A l’issue du premier tour de l’élection présidentielle en République de Turkiye, qui s’est déroulé le dimanche 14 mai 2023, le Président turque sortant, Recep Tayyip Erdogan (69 ans), est en ballotage favorable, pour un troisième mandat de cinq ans à la tête du pays. Le 14 mai 2023, date du premier tour de l’élection présidentielle, le Reis, comme il est appelé, est arrivé en tête, avec 49,42% des voix, contre 44,95% pour le candidat de la coalition d’opposition, Kemal Kiliçdararoglu. Déjouant les sondages défavorables, Recep Tayyip Erdogan avance en position de favori, dimanche 28 mai, à l’occasion du second tour de l’élection présidentielle.
Kemal Kiliçdararoglu a réussi à imposer un deuxième tour au Président Erdogan, élu dès le premier tour, en 2014, avec 51,8%, et en 2018, à 52,6%. Ce dernier doit remonter un retard de plus de 2 millions de voix par rapport à ses deux premières élections. Son parti, l’A.k.p (Parti de la justice et du développement), a tout de même sauvé sa majorité au parlement, lors des législatives qui avaient aussi lieu le dimanche 14 mai. Selon le chercheur Bahadir Kaleagasi, «ces résultats sont plutôt un succès pour le pouvoir et montrent que le séisme du 6 février 2023 n’a pas eu l’impact attendu».
Fort de ses 5,3%, Sinan Organ, le candidat ultranationaliste, est le troisième homme du scrutin. Il est courtisé, en attendant le second tour de la présidentielle. Quel que soit le vainqueur, le futur dirigeant turc n’aura, en tout cas, droit à aucun état de grâce, car il est attendu pour jouer les pompiers, face à une situation économique dégradée, première préoccupation des électeurs. Et pour cause: l’inflation, après avoir atteint un niveau record de 85,5% sur un an, du jamais vu depuis 25 ans, reste proche des 50%, selon les chiffres officiels, appauvrissant des millions de Turcs.
Quant à la livre turque, la monnaie nationale, elle a atteint, en 2022, un plancher historique, en perdant 35% de sa valeur face au dollar, après une dépréciation de 44% en 2021.
Enfin, le chômage, longtemps un non-sujet dans le pays, s’élève désormais à 10%. Pour l’opposition et les économistes, la première cause de ce marasme tient à la politique suivie par la Banque centrale turque, sous la coupe du Président de la République: à rebours de la doxa, elle ne cherche pas à calmer l’inflation en remontant ses taux directeurs, mais n’a cessé au contraire de les baisser, pour entretenir la croissance, passés de 19% en septembre 2021 à 8,5% actuellement. L’inflation s’envole et la valeur de la monnaie turque dégringole. Les investissements étrangers se tarissent. Certes, la croissance reste dynamique, après 11% en 2021 (meilleure performance du G20), le P.i.b turc a augmenté de 5% en 2022 et 3% sont attendus en 2023.
Erdogan, qui a congédié, depuis 2019, quatre gouverneurs de la Banque centrale n’approuvant pas cette stratégie hétérodoxe, a certes obtenu des financements en urgence, pour renflouer les réserves, de la part des Emirats Arabes Unis et de l’Arabie saoudite.
Durant la campagne, le candidat-Président n’a annoncé aucune inflexion de la politique monétaire. Mais, il a multiplié les cadeaux électoralistes, en offrant une retraite anticipée à 2,3 millions de travailleurs, en augmentant le salaire minimum de 55% et en dopant la rémunération des fonctionnaires de 30%. Recep Tayyip Erdogan a martelé qu’il est l’homme du spectaculaire boom économique des années 2000. «Le message est «faites-moi confiance, je sais ce que je fais». Avec sa réélection, il devra prendre des mesures urgentes, pour empêcher l’économie turque de s’effondrer. Et particulièrement dans les régions du Sud, touchées par le séisme meurtrier du 6 février dernier, où selon les Nations unies, le montant des dégâts s’élève à plus de 100 milliards de dollars.
Chrysostome FOUCK ZONZEKA