Quel est le problème? Lorsqu’on parle de la dette, on pense tout de suite à l’obligation de payer une certaine somme d’argent, soit pour une chose achetée, soit pour un emprunt qu’on a réalisé. C’est la dimension financière de la dette, son obligation légale. Mais, il y a aussi et surtout la dimension morale de la dette: l’obligation de rendre ce qui appartient à autrui.
La dette est une problématique ancienne largement condamnée par les économistes. Pour le philosophe et économiste écossais, David Hume, une trop grande dette a des «effets en termes de désintégration du corps social». Pour son compatriote Adam Smith, «le progrès des dettes énormes qui écrasent toutes les grandes Nations de l’Europe les ruineront toutes à la longue»; et, «quand les dettes nationales se sont accumulées jusqu’à un certain degré, il n’y a guère, à ma connaissance, un seul cas où elles ont été remboursées équitablement et complètement». Voilà ce qui advient aux Nations qui ne prennent pas la dette comme un «instrument financier, à manipuler avec habilité pour créer de la richesse». Parce qu’il y a dettes et dettes: la bonne dette et la mauvaise dette.
Les pères de l’économie politique ont théorisé le tryptique argent-marchandise-argent, voulant dire que «l’objectif du capitaliste est de générer de la richesse par la création d’une production». Il suffit de remplacer «capitaliste» par «prêteur» pour comprendre que lorsqu’on emprunte, lorsqu’on s’endette, notamment pour un Etat en développement, ce n’est pas pour équilibrer le budget; c’est pour produire, donc pour se donner les moyens de générer plus d’argent; c’est l’investissement productif; c’est la bonne dette.
Quand un Etat s’endette pour financer tout ce qui concourt à la production des biens et services et au service public, il s’enrichit en réalité. Mais, quand la dette n’est pas bien gérée, quand elle n’est pas destinée aux activités de production, quand elle finance le décorum ou des éléphants blancs ou quand il y a des gens qui gagnent de l’argent en dormant, la dette devient alors un obstacle au développement; elle devient source de paupérisation des populations, puisque l’Etat est condamné à rembourser le principal et à payer des intérêts pour un emprunt qui n’a servi à rien, sinon à être capté par les candidats à l’enrichissement sans cause. Une telle dette est une mauvaise dette; elle condamne la Nation à la pauvreté.
Prométhée