«Brazzaville bruit de musique. Celle-ci est partout dans la ville, les buvettes, les ngandas, les bars à ciel ouvert, les salles de spectacles. Elle déferle sur la rue et inonde les églises, toutes obédiences confondues», écrivait Mfumu Fylla, journaliste, enseignant-chercheur, musicologue et écrivain, d’heureuse mémoire. C’est dans cette optique qu’il faut inscrire la détermination de Dieudonné Antoine-Ganga, alors ambassadeur du Congo auprès de l’O.u.a (Organisation de l’unité africaine), devenue Union africaine, à Addis-Abeba (Ethiopie), pour obtenir, en 1993, l’organisation du Fespam (Festival panafricain de musique) en faveur du Congo, devant deux concurrents, la RD Congo et Madagascar. L’ancien diplomate et ancien ministre des affaires étrangères, aujourd’hui retraité, se souvient encore des arguments diplomatiques utilisés, pour faire gagner son pays. Après sept ans d’une bien regrettable absence, le Fespam relève la tête cette année, au Congo, avec la tenue de sa 11ème édition. Dans l’interview qu’il nous a accordée, Dieudonné Antoine-Ganga, l’homme par qui le Congo a obtenu l’organisation du Fespam, appelle le gouvernement à replacer cette institution dans sa philosophie originelle, telle que conçue par l’O.u.a.

* Excellence, vous aviez négocié à l’époque, en usant des arguments diplomatiques solides pour que le Congo obtienne l’organisation du Fespam, en vous souvenant qu’à Brazzaville, il y a toujours un bruit de musique. Dites-nous comment avez-vous fait, alors que la RD Congo et Madagascar voulaient également abriter le prestigieux événement culturel?
** Merci monsieur le journaliste! L’O.u.a (Organisation de l’unité africaine), aujourd’hui U.a (Union africaine), cherchait, à l’époque, un pays qui devait abriter le Fespam, un événement culturel qui devait être un rassemblement, une occasion de se retrouver, un festival dont l’objet était de jouer un rôle séminal, celui de rallier tous les Africains, diaspora y comprise, et contribuer à l’ensemencement d’un champ de solidarité et d’unité au niveau du continent. Car, si la musique est source de vie, elle peut être aussi source de paix. Le Fespam se veut être l’antithèse de tous les génocides, conflits, exclusions et discordes. Nous étions effectivement trois pays à vouloir organiser le festival.

* Lesquels?
** La République Démocratique du Congo, la République de Madagascar et la République du Congo. J’avais en face de moi, deux grands concurrents. Il a fallu user de tous les arguments diplomatiques possibles, pour obtenir l’organisation du Fespam. Nous l’avons obtenue, grâce à l’appui du Président de la République, Pascal Lissouba, du Premier ministre chef du gouvernement, Jacques Joachim Yhomby-Opango, et du ministre d’Etat Maurice Stéphane Bongo-Nouarra, ministre de la culture. Ils m’ont appuyé dans cette démarche et dans ce combat diplomatique. Quand je l’ai obtenu, je suis venu à Brazzaville, pour informer les plus hautes autorités nationales, de ce que l’O.u.a avait attribué l’organisation du Fespam à la République du Congo. Je leur ai parlé de son intérêt, de ce que le pays allait gagner à travers cet événement culturel. Aussitôt en 1996, nous avons organisé la première édition.

* Quels sont les termes ou la philosophie consacrés à l’organisation dudit festival? Cela s’arrêterait-il seulement à la danse ou bien d’autres opportunités pouvaient être scrutées par le pays organisateur?
** Justement, c’est ça le malheur. La philosophie a été déformée par les gestionnaires du Fespam. En principe, ce festival devrait s’inspirer du Fespaco (Festival panafricain du cinéma de Ouagadougou). Son fonctionnement serait le même. Les artistes devraient venir non pas en leur payant les billets. Ils devraient s’inscrire, les dirigeants du festival leur trouvant des chambres d’hôtel à moindre coût, pour qu’ils se produisent au festival. Les artistes des pays africains et ceux de la diaspora viendraient chanter, danser, écouter la musique, en mettant en valeur leurs talents. Des prix seraient décernés aux meilleurs.
Malheureusement, le Fespam s’est transformé en une œuvre de Mère Théresa, en faisant venir des artistes qui, au finish, reçoivent des cachets. Cette façon de faire n’a rien apporté au pays. Or, si la philosophie de départ était suivie, les touristes allaient aussi venir et laissé 100 francs Cfa, pour avoir acheté un souvenir, etc. Vous voyez ce que ça peut rapporter au pays?
C’est pourquoi il faut revenir aux fondamentaux du festival, afin de vendre la destination Congo. Identifier les restaurants et les transporteurs, donc restaurants Fespam où à moindre frais, les artistes peuvent déguster les menus locaux, les hôtes seraient pleins et on parlerait beaucoup de la destination Congo, l’année où le festival se tient.

* Dans la négociation du projet, comment l’O.u.a, l’initiatrice du projet, pensait accompagner le pays organisateur dans la rémunération des artistes?
** Dans les négociations, tous ces problèmes étaient vus. Une partie du cachet devrait être octroyée par l’O.u.a, puisqu’elle participe au budget du festival. Après, qu’est-ce qui s’est passé et comment les gens ont fait pour que le budget puisse atteindre 3 milliards au lieu de trois milliards de recettes?

* Une dernière préoccupation?
** Je fais miennes les paroles de l’ambassadeur Pascal Gayama, lors de la 3ème édition: «Il ne sera pas juste de voir dans ce rassemblement, une simple occasion de se divertir. Il ne s’agit pas de distiller, ici, un nouvel opium du peuple. L’objet de ce festival est de jouer un rôle séminal: celui de rallier les Africains entre eux, diaspora y comprise».
Propos recueillis par

Chrysostome
FOUCK ZONZEKA

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