Etrange surenchère pour le pouvoir! Jusqu’à ignorer sa propre histoire, du moins à faire semblant de l’ignorer, juste pour une question de suffrage. C’est vrai que pour ceux qui n’ont jamais exercé un métier, surtout lorsqu’ils sont encore jeunes, le grappillage des suffrages est une question de survie politique; et ils font feu de tout argument, même raciste! Mais tout de même!
Ils sont d’origine algérienne, marocaine ou égyptienne. Leurs parents sont venus d’ailleurs, du Portugal, de l’Italie ou de l’Espagne. Jadis, ces arrivants étaient traités comme des moins que rien. Mais, leurs descendants ne s’en souviennent pas; ils ne veulent même pas que l’on sache qu’ils ont du sang africain ou d’ailleurs; ils sont plus Gaulois que les Gaulois de souche comme on dit; ils sont devenus des étrangers contre les étrangers. Il y a donc lieu de leur rappeler quelques moments de l’histoire qui attestent de l’apport significatif, voire vital de l’Afrique, sans lequel ils ne seraient peut-être pas devenus ce qu’ils sont aujourd’hui.
Pendant la Première guerre mondiale, l’Afrique noire avait mobilisé plus de 200 mille hommes. Il faut ajouter à cela la participation financière et la fourniture des matières premières et des produits alimentaires. L’Afrique avait nourri les Gaulois et leur avait sauvé la vie. Ces Africains ont été au front de France, à la bataille du chemin des Dames, aux Dardanelles et sur le front des Balkans. Ce sont les Africains qui avaient repris le Fort de Malmaison aux Allemands.
Entre 1943 et 1945, c’est près de 100 mille hommes venus d’Afrique qui ont contribué à la libération des Gaulois. Outre les exploits militaires, l’Afrique a servi de cachette au stock d’or français. Qui ne sait pas que la «France-Libre fut africaine», avec pour capitale Brazzaville, selon la belle formule de Jacques Soustelle? Qui ne sait pas que le journal officiel de la France-Libre a pris corps à Brazzaville, en Afrique? Qui ne sait pas que pendant que l’Afrique construisait des pyramides, certains dormaient encore dans des cavernes et se battaient avec des gourdins? Qui ne voit pas que la civilisation est au métissage? Ils ont beau crier contre l’altérité, elle est inéluctable. Il ne s’agit pas du grand remplacement; il ne s’agit ni de submersion, ni de sectarisme migratoire, comme dit cette autre femme; il s’agit du grand mélange, de la citoyenneté du monde, de la grande osmose.
Le conservatisme civilisationnel vit ses derniers jours, parce que l’hybridation est dans l’ordre naturel des sociétés; parce que «les hybridations nous apprennent que les logiques identitaires, d’où qu’elles viennent, ne mènent à rien de bon qu’à enfermer les autres et à s’enfermer soi-même», selon la philosophe Gabrielle Halpern. Mais, qui peut enfermer l’espèce humaine à jamais?
Prométhée