Une fois de plus, même interrogation: qu’est-ce qui constitue le Congolais en tant que tel? Une fois de plus, c’est par des exhortations citoyennes que cet article est entamé. Sortons de l’hypocrisie, disons-le clairement: le pays se trouve dans une situation de blocage causée par un raidissement et une défiance. Le citoyen congolais plaide pour la flexibilité pour qu’un jour, enfin, il se ramène aux questions suivantes: que puis-je savoir? Que dois-je faire? Que m’est-il permis d’espérer? Qu’est-ce que l’homme?
En l’ignorant, on rend très difficile de situer le stade où l’on se trouve. C’est une question difficile. Funeste situation d’un pays, le Congo, qui est en train de sortir de sa puissance historique. Naître au Congo devient-il une malédiction? Funeste destin pour ce pays pétrolier. Que s’est-il passé? Le budget et l’argent du pétrole ne répondent ni à la crise sanitaire, énergétique, ni à l’inflation? Le budget n’est plus en mesure de protéger le pouvoir d’achat et de créer un cadre de vie solidaire.
Dans l’ensemble, il s’agit de savoir si nous sommes lourds ou légers, pour pousser notre volonté de contourner les ruses d’un système inerte. Depuis 1963, on aurait fait chanter à la jeunesse congolaise les méfaits du système de la première République. La réalité tenait en un mot: lorsque nos concitoyens ne sont plus guère à jouir de la répartition équitable des richesses du pays, la notion de patrie devient abstraite. Fort malheureusement, c’est cette donne qui commande encore. Il nous est indispensable de prendre la mesure de tout ce qui s’oppose au changement. A vrai dire, rien dans le monde humain n’est permanent. Dans ce schéma, quelles sont les pistes envisagées pour relancer le pays, redynamiser les Congolais? Comment concilier pouvoir et humilité? La politique n’est-elle pas vouée à devenir une simple gestion de la cité?
Le premier débat, celui auquel nous cherchons à initier, porte sur la prise en main du pouvoir toujours plus positif et concret pour que s’impose une République. Aucune société ne peut survivre sans se réinventer. Au moment où ces lignes s’écrivent, un événement venait de provoquer ce qu’il est convenu d’appeler le couple pétrole/gaz. Ce couple est né, chance ou malédiction? Désormais, le Congo est assis sur un tas de pétrole et de gaz. Mais, le pays est toujours malade de son tribalisme, de sa corruption, de ses inégalités et de ses divisions. Ainsi 50 ans après 1973, se posent toujours les mêmes questions: «quand-est-ce que le pétrole va cesser de creuser les inégalités entre le politique et le commun des mortels? Quand-est ce que le pétrole déterminera-t-il le niveau de l’employabilité dans le pays? Comment vivre ensemble quand on ne se comprend pas, quand pour les uns, le verre est plein; pour les autres, il est vide?».
L’industriel américain John Davison Rockefeller (1839-1937), qui fut, à son époque, l’homme le plus riche du monde, a été probablement le plus grand des aventuriers du pétrole. C’est lui le véritable inventeur des méthodes et des mœurs du capitalisme moderne. La pression de l’opinion publique et de ses conseillers le poussèrent vers la fin de sa vie à utiliser une partie de son immense fortune pour créer diverses fondations de bienfaisance exemplaire. Malgré les batailles gagnées par Rockefeller, cet homme a été l’homme social et généreux. Il a fait un travail de fond, la force du bien ancrée en lui. Il a été transformé en bien, au moyen du pétrole. N’est-ce pas l’invite à laquelle nous convie l’aventurier du pétrole?
Mon article questionne les réactions des Congolais depuis que le pétrole est devenu, disons-le, le sang de notre civilisation, que ce soit dans les salons ou en public. Autrement dit, un beau jour, au début des années 1973, l’homme congolais a changé complètement. Il est dans différentes versions incomplètes de sa citoyenneté: les thèmes de sa réflexion sont désormais parvenus à leur pleine immaturité. C’est un véritable bréviaire de l’anti-Socrate qui se déroule au fil des années. Apparaît, ensuite, la reconversion de l’homme rationnel à l’homme irrationnel.
Nous devons tirer toutes les leçons de la réflexion d’Aristote: l’homme cumule trois propriétés fondamentales: il est le seul animal à percevoir les valeurs morales; il est aussi un animal politique, car il vit au cœur de la cité; il est enfin doté d’une raison qui s’extériorise par le langage. Après 1973, ce Congolais n’existait plus, au sens où il a perdu ce cœur intelligent. Il s’est laissé envahir par ce qu’il appelle, lui-même, les antivaleurs.
Or, le mythe de l’arbre à palabre, c’est celui de l’homme congolais bon et juste, qui prônait le dialogue, la compréhension, l’hospitalité, l’unité et l’amour de toutes les ethnies du Congo. Pour ce faire, il faut une politique ambitieuse prête à défendre ceux qui sont dans le besoin. Ces jeunes gens, qui sont le cœur battant de la société, ne demandent pas la charité, mais un travail rémunéré qui leur offre une sécurité.
En réalité, l’intérêt véritable de ceux qui gouvernent, c’est de regarder la société avec attention: servir et non se servir. Il faut donner aux jeunes gens l’occasion de s’affirmer. Ce qu’il faut bien comprendre, aujourd’hui, c’est que les peuples veulent vivre librement. L’esprit républicain est le moyen de tous les gouvernements pour réformer ce qui est en faute. Les jeunes sont les premières cibles de la crise. Que l’on soit politique ou non, il faut chercher à se soutenir, car la réalité nous y incite. Malgré nos richesses, 70% de Congolais vivent dans la pauvreté. Nous ne sommes que 5 millions. Il y a un problème. Il faut diagnostiquer la crise.
Tout indique que nous devons, à nouveau, nous saisir de la question de nos institutions. Car, l’objectif recherché peut être partagé par tous: dans notre démocratie qui tourne à vide, on peut ensemble, élaborer des préoccupations communes. En créant la proximité dans la démocratie participative, on rencontre aussi bien ceux qui sont intéressés par la politique comme ceux qui ne le sont pas. C’est ce qui est central. Lorsqu’on assume une responsabilité politique ou autre, on tient à être compris.
C’est de cette façon que l’on entre dans les profondeurs, on va au fond des choses. Soit dit en passant, une chose demeure-t-elle incomprise: c’est une impression, ceux qui nous gouvernent sont encore à un niveau de compétence minimum, à l’inverse de la société civile. En fin de compte, le slogan «Youlou a tout volé, nous bâtirons de nouveau» n’a pas produit la véritable force de la prise en main de notre destin. L’Assemblée nationale doit être en mesure de tout dire, ce que le gouvernement ne veut pas dire, ce qu’il ne veut pas voir. Tels sont les motifs qui incitent à proposer une approche nouvelle sur l’action de l’Etat.
Joseph BADILA