Pourquoi cet éloge de l’humain? Rien dans la vie des hommes n’est réglé par la finalité naturelle. A quoi bon des hommes sur la terre congolaise? Nous comprenons qu’il faut faire quelque chose pour réapprendre à nous parler, à nous comprendre, in fine à nous accepter. Il y a une expression qui revient souvent: «Voilà ce que l’on peut faire. Pour le reste, Dieu fera». Cette expression témoigne d’une lassitude. Dans l’existence, tout n’est pas facile. Cela fait penser à la réflexion de Saint-Augustin: «Je n’existerais donc point, mon Dieu, je n’existerais point du tout, si vous n’étiez en moi».

Et ma conviction est que notre tâche doit faire que la cité s’élève par nos actes. Il suffit de se méfier des honneurs, de la richesse fausse. Ces passions nous font souffrir. Notre cité regorge de plaisirs, et là, nous nous faisons prendre dans des conditions incroyables d’une passion également incroyable, pour les jeux politiciens. Quelle vie difficile! D’où l’intérêt de repenser l’humanisation de l’homme. Non pas à travers les incantations, mais à travers une inspiration. La vie a du sens, un sens profond. Dans «Les confessions», Saint-Augustin nous pousse à mettre les choses au mieux… Parce qu’il est nécessaire, pour remplir certains devoirs dans la société, de se faire aimer et craindre des hommes…
Le seul moyen concret qui nous soit offert à l’heure actuelle, de nous préparer à la concrétisation de la Zone de libre-échange de l’Afrique est d’aider le peuple congolais, dont la majorité a perdu de sa force, à rejoindre le peloton de tête de l’espèce humaine, au lieu d’être écrasé par la roue de notre propre histoire.
Le rôle de la classe politique et de la société civile est de faire le bilan du passé, pour mieux affronter le présent et l’avenir. Ce n’est que par l’effort de rationalisation que nous allons contribuer à renforcer le sentiment des liens qui unissent et qui ont toujours uni les Congolais d’un bout à l’autre du Congo.
Le problème soulevé ici, celui du capital humain, a une importance capitale pour l’Unité, le Travail et le Progrès de la République du Congo. Je dis, en effet, qu’est-ce que le pouvoir, si ce n’est, notamment, le moyen d’appliquer un programme? Imaginons un programme politique qui ambitionnerait de rendre la vie des Congolais égalitaire, supportable. Cela contribue à créer les conditions les plus favorables à l’épanouissement humain. C’est ce qui participe à consolider une société soucieuse des principes et des valeurs intrinsèques des personnes. Un pouvoir qui se dissocie de cette finalité n’a aucune chance de réussir et, par conséquent, il patauge dans l’immoralité. Fort malheureusement, l’éthique congolaise est en danger. Pourquoi elle a du mal à s’enraciner dans la vie politique? Une fois encore, cela mérite une piqûre de rappel: «L’ordre de la cité s’articule ainsi à la maîtrise de soi de chaque individu».
Ainsi, l’homme est le catalyseur du progrès. L’homme ainsi compris facilite l’avènement des bons gouvernements qui promeuvent le bien de tous. Dans ce contexte, Platon se voulait réaliste dans la description du lien entre la Cité et le Citoyen: «Le bien commun ou, si l’on veut, l’intérêt général de la Cité est essentiel comme condition de l’accomplissement de tous les citoyens et pas seulement de certains d’entre eux».
Pour le philosophe H.P. Ruiz, auteur de «Marx quand même», il s’agit de répondre à l’amour instinctif de la vie et à la sociabilité qui se trouvent dans tout homme. Dans son livre intitulé «Emile», Jean-Jacques Rousseau précise qu’«il faut étudier la société par les hommes, et les hommes par la société: ceux qui voudront traiter séparément la politique de la morale n’entendront jamais rien à aucune des deux».
