«Suffit la liberté au Congo, Youlou a tout volé, nous bâtirons de nouveau». Je me rappelle encore ce chant composé par Ange Balossa alias Beloz, un militant de l’U.j.c (Union de la jeunesse congolaise), une organisation d’obédience communiste, fondée par le syndicaliste Aimé Matsika. Avec le recul du temps, je me rends compte que cette rengaine n’était tout autre que de la manipulation politicienne dont le but était de jeter l’opprobre sur le Président Fulbert Youlou. A l’issue d’un procès qui se tint du 8 au 14 juin 1965, au Tribunal populaire de Brazzaville, par une cour d’exception instituée par le régime révolutionnaire du M.n.r (Mouvement national de la révolution) du Président Alphonse Massamba-Débat, et dirigée par Stanislas Batchy, pour juger les principaux responsables du pouvoir déchu (14 ministres et 5 hauts-cadres sur le banc des accusés, le Président Youlou étant en exil en Espagne), il fut condamné, par contumace, à la peine de mort, pour détournement de fonds publics.
Sur ladite sentence du Tribunal populaire, le Président Fulbert Youlou avait lui-même réagi, dans son livre «J’accuse la Chine», en la considérant comme le reflet de la haine, à cause de son anti-communisme: «Je récuse ces jugements, parce que les bases mêmes sont fausses sur lesquelles s’est fondé ce tribunal populaire. En effet, ce tribunal a prétendu et prétend encore devoir juger tous les membres de l’ancien régime… Je veux encore prendre mes responsabilités, parce qu’aucun fait n’est fondé de tous les chefs d’accusation… Je suis accusé d’avoir apporté mon soutien à Messieurs Kasa-Vubu et Tshombé. C’est exact. Je suis anticommuniste et je le serai toute ma vie. Je soutiendrai, tant que je vivrai, tous ceux qui défendent la même cause que moi… Oui, un tribunal dont le jugement rendu n’est que le reflet évident de la haine, ne peut être équitable et juste. Ce que le tribunal ne veut pas savoir et ne veut pas dire, c’est que j’étais régulièrement salarié et que j’avais le droit d’user de ma solde. Ce tribunal ne démontre pas non plus combien j’ai volé et sur quel chapitre cette somme a été défalquée. Je suis condamné à mort pour avoir demandé de maintenir l’ordre le 13 août, alors que je représentais le pouvoir légal».
Ne fallait-il pas trouver des prétextes pour justifier cette «révolution» des 13, 14 et 15 août 1963? Aujourd’hui, l’on peut affirmer, haut et fort, que le Président Youlou n’avait rien volé. D’autre part, il n’avait pas de compte bancaire, ni de villa, ni de résidence ni encore de domaine à l’étranger. Au contraire, patriote, nationaliste et altruiste, il utilisait son argent pour le Congo.
Tenez! Quand il avait reconnu l’Etat sécessioniste du Katanga, dirigé par le Premier ministre Moïse Tshombé, son ami, ce dernier lui avait remis des diamants et beaucoup d’argent (ce qui fut confirmé par le ministre Simon-Pierre Kikoungha-Ngot, son ancien adversaire politique). Avec cet argent, au lieu de s’ouvrir un compte bancaire personnel, il acheta, pour le compte du Congo: la résidence de l’ambassadeur du Congo à Vaucresson, dans la banlieue parisienne, en France, la chancellerie du Congo en France, dans la Rue Schaeffer, dans le 16ème arrondissement de Paris, des appartements des étudiants congolais en France (la M.e.c), les appartements pour les fonctionnaires stagiaires en France, dans la Rue Boussingault, la chancellerie congolaise à Bruxelles, en Belgique, la chancellerie congolaise aux Etats-Unis, sur l’Avenue du Colorado, à Washington D.C, la résidence huppée de l’ambassadeur représentant congolais à l’O.n.u, à New-York, la chancellerie congolaise à Bonn-Badgodsberg, en Allemagne Fédérale.
