Homme politique congolais, diplomate et surtout écrivain, Marie Joseph Henri Lopès, plus connu sous son nom de Henri Lopès, est né le 12 septembre 1937, à Léopoldville, alors capitale de l’ancienne colonie belge, le Congo-Léopoldville, est décédé, selon un communiqué de l’ancien ministre de la justice, Joseph Ouabari, dans la nuit du jeudi 2 novembre 2023, à l’Hôpital Foch, à Suresnes, en banlieue de Paris, en France.
Henri Lopès a fait ses études primaires à Brazzaville, au Moyen-Congo (colonie française), puis à Bangui, en Centrafrique. C’est en France qu’il a poursuivi ses études secondaires, avant d’intégrer La Sorbonne pour ses études supérieures qu’il a terminées en 1963, pour devenir professeur.
Deux ans après, en 1965, après ce qu’on appelait la «Révolution des 13, 14 et 15 août 1963» ayant provoqué la chute du régime du Président Fulbert Youlou, Henri Lopès regagne le Congo-Brazzaville, au moment où la gauche était au pouvoir, avec Alphonse Massamba-Débat comme Président de la République. Il est enseignant d’histoire à l’Ecole normale supérieure d’Afrique centrale à Brazzaville. Un an après, en 1966, il est nommé directeur général de l’enseignement.
Etant à Brazzaville, il participe au congrès fondateur du P.c.t (Parti congolais du travail) qui se tient du 29 au 31 décembre 1969, sous la direction du Président Marien Ngouabi. Ce congrès fait du Congo une République Populaire, avec l’adoption d’un nouveau drapeau et d’un nouvel hymne national d’inspiration socialiste. Mais par la suite, le nouveau régime sera secoué par de multiples crises politiques, dès la première année de son existence.
Le lieutenant Pierre Kinganga est un A.e.t (Ancien enfant de troupe à l’Ecole général Leclerc de Brazzaville), formé à l’Ecole militaire d’application de Saint-Maixent en France et à l’Ecole supérieure de commandement des troupes aéroportées de Riazan, dans l’ex-URSS, pendant un an (de 1965 à 1966). Classé comme officier de droite et surnommé Sirocco, il est proche de l’ancien Président Fulbert Youlou, exilé en Espagne. Sous le régime du Président Alphonse Massamba-Débat, Sirocco est arrêté en 1968 pour son implication dans une tentative de putsch menée par un mercenaire français appelé Jacques Debré, surnommé Debreton. Il retrouve la liberté dans la crise politique qui provoque la chute du Président Massamba-Débat. Mais, très vite, il se brouille avec le nouveau régime dirigé par le Président Marien Ngouabi et trouve refuge à Kinshasa.
Le 23 mars 1970, Sirocco tente une aventure solitaire de coup d’Etat à Brazzaville, en prenant, avec quelques jeunes, le contrôle de la radio nationale, «La Voix de la Révolution». Il y diffuse ce qui était alors l’ancien hymne national, «La Congolaise». La tentative de putsch est rapidement écrasée le jour même par l’armée et son meneur, le lieutenant Kinganga, est tuée sur les lieux de la radio. Mais, la crise politique s’installe au sein du nouveau parti unique au pouvoir, où une frange exige de plus en plus la radicalisation de la révolution, alors qu’une autre aile prêche la souplesse.
Voilà comment arrive, en février 1972, une autre tentative de coup d’Etat, cette fois fomentée par l’extrême gauche du Parti congolais du travail. Ange Diawara Farimaka est un étudiant en sciences économiques qui décide d’interrompre ses études pour s’engager en politique, un an après la «Révolution des 13,14 et 15 août 1963». Très vite, il intègre la Défense civile, qui est la garde présidentielle et la gardienne de la révolution, en s’appuyant sur la J.m.n.r (Jeunesse du Mouvement national de la révolution), dans un climat de terreur, d’arrestations et d’assassinats au petit matin.
Très vite, le Président Massamba-Débat fait de lui le chef de la Défense civile et donc le chef de sa sécurité. Quand éclate, en juillet 1968, la crise entre le Président Massamba-Débat et l’armée où se distingue le capitaine Marien Ngouabi comme chef de file de la fronde militaire, Ange Diawara bascule dans le camp des militaires. Marien Ngouabi fait de lui premier vice-président du Conseil national de la révolution, un organe de 40 membres (politiques et officiers de l’armée) mis en place le 4 août 1968, pour vider le Président de la République, Alphonse Massamba-Débat, de l’essentiel de ses pouvoirs, en faisant de lui un simple membre de cet organe. Le 4 septembre 1968, le Président Massamba-Débat démissionne officiellement de ses fonctions à la tête du pays.
