La ville de Dolisie est frappée, depuis le début de ce mois, par une épidémie de shigellose. On parle aussi de l’épidémie de choléra et de fièvre typhoïde. Ces pathologies sont appelées «maladies des mains sales». Dans l’interview ci-après, le Dr Patrice Badila Kouéndolo, gériatre-gérontologue, chef de pôle de gériatrie et du service de gériatrie à l’Hôpital Hôtel Dieu du Creusot, en France, expert en gestion et politique de santé, actuellement en habilitation de recherches à l’Université de Bourgogne Franche-Comté, explique la nature de cette maladie. Il estime que pour éviter l’expansion de ce genre de pathologie, il faut des mesures de prévention liées à l’assainissement de la ville et l’amélioration de la qualité de l’eau.
* Docteur, quelle cette maladie appelée shigellose qui a frappé la ville de Doisie?
** On définit une shigellose (Shigella spp.) comme, une infection aigüe associée à un éventail de symptômes. En particulier, elle cause une diarrhée liquide qui apparaît dans les 24 à 48 heures après ingestion de l’agent étiologique. L’infection peut être légère ou asymptomatique.
Les symptômes se résument à la forme d’une dysenterie aigüe typique de l’adulte, avec un début brutal à la suite d’une incubation brève. Elle s’accompagne de douleurs abdominales, de vomissements, de selles fréquentes et nombreuses glairo-sanglantes et purulentes voire parfois hémorragiques. Au commencement, c’est une épidémie de shigellose frappant la ville de Dolisie et ses environs et aujourd’hui, on parle de Pointe-Noire.
* Mais, pourquoi l’appelle-t-on «maladie des mains sales» et quel est son mode de transmission?
** Le shigella spp est naturellement présent dans les intestins des humains. L’agent pathogène de la shigellose, «dysenteriae», l’espèce la plus pathogène, est associée à un taux de mortalité atteignant 20%, tandis que l’espèce «S. Sonnei» représente la forme bénigne de la shigellose. Ces organismes se propagent par voie fécalo-orale et la transmission se fait habituellement selon trois modes:
– l’ingestion des aliments contaminés et de l’eau contaminée. Les aliments le plus souvent contaminés sont la salade verte, le poulet, les mollusques et les crustacés (lavés avec de l’eau contaminée par des excréments où manipulés dans de mauvaises conditions d’hygiène);
– la contamination de personne à personne par contact sexuel ou anal;
– la propagation par les mouches a également été enregistrée.
Le mode de transmission est largement accessible à la prévention et c’est là où le peuple congolais doit réagir: sommes-nous devenus aveugles pour ne pas voir les saletés qui jonchent nos rues, nos marchés et probablement nos lieux de vie? Les maux dont souffre notre population sont largement accessibles à la prévention qui engage chacun de nos citoyens: on peut citer la typhoïde en pleine concurrence avec le paludisme… Sans éradiquer ces maladies complètement, nous pouvons en limiter l’impact dans la population du pays. Cela devrait nous interpeler: sommes-nous devenus sales au Congo-Brazzaville? Où est passée cette fierté légendaire connue pour notre pays et sa population?
En effet, charité bien ordonnée commence par soi-même: les politiques publiques, les arrondissements et leurs mairies sont aux abonnés absents pour prendre à bras le corps le travail d’assainissement de la ville et d’amélioration de la qualité de l’eau, pour répondre à cette exigence de santé publique.
Les médecins congolais sont capables de prendre en charge et de maîtriser cet agent pathogène, à condition que la tutelle de santé leur en donne les moyens. Il n’y aura pas, au Congo, d’amélioration de l’état de santé, sans une prise de conscience du rôle de la prévention qui doit être érigée en une priorité: comme le dit l’adage, «mieux vaut prévenir que guérir». On ne pourra pas construire sur du sable mouvant…
Propos recueillis par
Urbain NZABANI