Zones agricoles protégées, cadres de concertation… Tout un chapelet de mesures que l’O.n.g Noé, gestionnaire du Parc national Conkouati-Douli, entend mettre en œuvre, pour résoudre le sempiternel problème de la cohabitation conflictuelle entre humains et éléphants, dans le Département du Kouilou. Et les résultats sont vivement attendus.
Et si la zone agricole protégée m’était contée à Mvandji, à quelque 150 kilomètres, au Nord de Pointe-Noire, dans le District de Nzambi (Département du Kouilou)? Une politique qui n’a rien à voir avec les Zap (Zones agricoles protégées). Ce programme du Ministère en charge de l’agriculture, destiné essentiellement à «garantir l’autosuffisance alimentaire».
À Mvandji, c’est plutôt l’initiative de l’O.n.g française Noé, qui gère, depuis 2021, le Parc national Conkouati-Douli, dont l’objectif essentiel est de refouler ou dissuader les éléphants qui dévastent les cultures des populations. «Nous demandons aux communautés d’un même village de se regrouper sur un même champ. C’est à ce moment qu’on réfléchira sur la clôture électrique qui repoussera les éléphants», explique Modeste Makany, responsable du développement communautaire de l’O.n.g Noé.
Mvandji est donc une expérience pilote. «Mvandji est la première zone agricole protégée. Elle comprend cinq ménages (sur les sept que compte le village) qui ont accepté de faire partie de la zone agricole électrique d’un périmètre de 800 mètres. On a déjà signé le contrat avec la société qui va installer la clôture. Le contrat a été signé le 1er août. Cette zone agricole devrait être opérationnelle à partir du 15 novembre», promet Makany. Et à mesure qu’approche la date, l’espoir se dessine petit-à-petit, comme le soleil à l’horizon. «Je suis optimiste, car je sais qu’une fois nos champs clôturés, les éléphants ne dévasteront plus nos cultures. Que ça puisse vite arriver!», s’impatiente Christiane Mbouity Mboumba, une des agricultrices qui ont accepté de faire partie de la zone agricole protégée.
Dans d’autres villages du Parc national Conkouati-Douli, la nouvelle aiguise déjà les envie. «Je veux qu’on vienne avec cette barrière électrique chez nous aussi. En tout cas, dès qu’ils seront là, j’accepterai de me regrouper avec les autres», promet Rose Taty Makanga, habitante du village Tandou-Ngoma, à environ sept kilomètres de Mvandji. Malgré cet enthousiasme, il y a du pessimisme dans l’air. «On nous a promis la clôture en question depuis mai. Mais ça ne vient pas. Même si ça peut devenir une réalité, encore faut-il que les résultats soient probants», doute Alphonse Makosso, secrétaire général du village Mvandji. Ce pessimisme est justifié par l’échec des anciennes politiques. «Pensez-vous que cette fois-ci sera la bonne? peut-être. Mais, qu’est-ce qu’on n’a pas essayé pour repousser les éléphants? Piments, fils électriques, ampoules, en tout cas, on a tout tenté, mais en vain. Les éléphants ont déjoué tous ces plans de dissuasion», rappelle Makosso.
«C’est un animal qui ne s’avoue jamais vaincu. Il échoue la première fois, il repart. Mais, il revient à la charge avec de nouvelles idées. Pour les ampoules par exemple, après plusieurs échecs, ils ont carrément écrasé les batteries voltaïques. Comme s’ils savaient qu’il fallait détruire la source de la lumière qui les empêchait de pénétrer dans les champs», se souvient Prosper Kokolo, chef du village Sialivakou. Difficile, pour l’instant, de juger l’efficacité des zones agricoles protégées de Noé. Mais, en attendant son opérationnalisation en mi-novembre prochain, l’O.n.g entend mettre en œuvre une gestion participative à travers une plateforme où les 31 villages seront représentés par les points focaux mis en place en juillet dernier.
Et Noé a déjà écrit le scénario de son projet. «Il est prévu l’élaboration d’un document stratégique de développement communautaire. Parmi les priorités dans ce document, la définition conjointe des solutions appropriées au conflit hommes-faune», explique Modeste Makany.
Une initiative qui, si elle peut voir le jour, pourrait valoir son pesant d’or. «Je suis impatient, car j’ai hâte de connaître les politiques conjointes qui seront mises en place par nous, les responsables de Noé, pour que des solutions idoines soient trouvées au problème des éléphants», se félicite Ghislain Taty, secrétaire général de l’Association de gestion durable des ressources naturelles et de l’écotourisme par les communautés autour des aires protégées. Il représentera aussi le point focal de Tandou-Ngoma, lors du lancement de la plateforme. Ces stratégies pourraient sonner le glas des souffrances qu’infligent les éléphants aux populations du parc. Mais, Noé doit relever plusieurs défis. Notamment la levée ou la mobilisation des fonds, car il faudra participer au développement communautaire et financer la mise en place d’alternatives durables et rassurantes à proposer aux riverains.
John NDINGA-NGOMA
Article réalisé avec l’appui financier du «Rainforest
Journalist Fund» et du Centre Pulitzer.