Le premier magistrat du pays avait clairement indexé le mal, en affirmant sans ambages que le ver est dans le fruit. C’était en mars 2023. Si son propos avait eu un grand écho, il n’était pas tellement suivi d’effet. Comme en août 2009 quand il avait surpris l’élite aux affaires en l’appelant à changer de comportement, à se convertir «à la religion du travail bien fait», à «viser l’excellence», à «jeter bas la médiocrité, la tricherie et toutes les autres anti-valeurs». Le Chef de l’Etat n’était pas suivi et au contraire, dans la réalité, on s’était arrangé à donner peu d’écho à son discours.
Aujourd’hui, la lutte contre les anti-valeurs connaît un certain regain d’intérêt, simplement en raison des difficultés de l’Etat à assurer ses dépenses courantes de fonctionnement. La crise financière provoquée par l’amenuisement des recettes publiques génère évidement une précarité sociale qui gagne du terrain, comme le constate si bien notre ami Yakamambu dans sa lettre de cette semaine (Voir page 9).
L’affaire du présumé détournement de fonds à l’Hôpital général de Dolisie est devenue emblématique d’une gouvernance en quête de crédibilité, après avoir longtemps fermé les yeux ou fait semblant de lutter contre les anti-valeurs.
Dans ces affaires judiciaires, on a toujours le sentiment que ce sont les innocents ou les petits poissons qui payent. L’enquête de Dolisie est allée très vite. Et pourtant d’autres enquêtes traînent, si elles ne sont pas tout simplement abandonnées. Ou en est avec l’affaire Figa? Est-elle enterrée comme l’affaire du Fonds de soutien à l’agriculture où des prétendus producteurs agricoles ont bénéficié d’importants crédits pour ne plus jamais les rembourser, provoquant ainsi la faillite du fonds? Et l’enquête au fisc? Suffit-il de payer une caution pour enterrer une procédure judiciaire?
C’est ce sentiment d’une justice à deux poids deux mesures qu’on a au regard de ce qui se passe. Si on peut se féliciter de ce que l’enquête de Dolisie ait connu un aboutissement judiciaire, point n’est besoin de s’y acharner. Car, bien des affaires mettant en jeu d’importants montants de fonds publics n’ont jamais connu de suite judiciaire dans le pays, nourrissant ainsi un sentiment d’impunité généralisé. Si l’Etat veut protéger la gestion de ses revenus, retrouver ceux qui ont été détournés et payer convenablement ses retraités, ses étudiants et autres fonctionnaires, etc, il lui faut non pas une justice à plusieurs vitesses, mais une justice qui place l’égalité de tous devant la loi, la pédagogie et la rééducation au cœur de son action, pour ne pas paraître dure ici et laxiste là-bas.
L’HORIZON AFRICAIN