Avec cet argent, il construisit aussi à Brazzaville, l’hôtel de ville (la mairie centrale actuelle), le commissariat central, à côté de l’ancienne clinique Gro Sperrin, les mairies de Bacongo, Makélékélé, Moungali et Ouenzé. Il fit d’autres grands travaux tels que ceux du barrage du Kouilou dont les travaux sont censés redémarrer finalement en janvier 2025, après avoir été arrêtés il y a plus de 50 ans. Tant mieux et Dieu soit loué!
En effet, lors du démarrage des travaux dudit barrage du Kouilou en 1961, le Président Youlou, qui en avait fait son cheval de bataille pour le développement du Congo, déclara: «L’avenir du Congo est ici même et le barrage conditionne et détermine, à lui seul, notre évolution. Il est capable de transformer le pays en «petite Suisse» (formule qu’utilisera, 30 ans plus tard, le Président Pascal Lissouba), selon les données les plus modernes de nous hausser au rang de puissance économique et industrielle, de transformer radicalement les conditions de vie et le pouvoir d’achat de la masse, en fournissant à bon compte l’énergie qui nous manque et de parachever l’indépendance politique acquise, par l’indépendance économique toute aussi forte et toute aussi impérieuse. Le Kouilou retient l’attention combinée de l’industrie des ferro-alliages, des industries de l’azote et du phosphore et, même, dans une certaine mesure des industries nucléaires, puisqu’il n’est pas exclu que la séparation isotopique à l’échelle européenne, soit conduite à chercher une solution de son problème au Congo».
Enfin, quant à l’hôtel Bilombo, devenu Olympic palace, il l’avait construit grâce à un prêt obtenu auprès de la B.n.d.c (Banque nationale de développement du Congo).
Eu égard à tout ce que j’ai écrit plus haut, je réaffirme que le Président abbé Fulbert Youlou qui était nationaliste et altruiste, n’avait rien volé. Sa devise était: «L’engagement politique est au service du bien commun et non de son bien propre».
A ce propos, en confiant l’élaboration du plan intérimaire au jeune ingénieur agronome Pascal Lissouba, directeur de l’agriculture, et Paul Kaya, directeur du plan, sous la direction d’Alphonse Massamba-Débat, alors ministre du plan, il leur dit: «Vous devez connaître le pays. Vous irez dans chaque village, dans chaque ville. Vous prouverez comment et en quoi l’agriculture et l’élevage portent le bien-être et le développement».
D’autre part, voici une des preuves de son amour pour le Congo et les Congolais. Le 31 octobre 1959, le Président Youlou déclara à l’issue d’un Conseil des ministres: «Au moment où nous préparons les textes et le budget qui doivent être soumis à l’Assemblée législative, je tiens à préciser que le gouvernement attache une importance extrême à ce que le Nord du Congo bénéficie de notre entière sollicitude et qu’un effort soit réservé en sa faveur».
Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas a été, le Président Youlou est, comme l’a écrit le ministre Joseph Ouabari, «l’un des hommes politiques humbles, non préoccupés par l’accumulation des biens et ne dérangeant personne, mais très attachés aux valeurs nationales communes». Sa conception du pouvoir, comme pour paraphraser le Premier ministre André Milongo, «n’était pas celle du pouvoir pour le pouvoir, pour s’ouvrir les vannes de l’enrichissement, par la rapine de l’Etat, mais celle de servir le peuple qui lui avait accordé son suffrage».
Donc, à mon entendement, le Président Abbé Fulbert Youlou aura été victime de mensonge, de diffamation, de calomnie et pour couronner le tout, d’un procès inique l’ayant condamné à mort par contumace. A ce propos, il ne faut pas oublier que d’une part, en politique, il y a souvent la tentation de salir et que d’autre part, le menteur est un être qui fabrique sa propre morale. Il établit avec les autres des rapports de supériorité. Lui peut avoir raison, pas les autres. Comme quoi, à en croire Vilfredo Pareto, «certaines révolutions n’ont abouti qu’à duper le peuple». Qui plus est, «qui veut noyer son chien, l’accuse de rage». Il existe, malheureusement aujourd’hui, dans notre pays, une culture où règne «l’esprit de calomnie et de destruction» dans laquelle «le moralisme est un masque pour créer confusion et destruction».
Dieudonné
ANTOINE-GANGA