Parmi les menaces qui pèsent sur le massif forestier du Mayombe, dans le Département du Kouilou, il y a l’agriculture itinérante sur brûlis. Une technique culturale qui, nonobstant ses conséquences écologiques, a encore de beaux jours au Congo-Brazzaville. Tant les riverains peinent à trouver des alternatives.
D’épaisses colonnes de fumées ou de flammes, des clairières incandescentes… En ce mois de septembre, c’est ce tableau qu’offre le massif forestier du Mayombe, vu des airs. Comme si c’était l’antre de quelque pyromane déterminé à consumer cette luxuriante forêt. Au contraire, ce sont des paysans.
«Non, nous ne sommes pas des pyromanes. Quel plaisir trouverait-on à brûler la forêt? Comme vous l’avez déjà constaté, ces feux n’apparaissent qu’entre le mois d’août et le mois d’octobre. Après le défrichage et l’abattage, nous procédons au brulage de ces herbes mortes et de ces arbres abattus. Donc, c’est pour rendre le sol davantage fertile», explique Chimène Mahanga, paysanne au village Kissila.
Comme dans la plupart des régions tropicales, l’agriculture itinérante sur brûlis est pratiquée dans le Mayombe, depuis des siècles, voire des millénaires. «C’est dire que ce sont les ancêtres qui nous ont légué cette technique», explique Michelle Pemba, agricultrice au village Doumanga.
Pourtant, la pratique est en réalité aux antipodes de l’exploitation durable des forêts. Après l’extinction du feu, le sol couvert de cendres contenant des sels minéraux favorise une bonne croissance des cultures telles que le manioc, la banane, le taro et l’igname. Après la récolte qui intervient près d’un an plus tard, pour le manioc par exemple, le sol doit être laissé en jachère et le paysan doit exploiter une autre parcelle de forêt. Et il faudra plus d’une décennie pour que le sol redevienne fertile et près d’un quart de siècle pour que la forêt dense se reconstitue.
Mais, depuis la mise en service, en 2011, de la Route nationale n°1 reliant Pointe-Noire à Brazzaville, l’agriculture semble s’être intensifiée dans le Mayombe. «En faisant de très petites exploitations, destinées à l’autoconsommation, c’était la manière à nous d’exploiter notre forêt de manière durable. Or, ces derniers temps, beaucoup de personnes venues d’autres localités sont arrivées dans le Mayombe. Et ils exploitent de très vastes étendues. Une personne peut avoir à elle seule plus de 50 hectares», témoigne Michel Ngoma, un paysan du même village. «À cette allure, nous risquons de manquer des terres un jour», confie-t-il. Une crainte qui semble justifiée, tant l’agriculture itinérante sur brûlis a déjà fait des ravages dans d’autres localités du Congo. «Prenons l’exemple de Mossendjo. Tout autour, il y avait la forêt dense. Mais du fait de l’augmentation de la population, l’agriculture sur brûlis s’est intensifiée. Et la forêt dense n’existe plus aujourd’hui aux alentours de la localité, au grand dam des paysans qui sont, parfois, obligés d’émigrer dans d’autres localités, à la recherche de terres fertiles», explique Fabrice Séverin Kimpoutou, attaché à la recherche au sein de la R.p.d.h (Rencontre pour la paix et les droits de l’homme).
Besoin d’alternatives
Et pour éviter que le Mayombe subisse le même sort, l’O.n.g de défense des droits humains mène des sensibilisations à l’endroit des populations. «Le projet que nous exécutons procède de cette triste réalité. Nous avons estimé qu’il était temps de sensibiliser les populations sur les dangers de cette forme d’agriculture», poursuit M. Kimpoutou.
Certains riverains se disent conscients des dangers de l’agriculture sur brûlis. «Comme vous le constatez, nous ne pratiquons pas l’agriculture sur brûlis. Nous procédons juste au défrichage. Une fois le défrichage fini, nous laissons pourrir l’herbe. C’est cet humus qui va être l’aliment des plantes», se félicite Pascal Lebanda, un cadre de l’administration à la retraite qui exploite une petite superficie «juste pour des besoins d’autoconsommation».
Or, «nous ne connaissons que cette forme d’agriculture. Si nous y renonçons, qu’allons-nous manger ou survivre? Il faut que l’État ou les O.n.gs nous apprennent de nouvelles techniques culturales», plaide Catherine Badzina-Ndinga, paysanne au village Kissila. D’où la nécessité de proposer des alternatives aux paysans. «Il est grand que les O.n.gs et les pouvoirs publics pensent à proposer des alternatives aux populations», plaide M. Lebanda.
Un appel qui est loin d’être vain. «Nous sommes d’abord dans la phase de sensibilisation, comme je vous l’ai dit tout à l’heure. Dans le cadre de notre programme, il est prévu des encadrements techniques. Nous nous attacherons les services d’experts en agronomie, par exemple, pour leur administrer des formations qu’il faut pour s’approprier d’autres techniques culturales durables», promet Fabrice Kimpoutou.
John NDINGA-NGOMA
Article réalisé avec le soutien du «Rainforest Journalism Fund» en partenariat avec Pulitzer Center.