Le Conseil des ministres du 18 janvier dernier a prouvé que le gouvernement a pris à bras le corps la question de la lutte contre le chômage, pour soulager une jeunesse qui a du mal à faire son entrée dans la vie active. S’il y a à se féliciter de cette volonté du gouvernement de faire de la création d’emplois l’un des points de mire de l’action politique, il y a lieu de s’interroger tout de même sur la mise en œuvre d’une telle politique, dans le contexte du Congo où l’économie nationale est étouffée par plusieurs facteurs qui se sont d’ailleurs aggravés au fil des années, devenant ainsi des goulots d’étranglement.
La création d’emplois est synonyme de dynamisme économique, portée par une croissance redistributive qui permet d’améliorer le niveau moyen du bien-être des populations. Ce qui n’est pas le cas de notre économie, depuis ces dernières années. Si l’on peut noter quelques points de croissance, ils sont dus à l’industrie extractive, notamment le pétrole. Dans de telles conditions, lorsque le gouvernement annonce la création d’emplois, l’on comprend qu’il joue seulement aux effets d’annonce.
En effet, comment parler de création d’emplois, lorsque l’Etat fait face à des revendications sociales des enseignants qui réclament la régularisation de leurs situations administratives pour certains et des arriérés de salaires et d’heures supplémentaires pour d’autres? Comment peut-on parler de création d’emplois, lorsque les deux mille médecins congolais formés à Cuba et revenus au pays en quatre vagues sont, pour la plupart, en attente de recrutement depuis bientôt deux ans? Comment peut-on parler de création d’emplois dans le secteur privé, lorsque le gouvernement a fragilisé ce secteur, en accumulant une dette commerciale qui s’élève aujourd’hui à plus 2.400 milliards de francs Cfa? Comment peut-on parler de création d’emplois, lorsqu’on n’a pas encore maîtrisé le service d’électricité, même dans les deux grandes villes du pays?
A notre humble avis, ce ne sont pas les emplois que le gouvernement doit faire miroiter aux Congolais, mais sa volonté de réformer le fonctionnement de l’économie nationale en poursuivant, avec plus de volonté, les réformes engagées sous la houlette du Fonds monétaire international et la lutte contre les maux qui minent l’administration congolaise, comme la corruption, la surfacturation des marchés publics, les détournements de fonds et de chapitres, la fuite des capitaux, les abus de pouvoir, les contrôles abusifs et intempestifs, les passe-droits, le tribalisme, etc, qui sont devenus autant de goulots d’étranglement de l’économie nationale.
Il est clair que la dénonciation des comportements véreux des huissiers de justice et des policiers de la circulation routière par le Président de la République lui-même fait beaucoup plus de bien à l’économie congolaise, que la promesse de dix mille emplois dans le secteur public brandie par le gouvernement. Et pour cause, on a déjà entendu des promesses similaires dans le passé, elles sont restées lettres mortes.
C’est sûr et certain qu’une économie nationale réformée, protégée des pratiques de détournements de fonds et de chapitres, débarrassée des anti-valeurs dans le comportement de ses acteurs, où l’Etat paye ses marchés dans le respect de leurs échéances, s’appuyant sur un système bancaire dynamique et efficace, accompagnée par une justice assainie des comportements décriés, baignant dans un bon climat des affaires, et évoluant dans un contexte de sécurité publique libéré des bébés noirs, etc, créera des opportunités d’affaires et d’emplois pour tous.
Une telle économie nationale, portée par une croissance redistributive, exercera, à coup sûr, un pouvoir attractif sur les investisseurs qui chercheront à créer ou à installer des usines au Congo. Il ne restera plus qu’à développer un bon système de formation qualifiante pour que les jeunes trouvent des emplois. Notre pays a tellement d’atouts pour y parvenir, mais des atouts compromis depuis par le comportement prédateur de l’élite. Identifier et éradiquer les goulots d’étranglement qui asphyxient l’économie nationale, poursuivre la lutte contre les anti-valeurs par la sanction, mettre en application les réformes décidées, promouvoir la gestion axée sur les résultats, voilà qui permettra de créer les conditions favorables à l’émergence des emplois.
L’HORIZON AFRICAIN