Le recours à des armes létales contre des manifestations qui ont eu lieu à Bétou, au Nord du pays, le 2 novembre 2022, a fait au moins deux morts et une douzaine de blessées dont cinq dans un état critique. Le C.a.d (Centre d’actions pour le développement) condamne l’usage délibéré et disproportionné de la force létale et appelle à l’ouverture d’une enquête judiciaire et administrative efficace, pour faire la lumière sur ces évènements tragiques et établir les responsabilités sur toute la chaine de commandement.
En effet, le 2 novembre 2022, à Betou, M. Galako Branham, réfugié, exécute Galako Joseph B. son fils biologique, en l’égorgeant. Après son acte, il trouve refuge dans les locaux du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (H.c.r). Il est, par la suite, remis entre les mains de la police.
La nouvelle du décès de Galako Joseph B, élève au collège en 4ème, se propage très vite dans la ville. Des élèves (tout niveau scolaire confondu), pris de colère, décident de tirer vengeance sur M. Galako Branham. Ils saccagent son domicile. Ces évènements mettent la ville sous-tension, en faisant monter peu-à-peu la contestation au sein de la population qui ne tarde pas à se diriger vers le commissariat de police, pour espérer récupérer le criminel.
Face à cette foule hostile, la police, en déficit de personnel, fait intervenir les autres corps de la force publique, avec lesquels elle partage le même bloc. La population recourt à des jets de pierres. Exsangue de moyens anti-émeutes, la force publique fait usage des armes létales, pour disperser les manifestants.
En mission de documentation à Bétou, notre organisation a pu recueillir une vingtaine de témoignages. Ces témoignages des victimes et des témoins oculaires ainsi que les images et vidéos examinées qui circulent sur Internet montrent que la police a utilisé des balles réelles, tirant sur la foule. Le sous-préfet de Bétou, M. Gaston Lebela, ancien militaire à la retraite, présent sur les lieux, a été abondamment cité comme étant le premier à tirer sur la foule.
Selon nos recherches sur le terrain, 2 manifestants ont été tués, 12 ont été blessés, dont 5 grièvement. 4 blessés ont été évacués d’urgence à Oyo et 1 a été évacué à Brazzaville, pour des soins intensifs. L’usage systématique de la violence au moyen des armes à feu envers les civils par la force publique se révèle, encore une fois, et le mutisme des autorités face à cette répression mortelle est insoutenable.
Des informations recueillies indiquent, également, que les évacuations des blessés graves n’ont été rendues possibles que grâce à l’intervention d’une société forestière de la place, qui aurait donné plus de 300 litres de carburant, pour faire fonctionner l’ambulance. Ce qui a éventuellement limité le nombre de décès. «Ce drame aurait pu être évité, si les forces de police et de gendarmerie avaient disposé des armes anti-émeutes. Bien que le maintien de l’ordre public pendant les manifestations soit une tâche ardue, le recours à des armes létales contre les populations civiles doit être prohibé. L’enquête administrative que nous réclamons devrait aussi concerner le manque d’équipement anti-émeutes, sachant qu’il s’agit des outils élémentaires pour le maintien de l’ordre public», indique Trésor Nzila de retour de la mission.
Le C.a.d (Centre d’actions pour le développement) est aussi préoccupé de constater qu’à ce jour, l’unique enquête lancée par les autorités porte exclusivement sur M. Galako Branham, pour homicide sur son fils, ainsi que les membres de sa famille. La mort par balles de même que les blessures sur des manifestants ne sont concernées par aucune enquête. Regrettablement, une culture d’impunité domine en République du Congo, en raison de trop de privilèges accordés aux membres des forces de sécurité, même dans des cas de bavures graves. «Ce choix des autorités à ne pas enquêter ne fera que légitimer cette répression sanglante et mortelle; ce qui encouragera encore la commission d’autres abus à l’avenir. Pour prévenir la répétition de telles situations, nous demandons à ce que justice soit faite et cela passe par l’ouverture d’une enquête judiciaire impartiale et de qualité. Les familles concernées attendent une réponse légale et durable», signale Monica Ngalula, responsable de programme du C.a.d. Ces événements dramatiques soulignent le manque quantitatif et qualitatif des moyens humains et matériel au sein de la force publique. Pour une force publique professionnelle et respectueuse des droits humains, le C.a.d appelle les autorités congolaises à:
– prendre davantage de mesures légales pour mettre fin au recours quasi régulier à des armes à feu par des agents de la force publique contre des manifestants;
– investir davantage dans la formation des agents des forces de l’ordre, en l’occurrence sur le maintien de l’ordre public pendant les manifestations, ainsi que dans l’amélioration des conditions de travail desdits agents de l’ordre;
– ouvrir une enquête administrative sur le sous-équipement au sein des unités de la force publique chargées du maintien de l’ordre public.
Le District de Bétou est situé dans le Département de la Likouala, dans la partie nord du pays. Ce district fait environ 53.186 habitants, soit 46 villages dont 24 villages actuellement inondés par la montée des eaux, en raison des pluies diluviennes enregistrées entre octobre et novembre 2022. La communauté urbaine à elle seule compte 32.185 habitants répartis dans 8 quartiers. On y trouve une forte communauté des réfugiés RD Congo et de la République Centrafricaine.
(Tiré du site Internet
du CAD)