Enseignement
Une rentrée scolaire et académique
menacée par des grèves
La rentrée scolaire de l’année d’enseignement 2024-2025, prévue le mardi 1er octobre 2024 et la rentrée académique, le 15 octobre, revêtent la particularité d’être menacées par des grèves déclarées ou en vue dans le secteur de l’enseignement. En même temps, les transporteurs prévoient d’augmenter les prix du transport en commun, à partir du 7 octobre. Ces mouvements sociaux sont le reflet de la sévère crise financière qui se caractérise par l’incapacité de l’Etat à faire face à ses charges courantes, particulièrement en matière de salaires et de fonctionnement, créant ainsi un malaise social et une crise économique dans le pays.
Selon le calendrier gouvernemental, la rentrée scolaire pour l’année d’enseignement 2024-2025 est prévue le mardi 1er octobre 2024 sur toute l’étendue du territoire national. Dans le cadre des préparatifs de cette rentrée scolaire, le Ministère de l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation a tenu, du 18 au 21 septembre dernier, la 26ème session ordinaire de son Conseil national, sous le patronage du ministre de tutelle, Jean-Luc Mouthou. Ce dernier a, ensuite, doté, lundi 23 septembre, les directeurs départementaux de l’enseignement préscolaire, primaire, secondaire et de l’alphabétisation, de fournitures scolaires devant leur permettre de bien assurer la rentrée scolaire dans leurs établissements.
Le Ministère de l’enseignement technique et professionnel a, quant à lui, réalisé le premier événement de ce département, relatif à la nouvelle année scolaire, à savoir l’organisation, le mardi 17 septembre, du concours d’entrée dans les lycées techniques et professionnels, qui a connu 2.240 candidats et dont les résultats étaient publiés avant le lundi 23 septembre. Pour la première fois, ce concours s’est fait avant la rentrée des classes. Ce qui suggère que dans ce sous-secteur de l’enseignement, les préparatifs de la rentrée scolaire vont aussi bon train.
L’augmentation des prix du transport
Sauf que le secteur de l’enseignement n’est pas épargné par les mouvements sociaux consécutifs à la crise financière. Le premier fait qui va affecter le retour des enfants à l’école, c’est l’augmentation des tarifs des transports en commun. En effet, dans un courrier adressé au Premier ministre chef du gouvernement, en date du 23 septembre 2024, l’I.s.t.t.c (Intersyndical des transporteurs en commun du Congo), que dirige Patrick Milandou, menace de mettre à exécution sa décision unilatérale d’augmenter les prix du transport en commun. Il accuse le gouvernement, notamment le Ministère des transports, d’avoir refusé de surseoir le prélèvement de l’augmentation des taxes faisant encore l’objet de négociations. «Nous vous informons qu’à partir du lundi 7 octobre 2024, indépendamment de notre volonté, les tarifs des transports connaîtront des augmentations qui, d’ailleurs, sont déjà appliquées par certains transporteurs», a-t-il écrit au Premier ministre.
En effet, le bus est maintenant à 250 francs Cfa voire 300 francs Cfa, au lieu de 150 francs Cfa, le tarif officiel, sur certains trajets, particulièrement de la ville vers les quartiers périphériques, à Brazzaville comme à Pointe-Noire. Quant au taxi, la course se négocie entre 1.500 francs et 2.500 francs, voire 3.000 francs Cfa, de la ville en banlieue. La course à moto, quant à elle, tend à aller de 500 francs à 1000 francs Cfa.
Des menaces de grève partout
Le deuxième fait qui risque de perturber sérieusement la rentrée scolaire, ce sont les grèves des différentes catégories d’enseignants. Réunis à Brazzaville le 19 septembre dernier, les membres de la Coordination des diplômés des écoles professionnelles ont lancé un préavis de grève à compter du jeudi 3 octobre.
