Une grande majorité de l’opinion a pris fait et cause, pour le député Aimé Hydevert Mouagni, à voir les réactions et les commentaires dans les réseaux sociaux. «Il n’a dit que la vérité que tout le monde connaît, pourquoi on doit l’arrêter?». C’est en substance la réaction de ceux qui ne comprennent pas pourquoi il a été arrêté. Aimé Hydevert Mouagni n’a fait que dire haut ce que tout le monde pense tout bas, avance-t-on. Raison pour laquelle l’intervention de la députée d’opposition, Claudine Munari, lors de la plénière consacrée à la levée de l’immunité parlementaire de son collègue, le mercredi 3 avril, a fait événement. «Je ne vois pas, dans ce qui est dit dans ces audios, motif à lever l’immunité parlementaire du député. Je ne vois pas dans ce qui est dit dans ces audios, matière à débat. Qui d’entre nous ne peut pas parler d’insécurité dans notre ville, dans nos villes d’ailleurs, même dans les campagnes? Je suis députée de Mouyondzi, j’en sais quelque chose. Il a donné son sentiment à un ami, sur sa lecture de la situation actuelle du pays…», a-t-elle déclaré. Et c’est ce que dans l’opinion, la majorité des Congolais veulent entendre.
C’est sûr qu’émanant d’un citoyen lambda, ces audios, comme beaucoup d’autres qui circulent d’ailleurs et qui sont très critiques à l’égard du pouvoir, n’auraient pas déclenché une telle procédure judiciaire. Pour comprendre cette procédure, il faut prendre en compte le statut de l’auteur qui est non seulement député de la majorité, mais également membre de la Commission défense et sécurité de l’assemblée nationale, donc détenteur d’informations sensibles sur la gouvernance du pays en matière de sécurité.
Si un pouvoir commence à laisser, et l’honorable Munari le sait pour avoir été aux affaires, ses acteurs se délier librement de leur obligation de réserve, il court à sa chute. C’est cela qui est en jeu. Quand on a fait le choix d’être un acteur politique du pouvoir, on jouit, il est vrai, des avantages et autres faveurs du pouvoir, en retour, il faut savoir se garder de tout comportement de traîtrise. Un pouvoir le punit toujours fort, de manière souvent exagérée, pour donner un signal fort aux autres. C’est ce qui est arrivé à beaucoup d’acteurs, aujourd’hui en prison ou à l’opposition. A tort ou à raison, là n’est pas le sujet. Il faut seulement le savoir. Tous les pouvoirs se comportent de la manière, il n’y a que les doses qui changent. Gaston Mambouana, président de la Cour suprême (1996-1997), tomba en disgrâce, pour sa prise de position en faveur du dialogue, pendant la crise politique qui secouait le pays à ce moment-là, sous le Président Pascal Lissouba.
Il y a lieu tout de même de féliciter Claudine Munari pour le courage de sa position qui a fait événement et qui donne un sens à la démocratie congolaise. Dans cette affaire, l’unique voix contre est celle d’une femme. Il paraît que ce sont les hommes qui sont les plus courageux en politique. Bref, passons! Quand on n’est pas d’accord, on peut le dire, dans le respect des autorités, des lois et règlements de la République. C’est possible, car c’est la démocratie. Beaucoup de députés se sont indignés de l’arrestation de leur collègue. Et pourtant dans la salle, ils n’ont pipé mot et ont voté la levée de l’immunité de leur collègue. Histoire de sauvegarder leurs positions. L’affaire est passée comme lettre à la poste. C’est tout le problème de ceux qui arrivent en politique pour des raisons de position sociale. Ils sont souvent contraints à l’hypocrisie. Or, l’hypocrise n’est pas une vertu, même si en politique, elle permet de naviguer au gré de ses intérêts. En politique, il faut toujours chercher à connaître les choses dans le fond, déterminer sa position, l’affirmer et l’assumer.
Oui, on pouvait laisser libre ce député, en considérant la liberté d’expression. Mais, un pouvoir tatillon sur ses conditions de survie ne peut laisser s’installer une telle liberté parmi ses acteurs. Surtout que, démocratiquement parlant, les fautes sont là, dès lors que les audios sont tombés sur la place publique: diffamation (par l’atteinte à la vie privée de certaines personnalités citées); propagation de nouvelles de nature à saper la confiance des populations en leurs dirigeants.
L’HORIZON AFRICAIN