De son combat politique, André Grenard Matsoua disait, dans une lettre qu’il envoya à l’administration coloniale, le 8 février 1941: «Je combats la domination. Je lutte pour l’égalité, pour notre émancipation en tant qu’individus et en tant que peuple. L’aspiration que nous représentons est partagée par l’ensemble de notre peuple. La répression que vous avez cru avoir développée contre l’Amicale n’a pas réussi à décourager le peuple considéré. Bien au contraire! Elle a provoqué un radicalisme de notre mouvement. Nos villages connaissent des saccages incessants. Et cependant, on ne note aucun signe de défection au sein de notre peuple. Certains de mes compagnons de lutte ont été exécutés sommairement. Je veux parler de M’biémo, Milongo, Mbemba et tant d’autres. Mais notre combattivité, l’adhésion populaire à votre opposition se sont accentuées. D’autre part, nous ne cesserons pas de demander l’indépendance des autres colonies de l’Afrique équatoriale française (l’A.e.f). Tout cela devrait vous faire réfléchir».

Ce qui amena Monsieur De Butttafoco, alors administrateur français de la Région du Pool, à déclarer: «Vous, les matsouanistes, vous exagérez; au lieu de limiter vos revendications d’autonomie au seul territoire du Moyen-Congo, vous avez voulu les étendre sur toute l’A.e.f, ne nous laissant aucun lopin de terre dans cette région. Voilà votre bêtise, voilà ce qui rend difficile votre tâche» (Sic).
Matsoua est arrêté à Paris d’où il sera, sur la demande du gouverneur général, déféré à Brazzaville où il sera en détention. Il sera successivement transféré à Mindouli et le 12 décembre 1941, à Mayama où il mourra dans la nuit du 12 janvier 1942, après avoir reçu une injection d’on ne sait quoi, rapporte-t-on, sur la recommandation des autorités administratives, par un infirmier nommé Basile.

