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Hommage à Camille Bongou : Un homme capable de souffrir en silence son calvaire, capable de sublimation et de conciliation

Camille Bongou est, sans conteste, pour notre époque, une des grandes figures du champ politique national de notre pays, le Congo. Acteur politique de haut niveau et de conviction, c’est aussi un homme intègre qui privilégie le débat d’idées, la conciliation des contraires -c’est un philosophe- et l’intérêt général. Il apparaît comme un personnage multidimensionnel et aura opéré d’importantes mutations dans son existence.

De militant intellectuel, d’enseignant de français, d’histoire et de philosophie, de lieutenant de l’A.p.n (Armée nationale populaire), de marxiste-léniniste, idéologue d’extrême gauche du Parti congolais du travail (P.c.t) dont il est cofondateur et puissant numéro deux, à la suite du troisième congrès, à la social-démocratie, ce grand homme politique se reconvertit dans le champ économique, la délicate et difficile gestion des affaires: directeur des Editions presse et culture. On doit, en outre, mentionner qu’en qualité de secrétaire général près de la présidence du comité central du P.c.t, il impressionne par le choix de ses collaborateurs; il sait s’entourer des meilleurs cadres de la Nation, même n’émargeant pas à son parti. Je n’ai nullement la prétention ni les qualités requises pour présenter l’exhaustivité du personnage Camille Bongou. Mais, j’ai rencontré l’homme. Notre rapport se déroule en deux époques.
D’abord en 1966, lorsque je fus élève en classe de Seconde, au Lycée Pierre Savorgnan de Brazza, pendant les récréations, j’allais souvent voir Norbert Ngoua, mon ancien professeur de français au Collège Champagnat de Makoua, qui ne cessait de me gâter en m’achetant des «mikaté». Ce fut à plusieurs de ces occasions que je rencontrais, pour la première fois, Camille Bongou. Il était un ami intime de Norbert Ngoua. Ils étaient étudiants à l’Ecole normale supérieure (E.n.s), située, à l’époque, dans les enceintes actuelles de la Faculté des sciences économiques.
Ensuite, bien plus tard, après la guerre du 5 juin 1997, dans le tourbillon et la tourmente des règlements de compte tous azimuts, il m’est recommandé de prendre attache avec deux personnalités politiques du Congo, dont Camille Bongou. Ainsi, j’ai rencontré un homme énigmatique par son aspect extérieur. Il a l’allure semblable à un moine -humble, calme et pondéré- certainement marquée par une adolescence -quatre années passées à Makoua- chez «Les Frères maristes» canadiens, une congrégation religieuse catholique fondée par le Père Marcellin Champagnat. Il me paraît redoutable et désarmant, car, à la fois il est rigoureux et à la fois il est détendant, par un sourire en coin permanent. En réalité, c’est un homme entier, sans fard ni emphase. Il est lui-même et n’en veut à personne quoi qu’il arrive.
Oui, il est une de ces rares espèces qui ne peuvent éternellement en vouloir à ceux qui lui ont causé du tort. Capable de souffrir en silence son calvaire, capable de sublimation et de conciliation et se situant au-dessus des clivages ethno-régionaux, Camille Bongou aurait pu rendre à la Nation le meilleur de lui; il aurait pu servir de liant entre les différentes composantes politiques diverses, adverses, opposées voire antagonistes de notre pays, et sauvegarder les intérêts de tout le monde, y compris ceux de ses ennemis politiques.
En fin de compte, pour les personnes de ma génération, Camille Bongou fait partie de la génération de nos ainés, de nos grands frères, adulés par nous les cadets, les petits frères et fiers de l’être. C’est une génération glorieuse, pleine d’allant, euphorique, celle qui arrive à maturation dans l’enthousiasmante période de l’indépendance de notre pays et qui s’octroie ardemment de grands défis nationaux à réaliser. Ces «vingtenaires» sont proches de nous et constituent, pour nous, nos modèles, nos vedettes, nos stars à envier, à aduler, à copier et à surpasser.
Au-dessus de cette génération, se classe celle de la jeune élite, des intellectuels qualifiés, des jeunes loups ambitieux, exemplaires, admirables, qui apparaissent comme des super stars, des monstres sacrés et inaccessibles à nous qui les déifions.
Ce sont des showmen de la trempe des Pascal Lissouba, Paul Kaya, Bernard Galiba,
Le sommet de l’édifice Congo, de la pyramide politico-administrative, est constitué par la génération des grands esprits, puissants, mythiques et vénérés, les «pères» de l’indépendance: les Fulbert Youlou, Jacques Opangault, Stéphane Tchitchéllé, Simon-Pierre Kingoungha-Ngot…
Dans la première décennie de l’indépendance, celle des Camille Bongou, le Congo, plutôt Brazzaville, brille de mille feux étincelants: les feux des bars dancing endiablés et des orchestres célèbres, les feux des soirées d’animations des associations féminines, les feux des équipes de football, les feux des réussites aux examens scolaires… Dans cette atmosphère emballante, le rêve était permis. Le rêve s’imposait. D’ailleurs, il fallait rêver. Rêver d’un destin. Rêver d’un certain Congo.
Ce jour, c’est la réalité imparable, la fin des rêves de mon cher ainé, Camille Bongou. Je ne pleure pas l’homme Camille Bongou. L’être est périssable. L’homme, je l’ai pleuré de son vivant. De son vivant, j’ai pleuré le destin d’un homme normal. Quel gâchis humain!
J’ai pleuré sur le Congo, mon pays, sur un dessein national brisé. Quel gâchis politique!
Je pleure sur les discours élogieux et la reconnaissance à titre posthume. Quelle hypocrisie et quelle désolation!

Claude-Richard M’BISSA

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