S’étant prononcé, depuis le mois de juillet dernier, pour le départ du ministre Jean-Luc Mouthou, et de trois directeurs, Fidèle Otalou, David Boké et Frédéric Menga, le Mouvement national des enseignants du Congo, que dirige Christian Mpika, avait prévu de déclencher une grève générale illimitée s’il n’obtenait pas satisfaction de ses exigences, avant le 30 septembre. L’échéance arrive et comme ils n’ont rien obtenu, la grève est en vue.
Les Fusynec (Forces unies des syndicats des enseignants du Congo) dont le coordonnateur est Daniel Ngami, et les Comités des enseignants volontaires et communautaires ne sont pas en reste. Déjà en grève l’année scolaire dernière, ce collectif syndical compte réitérer son mouvement social, pour revendiquer, entre autres, la publication de l’arrêté conjoint fixant les montants des primes et indemnités et le paiement des rappels de solde d’activités dues aux enseignants.
A l’issue d’une assemblée générale extraordinaire tenue le vendredi 20 septembre, dans l’enceinte de l’I.n.r.a.p, à Brazzaville, les enseignants volontaires et communautaires du Congo ont annoncé une grève nationale à compter du lundi 30 septembre, pour exiger le paiement immédiat de quatre mois de bourse pour les enseignants volontaire et six mois de bourse pour les enseignants communautaires. C’est ce qui ressort de la déclaration lue par leur porte-parole, Stany Cruz Mbemnba.
Le spectre de la grève de nouveau à l’Université Marine Ngouabi
Enfin, à l’orée de la rentrée académique, le 15 octobre, l’Université Marien Ngouabi est de nouveau retombée dans sa maladie chronique, la grève. Cette fois, c’est encore le Collège intersyndical qui est à la manœuvre. Dans une déclaration publiée le jeudi 26 septembre, à l’issue d’une réunion organisée au Complexe universitaire Bayardelle, il a lancé un préavis de grève de 72 heures, pour réclamer «le paiement de tous les salaires dus aux travailleurs de l’Université Marien Ngouabi», «de toutes les heures diverses dues depuis 2016 et la signature du nouveau protocole d’accord». Le Collège intersyndical avait déjà réussi à paralyser les activités de l’Université Marien Ngouabi, pendant sa grève générale du 8 juin au 21 juillet 2024. Qu’en sera-t-il cette fois-ci, si une nouvelle grève venait à être décidée, après le préavis lancé le 26 septembre. C’est ce qu’on verra.
Il faut rappeler que l’Université Marien Ngouabi est déjà affectée, depuis le mois d’août dernier, par une grève générale et illimitée du Corps des enseignants vacataires et prestataires, dirigé par le Dr Ghislain Allure Bueso Nzambi, pour réclamer le paiement des heures de vacation dont les arriérés sont accumulés depuis l’année académique 2019-2020.
Les effets de la crise financière
Comme on peut le constater, le Congo traverse actuellement une situation difficile, avec la crise financière aggravée par les problèmes de gouvernance, notamment le recours tous azimuts à l’endettement dont le remboursement hypothèque les revenus présents de l’Etat. Le défaut de paiement connu au début de ce mois de septembre sur le marché sous-régional a affecté la crédibilité de la signature du Congo qui a maintenant du mal à lever les fonds souhaités sur ce marché. Avec les revendications sociales qui explosent (Université, C.h.u, enseignants), sans compter les fonctionnaires et les personnels des institutions qui attendent, le gouvernement est débordé.
La rentrée scolaire et académique est le premier événement national où cette crise financière va faire sentir directement ses effets nuisibles. D’un côté, l’augmentation anarchique des prix du transport en commun ne manquera pas d’impacter la vie des élèves, de l’autre, les parents d’élèves qui ont du mal à préparer le retour en classes de leurs enfants, par manque d’argent, et les enseignants qui partent en grève pour réclamer des salaires et des bourses. Le gouvernement, qui se retrouve avec des caisses vides, ne sait même plus par quoi commencer et laisse jouer le destin. Peut-être que la bonne conscience des Congolais fera que, finalement, la rentrée scolaire se passe bien, chacun faisant les sacrifices nécessaires.
Jean-Clotaire DIATOU
Déclaration de Cédric Balou