Dans le hameau de Moufouoto qui fait partie du village Ntonkama, sur la route nationale n°1, à une quarantaine de kilomètres au Sud de Brazzaville, dans le District de Kinkala (Département du Pool), on est sans nouvelle, depuis un mois et demi, d’Eddy Chris Hwalembo Bobena, âgé de 31 ans, marié, vivant au Quartier Moutabala, à Brazzaville. Charbonnier de son état, il n’est plus revenu de son campement, dans une brousse, au milieu du triangle Ntonkama-Linzolo-Mbanza-Ndounga. Il y séjournait de temps à autre, depuis plus de cinq ans, avec son père Jean-Noël Nitoumbi (52 ans), unanimement reconnu grand bûcheron de la contrée, et qui vit au village Ntonkama, sur la route nationale n°1. De l’avis des villageois qui se réfèrent aux témoignages des enfants fréquentant le campement, de lourds soupçons pèsent sur le père qui a déserté le village, depuis le 20 avril dernier, date qui coïncide avec la disparition de son fils, qu’il aurait tué à l’aide d’un coup de fusil, au campement. Mais le corps n’est toujours pas retrouvé jusqu’à présent.
Depuis lors, Jean-Noël Nitoumbi avait établi ses quartiers, avec sa femme et l’ensemble des enfants que celle-ci a emmenés au foyer voici une quinzaine d’années, à Nganga-Lingolo, à une quinzaine de kilomètres au Sud de Brazzaville. Ils y ont demeuré des semaines entières, sans mot dire à qui que ce soit, de la disparition de d’Eddy Chris Hwalembo Bobéna.
Alertée par l’épouse du disparu, la famille maternelle du jeune charbonnier s’est enfin lancée à la recherche de son fils, deux semaines plus tard. Elle a commencé par se rapprocher du père, Jean-Noël Nitoumbi, pour se faire une idée de ce qu’il savait de la disparition de son fils. Rien de concret n’est sorti de leur entretien. Saisi de la situation, le chef du village de Ntonkama s’est rendu à Nganga-Lingolo où il a eu de longs pourparlers avec le père suspecté du meurtre de son fils. Là aussi, aucune lueur d’espoir n’a transpiré de cet entretien qui a eu lieu le dimanche 7 mai 2023.
Curieusement, trois jours après, Jean-Noël Nitoumbi, qui avait dit au chef du village de Ntonkama (il est aussi le chef du hameau de Moufouoto), qu’il est très souffrant et grabataire depuis trois semaines, s’est rendu au campement de Poupoutou à plus de dix kilomètres au Sud de Moufouoto, sur l’axe Mbanza-Ndounga, pour y récupérer tout ce qu’il y avait d’essentiel (matelas, ustensiles de cuisine, bidons d’eau de 25 litres, volaille, etc). Il était accompagné de son épouse et de ses enfants.
Sur le chemin du retour, il a soigneusement évité son hameau, Moufouoto, à Ntonkama, pour se retrouver directement au village Mboukou, toujours sur la route nationale n°1, où la nouvelle de la disparition d’Eddy Chris était aussi connue. Sur place, la famille s’est lancée à la recherche d’une maison à louer. Un habitant dudit village s’est rapproché des enfants laissés au bord de la route goudronnée. Il a attiré l’un d’eux à côté et l’a mis en confiance, en lui promettant un beau et gros jouet que l’Unicef distribuait entre temps dans tous les villages alentours. Il lui a posé la question de savoir pourquoi sa famille déménageait précipitamment? L’enfant a lâché: «Nous sommes partis en toute vitesse du campement de Poupoutou et du hameau de Moufouoto, parce que papa avait tué Ya Chris dans la brousse là-bas. Comme le bruit court déjà, nous avons décidé de partir d’ici avant que la police ne vienne nous arrêter».
Ayant reçu cette information, le paysan s’est vite rapproché du chef du village qui a aussitôt mis les jeunes du village en alerte. «Il faut les empêcher de partir de Mboukou, parce que le jeudi 18 mai 2023, la famille maternelle du disparu va descendre au village ici s’enquérir de la situation. Et la première personne à entendre, ce sera le père du jeune homme porté disparu», a indiqué le chef du village. Comme le présumé coupable tenait à partir, avec sa famille, les policiers du District de Goma Tsé-tsé, basés à Nganga-Lingolo, mis au courant de sa présence au village Mboukou, sont allés l’arrêter le 17 mai. Mais, insensible à la douleur de la famille, des amis et connaissances du disparu, il continue de nier toute responsabilité dans l’assassinat de son fils: «Je ne suis coupable de rien. Je n’ai pas tué mon fils. Je ne peux pas faire une chose pareille, car je crois en Dieu et je suis croyant pratiquant».
Aux premières heures de son arrestation, il avait partagé la cellule du commissariat de police avec son épouse et l’un des fils de cette dernière. Le samedi 20 mai, en milieu d’après-midi, une équipe de policiers de Nganga-Lingolo, accompagnée des membres des deux familles maternelle et paternelle du disparu, s’est rendue au campement où le crime est supposé avoir eu lieu. Sur place, l’enfant de six ans qui avait donné le témoignage ayant permis l’arrestation de M. Nitoumbi, a indiqué l’emplacement du meurtrier et celui de la victime: «Papa Noël qui a tiré était ici, et Ya Chris sur lequel on a tiré était-là. Une fois le coup de fusil parti, il est tombé à cet endroit… Je me suis alors mis à pleurer». Et les petits-fils de papa Noël se sont aussi mis à crier: «Ya Chris est mort! Ils ont continué à pleurer jusqu’au village».
Après ce témoignage, les fouilles ont commencé pour retrouver le corps. En vain jusqu’aujourd’hui. Même le rituel traditionnel du tipoye, improvisé sur le champ, n’a rien donné. Les personnes concernées par l’ensevelissement de l’infortuné étaient restées en cellule, au commissariat de police, à Nganga-Lingolo. Il n’y avait donc personne pour indiquer l’endroit où le corps a été enterré.
A en croire les supputations des villageois, «Papa Noël a sacrifié son enfant. Il est un grand ngunza qui avait besoin de monter en grade et en puissance. Il a donc livré le corps et l’esprit de son fils à une sirène. Si le cadavre demeure introuvable, il n’y a plus de doute que le meurtrier l’a immergé et lesté dans les flots d’un cours d’eau». Qu’à cela ne tienne, la police et les deux familles sont reparties sur la scène du crime, le samedi 26 mai, à la recherche des restes mortels d’Eddy Chris Hwalembo Bobena. Le déplacement n’a rien produit et le présumé coupable a été transféré à la maison d’arrêt, où il attend son jugement.
Chrysostome
FOUCK ZONZEKA