Ceci est un plaidoyer pour que l’État se désengage des tâches de gestion où il a largement montré sa faillite, pour laisser au génie congolais le soin de créer des richesses qui vont profiter à l’ensemble de la communauté nationale. Car, il est patent que la richesse nationale, pourtant considérable, ne profite pas à la communauté nationale, mais à des individus qui, du fait des anti-valeurs, se sont accaparés des revenus nationaux, pour créer une bourgeoisie nationale qui s’est enrichie sans cause.
En effet, il est insupportable de constater que nos «riches» appartiennent à la caste des agents publics de l’État et de ses démembrements (Directeurs généraux ou apparentés, ministres, gestionnaires des entreprises publiques, parlementaires, etc). L’État congolais est le premier entrepreneur national, car ils accordent des marchés publics sur des bases obscures, en générant des pratiques honteuses telles que les rétro-commissions et les surfacturations qui entraînent des pertes considérables de revenus pour l’État. Le privé national doit peu à la maîtrise des processus industriels et à l’innovation et beaucoup à sa proximité avec tel ou tel décideur public. La création d’un organe de contrôle des marchés publics de l’État a été parfaitement inopérante…
La place centrale de l’État au Congo-Brazzaville est probablement une survivance de l’aventure marxiste-léniniste que le pays a connue, pendant un peu plus de deux décennies. Une aventure durant laquelle le parti-État a tout contrôlé, y compris le tissu productif national. On se souvient de la fameuse expression utilisée par le Président Denis Sassou-Nguesso, qui qualifiait les entreprises d’État de tonneau des Danaïdes, tant elles ont été incapables de générer, malgré les investissements considérables consentis, une quelconque plus-value pour notre pays. Elles se sont éteintes, de leur belle mort, les unes après les autres, générant un incroyable passif sur le plan économique et social.
A quelques exceptions près dont actuellement la Société nationale des pétroles du Congo (S.n.p.c), héritière de la défunte compagnie nationale, Hydro-Congo. Mais, la S.n.p.c, dans sa forme actuelle, ne gère pour le compte de la Nation, qu’une économie de rente qui doit, encore une fois, très peu au génie national, mais encore et surtout, au fait que, notre pays, peuplé de cinq millions d’habitants, est tout simplement et naturellement le troisième producteur de pétrole en Afrique sub-saharienne (après le Nigeria et l’Angola). Autant de faveurs de la mère nature, pour quels résultats en termes de développement? La nouvelle entreprise nationale de pétrole a tout simplement bénéficié, depuis sa création, il y a 25 ans, des contrats de partage de production qui ont permis à notre pays d’engranger des revenus considérables.
Nous n’avons pas à inventer la roue. Les recettes sont connues. La voie a été pavée par les autres pays producteurs de pétrole. L’État doit pouvoir, de manière transparente, placer les revenus de la Nation. L’État ne doit plus gérer, mais placer ses revenus dans les circuits financiers internationaux, en utilisant des opérateurs vertueux. C’est ainsi que la Norvège opère. Nous avons largement les moyens de créer un fond souverain. Récemment, j’ai été au Burkina Faso, pays sans ressources naturelles s’il en est, mais qui fonctionne à tous égards beaucoup mieux que le nôtre…
Créer encore une fois, une compagnie aérienne nationale (Ecair) a été une erreur de management. Un aéroport surdimensionné et mal entretenu, une politique follement ambitieuse (le fameux hub sous régional), a débouché sur un crash industriel dont personne n’est responsable…
De mon point de vue, l’État doit se désengager de toutes les tâches productives, pour se consacrer exclusivement sur ses tâches régaliennes (armée, enseignement, santé, routes…). Pour le reste, l’État doit faciliter l’expression du génie national. En permettant la création des entreprises nationales (très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, grandes entreprises…), en ne les étouffant pas sous un encadrement fiscal et réglementaire qui ne profite qu’à ceux qui monnayent malicieusement les dispenses. Notre secteur informel est dynamique et doit permettre à chacun de s’exprimer. Tout se passe comme s’il est plus facile à un étranger d’investir au Congo qu’à un Congolais. Des pans entiers de l’économie nationale sont ainsi en train d’échapper à la maîtrise nationale.
Je vise particulièrement la loi qui empêche les agents de l’État de participer à la création des richesses, en créant des entreprises privées. Il devrait être possible, après avoir assumé son temps de travail, de se consacrer à son entreprise personnelle. Par exemple, investir dans l’agriculture, en créant une plantation dans son village (cas de la Côte d’Ivoire depuis le Président Félix Houphouët Boigny).
Pour un médecin, au nom de quelle cécité managériale lui interdire de créer son entreprise de santé qui va permettre de générer des activités, recruter d’autres Congolais, créer de la richesse, dont l’État va toucher sa part sous forme de taxe et d’impôts?
Après tout, c’est ce qui se passe déjà. Adapter la législation à la situation actuelle de notre pays devrait être une urgence et donner du travail à des parlementaires par ailleurs grassement rémunérés. J’ose espérer que toutes les personnalités que j’ai citées payent naturellement leurs impôts. La querelle idéologique n’a plus droit de cité. Ceux qui prétendaient représenter les masses laborieuses ont largement échoué. Le libéralisme s’est partout imposé avec une certaine dose de social-démocratie.
Nos populations ploient sous le fardeau d’une extrême pauvreté. Allons-nous continuer à être indifférents à leur triste sort? On ne partage que la richesse. On ne partage pas la pauvreté. Créons donc de la richesse. Une condition est nécessaire. Libérer le génie national en réformant résolument l’État. Sortons du cercle vicieux des anti-valeurs. Sortons des postures et des gesticulations. Osons le changement.
Alain Maxime MOUANGA