Bacongo alias Bac-city, est un microcosme, une représentation de l’histoire de Brazzaville «La Verte»: histoire dynamique reflétant l’actif et le passif du déroulement d’une existence et le dévoilement d’une culture en évolution. Cette évolution est tant révélatrice d’une volonté de vivre capable, de marquer les événements qu’a connus le Congo au cours de son histoire porteuse de l’interrogation qu’elle suscite aujourd’hui dans les expériences diverses vécues par les habitants de Bacongo, les Bacongolais, en tant qu’acteurs et victimes.
Contrairement aux jeunes Bacongolais des années 2.000, dont l’alcool et le sexe deviennent des centres d’intérêt ou qui, dès 10h du matin, empestent avec leur haleine avinée et fétide, parce que s’adonnant à des beuveries qui les font transpirer comme des porcs, nous, leurs ainés des années 50 et 60, avions, comme l’a écrit le Bacongolais Jean-Claude Ganga dans «Il était une fois les jeux africains», «une passion maladive, le football». Ce dernier était, en effet, notre violon d’Ingres. Nous fabriquions nous-mêmes les balles avec de vieux journaux ou avec des chiffons, quand nous ne pouvions pas nous procurer une balle de tennis ou une balle «sea sport».
Le football auquel nous jouions pieds-nus avec tous les risques de blessures ou de gerçures aux orteils et aux pieds, nous le pratiquions sous plusieurs formes:
– le «dou wélé», jeu qui consistait à jouer la balle en l’air pendant la récréation à l’école;
– le «football partagé», simple partie de football sans arbitre et entre copains dans les rues et avenues de Bacongo;
– enfin, le «mwana-foot» ou le «football pelote», avec arbitre, le dimanche après la messe de 8h, au Stade Yougos, à l’actuel emplacement de l’Eglise Notre-Dame du Rosaire, avant d’être déplacé tout d’abord au Marché Total, sur le terrain vague entre le Cinéma Rio et le Mbongui Eugène Kakou et, ensuite, en face du Bar Lumi-Congo (Macédo).
Là, agglutinés comme des abeilles tout autour du stade, nous hurlions et chantions à pleins poumons, pour encourager nos différentes équipes: Ouragan la Macumba née des cendres de Terreur et la Squadra née des cendres de Louvain-Haarlem, Brise Succès et Air Mail du Quartier Aviation, Reims du Président Diora Koudissa, Dragons-noirs, Faucon-Noir et Olympic, du Quartier Dahomey, Lille, Nice et plus tard A.s Baptême du Quartier Saint Pierre-Claver, Nancy-Kahunga et A.s Brésil du Quartier Mbama.
Ouragan la Macumba avait un gardien de buts, Matangar, handicapé à la cheville droite par une plaie qu’il savait protéger, en soulevant le pied, à chaque attroupement (chargement) devant ses buts. Ouragan la Macumba était aussi l’unique équipe à posséder un hymne que les joueurs chantaient au garde-à-vous et bien concentrés, avant chaque match. Les paroles de cet hymne, une version de «Glory Alléluia», un gospel américain, étaient les suivantes: «Ouragan la macumba, la magie brésilienne; jeunes brésiliens, on vous souhaite bonne chance, bonne chance, nous gagnerons».
Ouragan la Macumba et Reims du président Diora Koudissa eurent le privilège de jouer le match d’inauguration du Stade Yougos, en 1956. Ce fut un événement qui draina beaucoup de monde au stade où un grand Sara, alias ailier, originaire du Tchad, assurait l’ordre avec une longue perche en bambou. Pendant le match, les fans d’Ouragan la Macumba, bien outillés en la matière, encourageaient leurs joueurs, en chantant alternativement: «La macumba, è mama la tête ma» et «Tchuku luku mé ku lutété». J’étais l’un de ces fans. J’avais l’impression que nos chants décuplaient les forces des joueurs qui, comme Mpassi Nzoumba alias Jean Paris, excellaient tant dans des dribbles déroutants, virevoltants et époustouflants que dans des passes précises à la brésilienne. Les voir jouer était un régal. Ouragan la Macumba gagna ce match par un but à zéro, lequel but fut marqué par le talentueux Mpassi Nzoumba alias Jean Paris.
Le Stade Yougos fut une grande école-pépinière du football congolais d’où sortirent plusieurs joueurs comme Jean-Marie Loukoki «Kopa», Bibanzoulou Amoyen, Dzabana Jadot, Bikouri Jean Chrysostome «Biskouri», Maxime Matsima «Yachine», Robert Doudi «Piantoni», Nkaya Vautour, François Mpélé, Pierre-Claver Matoko «Servato», Paul Massamba-Débat, Tchicaya «Xerxès», Bihani alias «Sivori alias muana 15 ans», Mananga «l’enfant de l’homme» et d’autres joueurs qui firent les beaux jours des équipes Diables-Noirs, Etoile du Congo, Cara, C.s Negro, A.s Bantous, Nancy Kahunga, Lumière du Congo, Standard, Racing Mobebisi et l’A.s Lorraine.
Dieudonné
ANTOINE-GANGA