Commentaire
Pourquoi le football congolais est-il bloqué?
La crise qui mine le football congolais a provoqué la suspension temporaire de la Fécofoot (Fédération congolaise de football) par la Fifa (Fédération internationale de football association) depuis le 6 février 2025. Les conditions à remplir ont été données pour que la suspension soit levée à tout moment. Jusque-là, seul le ministre en charge des sports, Hugues Ngouélondélé, a réagi à cette décision. La Commission ad hoc, aujourd’hui dirigée par Wilfried Bruno Monka et qui occupe le siège de la Fécofoot n’a pas encore réagi, alors que le Comité exécutif de la Fécofoot, dont le président est Jean-Guy Blaise Mayolas et qui a été jeté dans la rue depuis le 7 octobre 2024, se prépare à sortir de son silence. Pourquoi le football congolais est-il bloqué?
S’il faut pour l’instant s’en tenir au point de presse du ministre Hugues Ngouélondélé, il ne semble pas y avoir de solution satisfaisante pour soulager le football congolais. Et pour cause, le ministre des sports a déclaré qu’il est prêt au compromis, mais jamais à la compromission. Beaucoup de Congolais ne comprennent pas l’usage de ces deux termes dans le contexte du football. Au fait, il y a un non-dit derrière ces deux termes. Comment les comprendre?


La Fifa a posé quatre conditions pour lever la suspension qui frappe la Fécofoot. Parmi ces conditions, il y a celle de «redonner le contrôle total du siège de la Fecofoot, du Centre technique d’Ignié et des autres installations de la fédération au Comité exécutif de la Fecofoot, dirigé par M. Jean-Guy Blaise Mayolas, et à son administration».
Et bien, c’est là où le bât blesse. Pour le ministre Hugues Ngouélondélé, la Fifa est en train d’obliger le Congo à une solution qui paraît à ses yeux comme une «compromission», puisque cette solution passe par la réhabilitation de Jean-Guy Blaise Mayolas. Ce qu’il ne veut pas. Pour lui, il faut trouver un compromis avec la Fifa qui fera que la Fécofoot soit dirigée par une autre personne. C’est pourquoi il voit dans la suspension, une opportunité d’organiser le football congolais sur de nouvelles bases. Sous-entendu, on va mettre en place un nouveau Comité exécutif de la Fécofoot.
Pourquoi cette attitude d’intolérance de la part du ministre Ngouélondélé? Officiellement, ce dernier accuse Jean-Guy Blaise Mayolas de manque de résultats. «Depuis 2017 à aujourd’hui, nous n’avons aucun résultat. Mais, si on met sur la balance l’argent dépensé, c’est triste pour le pays. Je dis bien, c’est triste pour le pays. On ne peut pas continuer comme ça», a-t-il dit lors de son point de presse.
En réalité, il y a bien une question de fond. Les relations entre les deux hommes étaient déjà complexes dans la gestion du football congolais. La réélection de Jean-Guy Blaise Mayoklas, le 2 septembre 2022, n’était rendue possible qu’à la suite d’intenses négociations entre la Fécofoot et le Ministère des sports, en présence des représentants de la Caf (Confédération africaine de football) et de la Fifa. Il avait fallu la signature d’un mémorandum d’entente portant sur cinq points, pour qu’enfin Hugues Ngouélondélé laisse Jean-Guy Blaise Mayolas être réélu à la tête de la Fécofoot où il était candidat unique pour un deuxième mandat. L’un des points de ce mémorandum porte sur l’amélioration des relations entre la Fécofoot et le Ministère en charge des sports.
Chemin faisant, le ministre des sports a eu le loisir de choisir, lui-même, l’entraîneur de la sélection nationale, les Diables-Rouges, sans que la fédération n’ait à redire un mot. A ce propos, il jette son dévolu sur les nationaux et c’est Isaac Ngata qui est choisi. La fédération n’était pas pour ce choix, car ce compatriote ne remplirait pas les critères d’entraîner une sélection nationale. Mais, le ministre a maintenu son choix. Et il y a eu la déculottée reçue par les Congolais au Maroc, en juin 2024 (6-0). Les critiques vont alors fuser de partout contre les dirigeants sportifs congolais, gouvernement et fédération confondus. Le parlement s’en mêle et l’assemblée nationale interpelle le gouvernement. Le ministre des sports est sur le banc des accusés et il doit se défendre. Il évoque le manque de budget conséquent et que ce n’est pas le ministère qui prépare l’équipe nationale à jouer les matches. Il charge au passage la fédération et promet de prendre désormais les choses en main.
Pour sa part, Jean-Guy Blaise Mayolas, cherchant à dégager sa responsabilité, tient une conférence de presse au cours de laquelle il lâche qu’au lieu de s’occuper des problèmes de pénurie d’électricité et d’eau courante dans la ville, le gouvernement veut se mêler de la gestion du football. Il n’en fallait pas plus pour susciter l’ire de Hugues Ngouélondélé. Voilà comment le président de la Fécofoot va être couvert du sceau de l’opposant politique, ce qu’il ne reconnaît pas. Mais, pour le ministre, travailler avec lui devient une compromission. Ce n’est pas un hasard si la Commission ad hoc est sortie de nulle part.
Le drame est que dans la gestion du football congolais, le ministre des sports ne comprend pas qu’il marche sur les plates-bandes de la fédération qui est l’organe technique. En parlant de la délégation de service, il semble sous-entendre que l’Etat peut à tout moment récupérer son pouvoir d’organiser lui-même le sport. Or, le gouvernement, à travers le Ministère des sports, est là pour créer les conditions de pratique du sport (construire les stades et les entretenir, assurer la sécurité, acquérir les équipements sportifs, mobiliser les budgets pour la participation des équipes aux compétitions internationales, payer les entraîneurs, les joueurs des sélections nationales, promouvoir le sport, etc). A l’organe technique qu’est la fédération d’organiser les championnats et les autres compétitions; d’assurer la formation des entraîneurs, des joueurs, des arbitres, des officiels de matches et d’entretenir les relations avec les organisations internationales de tutelle (Caf, Fifa), etc.
La Fifa reproche au Congo l’ingérence du gouvernement dans la gestion du football. En écrivant à la Caf et à la Fifa, le Ministère des sports donne la preuve de cette ingérence, car ce n’est pas à lui d’écrire à la Caf et à la Fifa. Mais, quand on le lui dit, le ministre des sports réplique que le Congo est un Etat souverain. Pourtant, cela n’a rien à voir avec la souveraineté d’un pays. La Fifa compte 211 associations membres représentants 187 des 197 Etats souverains reconnus par les Nations unies à travers la planète. Faut-il penser qu’il n’y a que le Congo qui voit sa souveraineté froissée par la Fifa? Les principes de gestion du football sont bien établis dans ses statuts et son règlement intérieur et ils sont clairs.
C’est pour dire que si l’on veut sauver le football congolais, il faut d’abord régler la confusion qui règne dans certaines têtes: dans la suspension qui frappe la Fécofoot, le gouvernement congolais n’a rien à négocier avec la Fifa. Il lui faut simplement arrêter de s’ingérer dans les affaires de son association sportive qu’est la Fécofoot, de remplir les quatre conditions posées et la sanction sera levée.
Jean-Clotaire DIATOU
Félicitations Joachim. Faire un peu plus et aller de l’avant
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