En dépit de ses ressources financières annuelles, notre pays continue de drainer des problèmes multiples qui impactent négativement le vécu quotidien des populations. Depuis le début des années 2000, marquant le passage au 21ème siècle, on aurait pu penser que notre pays, avec la stabilité institutionnelle dont il jouit, aurait pu faire de grands pas en avant en matière de développement socio-économique. Et pourtant, qu’on vive au centre-ville ou dans les faubourgs de Brazzaville et Pointe-Noire, les deux grandes villes du pays, les tracasseries quotidiennes sont les mêmes: ruptures d’électricité, d’eau courante, de connexion Internet; embouteillage dans la circulation automobile; pénurie de ceci ou de cela, etc. Non seulement le pays est très endetté, mais encore il n’offre pas de perspectives d’avenir à la jeunesse en proie au chômage massif.
La stabilité institutionnelle et la continuité politique auraient pu être beaucoup plus favorables au développement socio-économique du Congo, ce dernier quart de siècle. Paradoxalement, on a l’impression que le pays a reculé et aujourd’hui, la situation générale confine encore plus au pessimisme. En dehors de la petite élite aux affaires, qui tire son épingle du jeu, la plus grande partie de la population tire la langue. La pauvreté gagne du terrain. Les affaires ne marchent plus comme avant. La morosité règne. Même ceux qui ont accumulé des fortunes, en millions ou en milliards de francs Cfa, préfèrent jouer à la thésaurisation ici, pour dépenser ou investir à l’étranger. Le coefficient de confiance au pays est bas.
Pourtant, le Congo a fait des progrès dans la construction des infrastructures. A travers la municipalisation accélérée, on a construit partout, dans tous les départements. Pour la première fois depuis l’indépendance, on est allé célébrer la fête nationale dans tous les chefs-lieux de département. Mais, à l’image des stades construits et qui sont aujourd’hui livrés à l’herbe sauvage, faute d’organisation et de financements pour promouvoir le sport dans les départements, les infrastructures construites ne semblent pas répondre convenablement au fonctionnement économique du pays. Avec ses sept points de péage sur à peine 510 kilomètres par exemple, la route lourde Brazzaville/Pointe-Noire, qui relie la capitale au Port autonome de Pointe-Noire, n’a pas encore atteint un niveau de trafic de nature à tirer en avant la vie économique nationale.
Ce qui a ralenti les progrès du Congo vers le développement, c’est surtout la gouvernance de ses ressources financières. Malgré le discours politique, la culture de gestion financière faite de consommation directe ne crée pas les conditions d’émergence d’une économie productive à haute intensité de main d’œuvre. A l’exemple de ce que le pays, pourtant producteur de bois, préfère importer de Chine ses équipements en meubles, au lieu de les faire fabriquer sur place et créer ainsi un secteur dynamique de production de mobilier domestique. L’élite congolaise adore le luxe et mieux encore, la griffe. Alors, si les meubles sont fabriqués sur place, il les trouve rudimentaires et ordinaires. Il préfère frapper les esprits avec le luxe importé. Mais, en est-il conscient du coût?
Que ce soit pour le sport ou la culture par exemple, la seule réponse que les gouvernants balancent souvent, c’est: «Il n’y a pas d’argent». Curieusement, eux-mêmes affichent grand train de vie. En laissant une telle tendance culturelle se manifester sans limite, le développement ne sera plus qu’un vain mot pour l’immense majorité de la population.
Le budget 2024 de l’Etat prévoit des ressources de 2.605,7 milliards de francs Cfa. De l’argent qui ne laissera pas de trace ou pas grand-chose. Et pour cause, la consommation directe. En face de ces revenus, la dette de l’Etat représente 97% du P.i.b (Produit intérieur brut), soit au 31 juillet 2023, le montant astronomique de 8.371 milliards de francs Cfa représentant environ trois ans de ressources annuelles, sur la base du budget 2024. Ce n’est pas une performance de gouvernance quand on endette le pays à ce point. A cette allure, il faut changer de logiciel de gouvernance financière.
Jean-Clotaire DIATOU