Problème de taille: le Congo est symptomatique d’un pays où les armes sont restées au centre de la vie politique. Il faut d’abord régler ce problème. Derrière cet héritage des années 1963, on voit glaner l’ombre du parti unique. Gouvernement après gouvernement, les dirigeants restent ainsi des alliés de la pensée unique, exposant le citoyen à une dangereuse instabilité. C’est, avant tout, une instabilité qui profite au système. Le pays est économiquement et socialement sans réponse qui garantisse un mieux vivre ensemble. Le peuple a donc, lui aussi, un meilleur ennemi en la personne du corrompu, surtout au regard du délabrement de tous les pans de notre société.
Un corps sain dans un esprit sain? Pour répondre à cette question, n’hésitons pas à affronter nos ambivalences. Que voulons-nous? D’un côté, nous crions sur ceux qui détournent les deniers publics, de l’autre nous courons après leur tee-shirt. Faire la société plus humaine, c’est la tâche immense de la République. Le pacte républicain ne doit pas nous faire peur. Au contraire, il doit nous enthousiasmer. L’objet d’un pacte républicain est de garantir la montée en puissance de la citoyenneté, de la démocratie, de la paix sociale, de la fraternité humaine: c’est ouvrir un vrai horizon de dignité. Mais enfin, c’est quoi pour nous, établir la confiance dans une citoyenneté responsable de plus en plus nécessaire?
L’essentiel, c’est le travail de l’esprit critique exercé par l’humain, qui doit devenir de plus en plus précieux. Je ne dis pas que ce travail de l’esprit est simple, ni facile à penser, à trouver, mais il suffit de désirer. On est très agissant, quand on désire. La politique a-t-elle un avenir dans notre pays? Quel doit être son objectif ultime? A la base de toute vie politique, figure la gestion des hommes et des biens dans la cité, pour se lier avec la Nation. Il faut faire quelque chose, pour s’ouvrir à la lumière de la République, il faut humaniser. En rendant l’Homme plus humain, le cadre politique devient plus accommodant, plus sensible à la réalité.
En humanisant l’Homme politique, celui-ci peut être amené à montrer la voie. Il n’est pas loin ce jour-là devant les deux assemblées réunies en congrès, quand le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, sereinement déclarait: «Il faut tout faire pour redonner l’espoir au peuple». Il a mis le doigt sur ce ver qui est dans le fruit. Sujet qui nous interroge aujourd’hui.
Le tout n’est pas de le dire. Une fois que cela est dit, il faut savoir avec quels outils extirpés complètement le ver du fruit. Il convient de préciser l’intérêt que nous portons à cette question, faute de quoi, on pourrait penser que nous sommes simplement motivés par la démagogie. Pourquoi dans notre société, on a si peur de l’autre qui n’est pas à sa place? Comment construire la Nation, quand nos réflexions heurtent nos préjugés? Quand on s’engage en politique, on devrait savoir si ce que l’on fait est éthique. Il y a à la base de nos malentendus, une réelle crise de l’intelligence. On constate que dans les cercles dirigeants, l’intelligence ne vit plus. Et ne vivant pas, elle ne va plus dans l’homme.
Or, c’est l’intelligence sensible qui fait que l’on sache où l’on va et que l’on agit juste. Congolais que nous sommes, Congolais que nous resterons, nous avons des défis communs. Ne cherchons pas à entretenir constamment le ver qui est dans le fruit. Il faut être clair et cohérent. Notre Nation ne peut vivre sans accointance entre l’humain et l’espérance. C’est pour cela que le peuple doit vivre et vivre heureux.
Cela dit, je vais conclure sur ce propos de Saint-Augustin, je cite: «La vie et le bonheur ne sont pas choses distinctes». Que manquerait-il donc à notre cher Congo, pour prendre conscience de cet Homme idéal, de reconnaître son existence, de savoir construire avec lui, de savoir profiter de lui?

Joseph BADILA

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