, sur les constructions aux endroits qui ne devraient pas être autorisés à la construction. Vous allez faire vos enquêtes, vous voyez même quelqu’un qui a construit sa maison sous un transport d’électricité très haute tension…, vous n’éduquez pas le peuple. L’information, c’est aussi l’éducation des populations».
On peut sensibiliser les populations, mais faute d’alternative dans leur besoin d’acquérir des espaces fonciers pour construire, elles iront toujours là où il ne faut pas, parce que c’est là où elles trouvent des terrains accessibles du point de vue des prix, pour construire. D’où la nécessité, pour le gouvernement, de changer de logiciel en matière d’acquisition de terrains dans les villes. Les mairies et notamment les mairies d’arrondissement doivent avoir l’ingénierie nécessaire pour faire que la politique urbaine d’occupation des espaces fonciers soit telle que l’aménagement précède le lotissement puis la construction.
Ainsi, chaque municipalité peut être équipée d’un service ou d’une agence d’aménagement de terrains. Et le lotissement des espaces aménagés devrait être réservés aux primo-occupants ou primo-accédants, pour éviter le phénomène de spéculation très caractéristique du domaine foncier. Donc, mettre en place un service ou une agence d’aménagement de terrains, définir les avantages réservés au primo-occupant, encourager les constructions en hauteur comportant plusieurs logements, etc, devraient être les notions de la nouvelle politique urbaine à mettre en place. Une telle réflexion devrait être menée par le Ministère en charge de l’intérieur et le Ministère en charge de la construction.
Autrement, le gouvernement sera toujours appelé à lutter contre le phénomène des érosions, en dégageant des enveloppes qui seront souvent insuffisantes dans le financement des travaux. «Gouverner, c’est prévoir; et ne rien prévoir, c’est courir à sa perte», disait Emile de Girardin, journaliste et homme politique français du 19ème siècle. La navigation à vue condamne souvent à faire le médecin après la mort. Continuera-t-on à laisser nos villes s’agrandir au gré de l’occupation anarchique et désordonnée des terrains? La réponse apparaît clair, dès lors qu’on a affaire à des gouvernants responsables.
Urbain NZABANI