Nommés par décret présidentiel, le 23 avril 2024, les membres de la Haute cour de justice, une institution judiciaire renouvelée après les élections législatives de 2022 et sénatoriales de 2023, ont prêté serment vendredi 3 mai dernier, au Palais du parlement (côté assemblée nationale), à Brazzaville, devant le parlement réuni en congrès, sous la présidence d’Isidore Mvouba, président de l’assemblée nationale, en présence de Pierre Ngolo, président du sénat, Jean-Rosaire, ministre du contrôle d’Etat, de la qualité du service public et de la lutte contre les anti-valeurs, représentant le ministre d’Etat Pierre Mabiala, en charge des relations avec le parlement, de quelques membres du gouvernement, … le parlement était convoqué en congrès par un décret du Chef de l’Etat, en date du 30 avril dernier.
Présidée par Henri Bouka, actuel premier président de la Cour suprême, la Haute cour de justice, «la Haute cour de justice est composée de députés et de sénateurs élus en nombre égal par leurs pairs, et de membres issus de la Cour suprême également élus par leurs pairs» (Article 191 de la Constitution). Son ministère public est dirigé par le procureur général près la Cour suprême, qui est actuellement Théophile Mbitsi.
«La Haute cour de justice est compétente pour juger le Président de la République, en cas de manquement grave à ses devoirs, manifestement incompatible avec l’exercice de sa haute fonction» (Article 192) et «les membres de l’Assemblée nationale et du Sénat, le Premier ministre, les ministres, les membres de la Cour suprême et les membres de la Cour constitutionnelle…», «pour les actes qualifiés crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions. Ils sont mis en accusation par le parlement réuni en congrès statuant par un vote au scrutin secret, à la majorité des deux tiers de ses membres» (Article 193).
Mais, depuis son institution en 2002, la Haute cour de justice n’a tenu qu’un seul procès et ce fut par contumace, avec comme inculpé le député Ghislain Galibali qui fut condamné, par contumace, en mai 2022, «à une peine de 30 ans de travaux forcés pour faux et usage de faux à propos de son diplôme d’ingénieur en développement qui lui avait permis d’être recruté au Fonds routier en 2018».
Une deuxième affaire est pendante. Cette du député Aimé Hydevert Mouagni, dont l’immunité parlementaire a été levée par ses collègues le 3 avril dernier, qui a été placé en détention préventive à la Maison d’arrêt de Brazzaville, et qui est pour «diffusion et propagation de nouvelles de nature à porter atteinte à la sécurité et à la défense nationales, à ébranler le moral des populations; de diffamation et de propagation de fausses nouvelles susceptibles de troubler la paix publique ou de nuire à l’intérêt national ou encore d’ébranler le moral de la Nation et, enfin, de détention illégale d’armes et de munitions de guerre».
Malgré les scandales de corruption et surtout de détournements de fonds publics parfois portés à la connaissance du public par la Justice elle-même ou les services de renseignements comme la C.i.d (Centrale d’intelligence et de documentation), et qui impliquent des dirigeants nationaux, la Haute cour de justice n’est jamais saisie. La Constitution précise que c’est le parlement réuni en congrès qui peut les accuser. Or, seul le Président de la République peut convoquer le congrès parlementaire. En plus, le vote, qui doit être à bulletin secret, a été transformé en vote à main levée, histoire de surveiller la position des votants. Ce qui ôte tout pouvoir de décision aux parlementaires. C’est une histoire trop politique que de traduire en justice un ministre par exemple. A défaut de gros poissons, l’instance judiciaire spéciale, qui devrait permettre de stopper l’hémorragie de corruption, particulièrement les détournements de fonds dont souffre la gestion publique au Congo, va se contenter, pour l’instant, de menus fretins.
Jean-Clotaire DIATOU