Il y a un proverbe irlandais qui dit que «ce qui coule de bas en haut, coule aussi de haut en bas». Ce proverbe traduit une sorte d’osmose existant entre les entités d’une même cosmogonie. Mais, ce qui est remarquable dans ce proverbe, c’est le point de départ, ce qui coule de bas en haut. Comment une manifestation peut-elle couler de bas en haut? Couler, en parlant notamment d’un liquide, c’est le faire passer d’un lieu à un autre. Et, généralement, le sens de l’écoulement de tout fluide dépend de la morphologie des lieux. Pour faire couler un liquide de bas en haut, il faut une force d’aspiration. La pompe immergée, par exemple, dispose de suffisamment de puissance pour pomper l’eau de bas en haut. De même, la sève d’un arbre monte des racines aux feuilles par l’effet du soleil. C’est ainsi que ce qui est en bas nourrit ce qui est en haut.
Il en est de même des politiques économiques. Lorsque l’on veut améliorer la situation économique générale d’un pays, on met en place des politiques économiques. Et, lorsque ces politiques économiques sont voulues pour une période plus ou moins longue, elles rentrent dans un cadre plus élaboré appelé plan.
Le plan, c’est comme pour la pompe immergée. Il faut injecter une puissance vers la base, pour qu’elle remonte ses attentes. Ce sont les besoins réels du peuple réel, celui des territoires, des villages, des hameaux, des îlots, des communautés décentralisées et des villes qu’il faut faire remonter vers le haut. Ces besoins sont la sève qui nourrit le plan. Mis ensemble, ils constituent les objectifs des économies territoriales; et de cette territorialisation de l’économie que naissent les objectifs de développement nationaux.
La fâcheuse tendance de la bureaucratie à penser à la place du peuple réel est à l’origine des échecs observés ici et ailleurs en matière de politique économique. Conçues hors-sol et hors-peuple, de telles politiques économiques n’ont pas de prise, pas d’impact sur les populations qui ne s’y reconnaissent pas. Dans leurs positions hautes, les technocrates créent leurs propres vérités économiques. Ils créent leurs noyaux durs des actions publiques; ils décident de leurs infrastructures, de leur maillage et leurs bulles. Ils s’y enferment et recréent le monde, sans monde. Et l’on s’étonne que ça ne marche pas. Calvero a dit que «le salut des peuples réside dans la décentralisation du pouvoir»; il faut peut-être ajouter que leur bonheur réside dans la territorialisation de l’économie.
Prométhée