Ainsi donc, malgré son extrême prudence, le Président de la République, Denis Sassou-Nguesso, a consenti à l’augmentation des prix du carburant, suivant ainsi l’option de son Premier ministre, Anatole Collinet Makosso. Ce dernier a fait preuve d’audace et de tact, pour permettre au Congo d’opérer enfin la restructuration des prix du carburant, afin de sortir de mettre progressivement un terme au système de subvention. Le Premier ministre Collinet Makosso estime que les Congolais doivent s’habituer à payer les prix réels du carburant, de l’électricité et d’eau courante. Soit!
Mais, ce qu’il faut souhaiter aussi, c’est que l’Etat soit habitué à payer les Congolais leurs salaires, pensions, indemnités et marchés publics. Ce qui freine l’économie nationale, c’est la fâcheuse tendance de l’Etat à accumuler les arriérés et les dettes. Si l’on veut quitter le vieux modèle économique hérité du communisme ou du socialisme et entrer dans le nouveau modèle économique du libéralisme même mesuré, il faut que l’Etat lui-même aussi s’y mette. Et quand on parle de l’Etat, en réalité, ce sont les gestionnaires que sont le Président de la République, les membres du gouvernement et leurs directeurs généraux.
Or, l’accumulation des dettes publiques, par le phénomène de rétention des paiements à terme échu, crée les conditions de surfacturation des marchés publics qui ruinent les efforts de l’Etat. Donc, l’Etat ne se rend pas service à lui-même lorsqu’il se crée des dettes. On a vu, durant toute la période de vache à lait où l’Etat, grâce aux recettes pétrolières, a vu son budget grimper jusqu’à 4.132,920 milliards de francs Cfa (budget exercice 2013), continuer malgré tout, à accumuler des dettes. Ce qui signifie que ne pas régler les dépenses publiques fait partie du système de gouvernance consistant à mettre l’argent de l’Etat de côté, pour le détourner à d’autres fins. Cette gouvernance a été génératrice de dettes publiques et d’arriérés sociaux (pensions, bourses d’étudiants, salaires, indemnités).
En demandant aux populations de payer les prix réels de leurs consommations, le Premier ministre devrait conduire son gouvernement à payer aussi le prix réel des fournitures et services consentis à l’Etat. Il ne devrait plus être question de passer les marchés publics et ne pas payer à terme échu, une fois que les marchés sont exécutés. L’Etat doit être bon payeur, non pas en se laissant rouler à travers le phénomène de surfacturation des marchés publics, mais en tenant ses engagements, une fois les marchés exécutés. C’est cette gouvernance, assise sur la gestion axée sur les résultats comme tente de le faire le ministre en charge des finances, qui permettra de relancer l’économie nationale.
A son tour, l’Etat ne doit pas aussi verser dans la surtaxation des citoyens. Les péages sur la route lourde Pointe-Noire/Brazzaville ne sont rien d’autre qu’une surtaxation des usagers, qui a pour conséquence de freiner le décollage économique qu’une telle infrastructure routière peut permettre. Si les tarifs ont été réduits de 50% pratiquement, lors du conseil des ministres du 7 août 2019 (voir site Internet de La congolaise des routes), en revanche, le nombre de postes de péage restent élevés, à 7, suivant le décret 2019-251 du 30 août 2019: Lifoula, Yié, Ngamanzambala, Kiéni (Loutété), Louandi, Moukondo (Dolisie) et Mengo (Pointe-Noire). Rien que dans le Département du Pool, il y en a trois: Lifoula, Yié et Ngamanzambala.
Or, la route, longue de 601 kilomètres, n’est composée que de quatre tronçons: Pointe-Noire/Dolisie (186 km); Dolisie/Madingou (114 km); Madingou-Mindouli (111 km) et Mindouli-Brazzaville (190 km). Il aurait fallu correspondre le nombre de postes de péage au nombre de tronçons, en les réduisant à 4. D’ailleurs, les automobilistes font preuve d’ingéniosité à contourner certains péages, en créant des bretelles à travers l’herbe comme à Ngamanzambala, dans le Département du Pool.
Triste est le constat que la route lourde n’a pas un trafic automobile important par jour, en raison du nombre élevé de péages. Or, l’enjeu, c’est tout de même l’ouverture du port maritime de Pointe-Noire au reste du territoire national, incluant le grand bassin de consommation qu’est la ville de Brazzaville, avec ses deux millions d’habitants. On ne peut prétendre relancer l’économie nationale, sans tenir compte de cet aspect. Le Ministère en charge de l’économie nationale devrait y réfléchir et faire des propositions.
Jean-Clotaire DIATOU