Par Dieudonné
Antoine-Ganga

Le 13 janvier 1942, le gouverneur Félix Eboué et De Buttafoco annonceront officiellement la mort de Matsoua. Les colonialistes blancs avaient réussi à faire endosser le poids, la gravité et la honte d’un tel forfait par un Noir, Félix Eboué. Mais qu’à cela ne tienne, Matsoua venait de rentrer dans le camp de l’immortalité. Les esprits ont été déjà préparés pour en faire un dieu, partant d’outrages, de tortures, de difficultés sans noms endurés à cause de son nom. Le kimbanguisme avait donné le ton, le kakisme avait enchéri et préparé le chemin du matsouanisme.
D’autre part, il sied peut-être d’évoquer le kakisme, ce mouvement venu du Congo-Belge et qui fut son apparition au Moyen-Congo en 1941. Simon Mpadi en était l’apôtre. Il prêchait aux Noirs que ceux-ci n’auraient de salut de Dieu que par lui. Pour les Noirs, Christ ne comptait plus, remplacé avantageusement par Simon Kimbangu. Christ pour les Blancs, Kimbangu pour les Noirs.
Les adeptes de cette doctrine portaient tous une tenue kaki, choisie comme tenue de la victoire. A l’avènement du matsouanisme, ils arboreront une fleur rouge enfouie dans la chevelure.
A vrai dire, le matsouanisme comme religion ne se manifestera clairement, pour la première fois, que le 11 octobre 1945. A en croire certains témoignages, un certain Malanda Prosper, accompagné de son ami, Malanda Dagobert, se firent intercepter par une patrouille de police, dans la nuit du 10 au 11 octobre 1945, près de la petite rivière de Makélékélé. Aux agents de police qui leur demandaient le motif de leur retranchement en ces lieux, ils déclarèrent sans sourciller qu’ils prient André Grenard Matsoua, sauveur de la terre, le représentant légal, celui qui doit commander le Congo, et d’égrener mille et une autre épithètes. Ainsi le matsouanisme aura engendré deux courants: l’un politico-messianique et l’autre politique. Les deux courants luttaient contre le colonialisme sous toutes ses formes.
Par exemple, dans tout le Pool, les chrétiens catholiques avaient des relations tendues avec les missionnaires qu’ils accusaient d’exploiter le peuple, de boycotter et de saboter l’Amicale auprès de leurs fidèles. A ce propos, une grève dite «grève des cadeaux: images pieuses, médailles, chapelets» s’instaura dans tout le Pool. C’est ainsi qu’ils boycottèrent toutes les manifestations organisées à l’occasion du 50ème anniversaire de la fondation de la Mission catholique de Linzolo. Ils refusèrent unanimement de s’agenouiller, pour recevoir la bénédiction épiscopale de Mgr Firmin Guichard, alors évêque du diocèse de Brazzaville ou de prendre part au repas commémoratif, offert par les prêtres. Ce qui amena Mgr Guichard, frustré, à fermer les écoles catholiques dans le Pool.
La lutte anticolonialiste des matsouanistes a été aussi l’objet de plusieurs témoignages dont ceux du Président Alphonse Massamba-Débat et du Premier ministre Bernard Kolélas. Tout d’abord, le Président Alphonse Massamba-Débat affirme: «Indépendance du pays, liberté et dignité du peuple, voilà les choses sacrées pour lesquelles tant de matsouanistes ont péri ou ont accepté les pires privations, enduré les plus inimaginables horreurs et tortures. C’est la foi qu’ils ont incrustée dans leur cœur, la conviction qu’ils ont fait enraciner dans leur conscience et la flamme de l’amour de leur pays qu’ils ont allumée en eux que ces hommes ont préféré souffrir que trahir, mourir qu’abdiquer. Devant leurs bourreaux blancs ou noirs, ils sont restés stoïques, insensibles aux menaces et aux outrages, parce que la longue lutte contre la domination étrangère, contre les horreurs et les injustices de l’indigénat, contre l’exploitation de l’homme noir par l’homme blanc les a rendus plus sensibles au devoir qu’au droit, plus attentifs au sacrifice qu’à la faveur. Les matsouanistes ne seront jamais d’accord avec les traîtres et les Africains indignes qui n’ont pas su défendre la cause sacrée pour laquelle tant d’hommes ont souffert, pour laquelle Matsoua est «parti»: l’indépendance et la liberté, la reconquête réelle du pays de l’emprise des descendants des Blancs et des Africains indignes».
Ensuite, le Premier ministre Bernard Kolélas déclare, de son côté: «Le mouvement matsouaniste a soutenu la lutte de libération nationale sans jamais fléchir, sans jamais trahir ses principes d’intégrité, d’incorruptibilité et de fidélité à la personne de Matsoua, à son idéal social, politique et moral. Bien plus, malgré les persécutions dont ils étaient l’objet, les Matsouanistes sont restés fidèles à leurs idéaux de paix, de liberté, de fraternité et d’amour à l’endroit des peuples du monde. Ils ont continué la résistance, le combat anticolonial sans changer un seul iota à leur profession de foi matsouaniste, à ses revendications politiques. Sur la personnalité d’André Matsoua Grenard, nous soulignons qu’il a profondément déteint sur l’âme de son peuple, par son équation personnelle tout d’abord, par ses idéaux et son action politique ensuite. Il fut un grand patriote, un homme plein d’abnégation et de dévouement pour le bien de son peuple et du monde des opprimés. Un humaniste qui aspirait à l’harmonie, à l’égalité et à l’entente entre les races et les peuples du monde, sans discrimination d’aucune sorte. Il fit des droits de l’homme, son cheval de bataille. Il fut un leader déterminé et farouchement engagé dans le combat pour la justice, le respect et la dignité de l’homme africain, de l’homme tout court. L’homme irradiait l’amour fraternel, la force charismatique, la conviction et l’assurance qui forçaient le respect et l’admiration. Mais, sa vie fut un tissu de privations, de souffrances et de sacrifices. Bref, un personnage historique hors du commun, très avancé sur son temps et sur son peuple, que l’épreuve du temps n’a jamais entamé».
Comme pour corroborer ces deux témoignages, j’affirme avec Confucius qu’André Matsoua Grenard fut un «Grand Homme, un Homme Supérieur», c’est-à-dire un homme qui avait mis tout d’abord ses paroles en pratique. Faisant siennes les paroles du Secrétaire général du «Comité de défense de la race nègre» au congrès constitutif de la «Ligue internationale contre l’impérialisme et l’oppression coloniale» tenu à Bruxelles, en février 1927: «Les Noirs ont dormi trop longtemps. Mais méfiez-vous, Europe! Ceux qui ont dormi pendant longtemps ne vont pas retourner dormir quand ils se réveilleront. Aujourd’hui, les Noirs se réveillent!».
Matsoua André Grenard eut une bienveillance égale pour tous et fut un homme politique sans égoïsme et sans égocentrisme. Il donna enfin la priorité au Congo et à l’Afrique. Il fut une «personnalité exceptionnelle et visionnaire». Enfin, je considère son association «L’Amicale» comme l’un des premiers mouvements politiques et panafricanistes structurés autour des revendications pro-nationalistes. André Matsoua Grenard, déclaré à juste titre «Héros national», reste et restera toujours le symbole du rejet de l’ordre colonial et de ses abus.

Dieudonné
ANTOINE-GANGA

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