Du 5 septembre au 1er janvier 1969, les fonctions de Chef d’Etat sont assurées par le commandant Alfred Raoul, suivant un Acte fondamental mis en place. Mais en réalité, c’est le capitaine Marien Ngouabi qui tient les rênes du pouvoir, appuyé entre autres, par certains officiers de l’armée dont celui qui devient le lieutenant Ange Diawara, après l’intégration des éléments de la Défense civile dans l’Armée populaire nationale.
Très populaire au sein de la jeunesse, Ange Diawara est réputé comme un homme intègre, excellent sportif d’arts martiaux et grand idéologue marxiste, proche de Claude-Ernest Ndalla, alias Ndalla Graille, et d’Edouard Ambroise Noumazalaye, qui tiennent l’aile du marxisme pur et dur au sein du P.c.t.
Après la tentative de coup d’Etat de Pierre Kinganga, Ange Diawara fait son entrée au gouvernement comme ministre du développement, chargé des eaux et forêts, formé après la tenue, du 30 mars au 1er avril 1970, du premier congrès extraordinaire du P.c.t. Mais, à cause de son activisme trop prononcé en faveur de la radicalisation de la révolution, il est évincé du gouvernement et du Conseil d’Etat, en décembre 1971. Il faut dire que les rivalités étaient grandes au sein du parti et autour du Président Ngouabi. Le 22 février 1972, Diawara revient avec une tentative de coup d’Etat, issue d’une vaste conspiration de la gauche au sein du P.c.t contre le Président Marien Ngouabi, accusé de beaucoup de maux, dont la mauvaise gouvernance et le tribalisme (Obumitri). La tentative de putsch, baptisée le M22 (Mouvement du 22 février 1972) échoue. Le Président Marien Ngouabi en profite pour procéder à une grande purge au sein de son parti, avec de multiples arrestations et des procès expéditifs. Après son maquis à Goma-Tsétsé, Diawara et treize de ses compagnons sont capturés, abattus et leurs corps exhibés au Stade de la révolution (actuel Stade Alphonse Massamba-Débat).
C’est en 1969, après la fondation du P.c.t, que Henri Lopès entre au gouvernement comme ministre de l’éducation nationale. En 1972, il devient ministre des affaires étrangères. C’est à lui que le Président Marien Ngouabi fait recours, le 28 juillet 1973, pour atténuer la crise politique issue de la tentative de coup d’Etat de 1972, pour le nommer Premier ministre. Le 18 décembre 1975, il est remplacé par Louis Sylvain Goma. Henri Lopès va revenir au gouvernement comme ministre des finances de 1977 à 1980, malgré le changement de régime qui intervient après l’assassinat du Président Marien Ngouabi et le renversement du C.m.p (Comité militaire du parti), dirigé par le général Jacques Joachim Yhomby Opango. Puis, il quitte le Congo pour travailler à l’Unesco, à Paris, où il devient, à partir de 1982, directeur général adjoint, jusqu’en 1998. Il retrouve la politique congolaise, cette année-là, avec sa nomination comme ambassadeur du Congo en France.
En 2002, il fut le candidat de la République du Congo, soutenu par le Président Denis Sassou-Nguesso, au poste de secrétaire général de l’O.i.f (Organisation internationale de la Francophonie) contre l’ancien Président sénégalais, Abdou Diouf, soutenu par le Président français Jacques Chirac, pourtant ami du Président congolais.
En novembre 2014, lors du sommet de l’O.i.f à Dakar, toujours soutenu par le Président de la République, Henri Lopès est de nouveau candidat au même poste, pour succéder cette fois à Abdou Diouf. Mais, une fois encore, la France, cette fois avec le Président François Hollande, qui n’est pas l’ami de Denis Sassou-Nguesso, même s’il lui donnera un coup de pouce plus tard, fait pencher la balance en faveur de la Canadienne d’origine haïtienne, Michaëlle Jean. Deux échecs qui auront marqué la vie de l’homme d’Etat congolais, mais qui n’enlèveront en rien sa grandeur d’écrivain et d’homme d’Etat congolais. Très proche du Président Denis Sassou-Nguesso, Henri Lopès est un grand pan de l’histoire du Congo qui s’en est allé.
Jean-Clotaire DIATOU