A bientôt 63 ans après son accession à l’indépendance, le Congo est toujours confronté à un système éducatif en proie à d’énormes difficultés. Les diagnostics sont souvent faits, comme maintenant avec la tenue des états généraux de l’éducation. Mais, les remèdes ou les solutions, pas souvent mis en œuvre. En panne de croissance, le système éducatif congolais ne constitue plus un levier puissant de transformation et d’évolution de la société. L’esprit sur lequel il repose, hérité de la colonisation, expliquerait en grande partie ses mauvaises performances. Des tentatives sont faites ici et là pour le rendre perfectible. Mais, les blocages d’ordre psychologique, les contraintes financières et les difficultés politiques surgissent souvent et font avorter les réformes.
Le plus grand nombre de diplômés qui sortent des écoles de formation sont frappés par le chômage. Ce qui les condamne à rester à la charge des parents. Des ingénieurs, des géologues, des géographes, des pharmaciens, des enseignants, des administrateurs, des infirmiers d’Etat, des médecins, des juristes, des économistes, des informaticiens, des journalistes, des secrétaires et bien d’autres diplômés ne savent que faire de leurs savoirs acquis. Beaucoup tombent dans le secteur informel, pour tenter de gagner leur vie. Ils deviennent commerçants, chauffeurs de taxi ou de bus voire, contrôleurs, gardiens, agents de course, etc. D’autres partent en aventure à l’étranger ou y poursuivre leurs études, au prix de mille et un sacrifices pour leurs parents ou leurs familles, obligés de les soutenir.
Tout donne à penser que le Congo ne sait que faire des milliers de diplômés qu’il forme et qui sortent chaque année de son système éducatif. La question de l’employabilité de ces diplômés (adéquation entre formations et emplois) se pose avec acuité. Récemment, il y a eu un concours de recrutement dans la police et la gendarme. Pour 1500 places, il y a eu plus de 100 mille dossiers de candidature. Le secteur privé, en perte de vitesse depuis la crise économique de 2015 et la pandémie de covid-19 (2020-2022), n’est plus pourvoyeurs d’emplois.
Seul, le secteur informel prend de l’importance, en accueillant tous ces bras valides qui tentent de gagner leur vie. Le reste vit de solidarité familiale et amicale. Les solidarités sociales s’organisent à travers les associations, les mutuelles même à travers les partis politiques et autour des acteurs fortunés (dirigeants politiques, hauts cadres de l’Etat et des entreprises publiques, opérateurs économiques, enfants de familles riches, etc).
La cause fondamentale de l’échec de la réforme du système d’enseignement réside en grande partie dans les programmes. Les experts déplorent le fait que ces programmes sont plus orientés vers l’extérieur que vers les réalités congolaises. L’école ne doit pas seulement être un lieu de transmission des savoirs, mais un creuset assurant l’éducation des jeunes, en leur apprenant comment ils doivent se comporter dans la vie active, pour gagner leur vie. Le système éducatif doit être le moyen de former des citoyens non seulement dotés de connaissances scientifiques, mais aussi et surtout armés, au plan éducatif, pour être des acteurs de développement, pour eux-mêmes, pour la société et pour leur pays.
L’école inadaptée est le reflet vivant de l’économie décentrée et dominée par l’extérieur. C’est ainsi qu’elle devient un système d’éducation d’aliénation. Elle est tournée vers l’accumulation des connaissances prenant appui sur les sociétés occidentales. Chaque année, le pays consacre des budgets importants pour l’éducation, sans arriver à impulser une société de développement où ses diplômés trouvent des emplois.
Les statistiques montrent que le Congo a un fort taux d’enfants allant à l’école. Même les taux au niveau de l’enseignement secondaire sont appréciables, même si les statistiques sont en baisse.
Au Congo, l’éducation n’est pas toujours une des clés efficaces de la transformation sociale. Il est vrai que le pays a fait des efforts encourageants, au cours des décennies, pour lutter contre l’analphabétisme, encore que celui-ci est en train de remonter, en raison du phénomène de décrochage scolaire. Mais, le système éducatif demeure, pour l’essentiel, un moyen d’accumulation de connaissances et non un creuset de formation des citoyens aptes au développement. Même le sport n’y est pas systématiquement intégré.
De certaines études, on doit retenir que l’éducation fait partie de la culture qui est un ensemble de valeurs matérielles et spirituelles créées par l’homme pour le progrès de la société humaine. La culture moderne contemporaine, scientifique et technique, est inconcevable sans l’éducation formelle. Il n’y a pas d’éducation formelle sans institution scolaire. L’école congolaise, copie de l’école occidentale, a été généralisée sans rapport étroit avec la réalité congolaise. Elle fonctionne comme un système produisant des citoyens devant aller vivre dans la société occidentale. Bien sûr, le modernisme est une culture partagée. Mais, chaque pays a ses réalités que l’école doit prendre en ligne de compte. Espérons que les états généraux de l’éducation, dont on attend la tenue, seront le point de départ du nouveau système éducatif national dont la société congolaise a besoin pour son développement.
Martin
BALOUATA-MALEKA