Les caisses de l’Etat sont désespérément vides. Ce qui ne veut pas dire que l’Etat congolais manque d’argent chaque jour qui passe. Les menues recettes de l’Etat sont quotidiennes. Mais, au Congo, remontent-elles systématiquement au Trésor public? Le système de gouvernance mis en place favorise beaucoup plus l’enrichissement des élites dirigeantes, à travers divers avantages et le non-contrôle de la gestion financière, malgré les mécanismes administratifs et juridiques en vigueur. Dans quel système sommes-nous? Le néo-patrimonialisme?
Les maux dont souffre le Congo en matière de gestion financière viennent d’une pratique politique s’inspirant du néo-patrimonialisme, étant entendu la faiblesse des institutions et la propension à s’identifier aux individus dotés de pouvoir. D’où le phénomène des clans à travers lesquels les membres des élites aux affaires se protègent, particulièrement face à la justice. La Halc (Haute autorité de lutte contre la corruption), la C.i.d (Centrale d’intelligence et de documentation), la Direction générale du contrôle d’Etat et la Commission nationale de transparence, pour ne citer que ces quatre structures publiques, instruisent de nombreux dossiers de mauvaise gestion financière, de détournements de fonds publics, de délinquance à col blanc, etc. C’est un secret de Polichinelle que leurs armoires croulent sous le poids de ces dossiers qui connaissent rarement des suites judiciaires. Comment alors protéger les finances publiques, si on s’interdit de recourir à la sanction judiciaire, même pour privilégier la dimension pédagogique de rééducation?
Malgré les discours politiques sur la lutte contre les anti-valeurs, contre la corruption et tutti quanti, le gouvernement a fini par s’accrocher au principe de la présomption d’innocence, en lui donnant même un caractère de déni de justice, dans l’unique but politique de protéger les élites aux affaires. Les scandales éclatent et pas de suite judiciaire. Comment être politiquement à l’aise dans ces conditions, quand on est un dirigeant aux affaires? Va-t-on nous dire que ces scandales sont des inventions des réseaux sociaux?
L’école, l’hôpital, tout est dans le marasme. On n’arrtive même pas à assurer un service adéquat de ramassage d’ordures dans nos villes. Il y a même des grèves dans les morgues. Peut-on être fier, devant sa population, face à une telle situation catastrophique? C’est vrai, le président de l’assemblée nationale a dit que ce n’est pas encore l’apocalypse. Tant mieux! Mais qu’est-ce qui ne dit pas que le Congo s’y dirige, puisque rien n’est remis en cause de la gouvernance qui a conduit à la situation actuelle?
Si l’ex-maire de Brazzaville, Christian Okemba, et l’ex-adjoint au maire Guy-Marius Okemba ont été condamnés par la justice, c’est parce qu’ils avaient perdu leurs parapluies politiques. Lâché tout au début de son affaire, le député Aimé Hydevert Mouagni a pu de nouveau goutter au bien fait du parapluie politique, en étant autorisé à se faire soigner à l’étranger, aux frais de l’Etat. Un élu du peuple, dépouillé publiquement de l’immunité parlementaire, jeté en prison pendant des mois, et qui n’est toujours pas jugé: la voix de la députée Claudine Mabondzot retentit dans nos esprits! Un tel fait n’est possible, en démocratie, que dans le contexte d’une forte prégnance politique face à la justice. Les régimes qui se comportent ainsi sont qualifiés de néo-patrimonialistes.
Le néo-patromonialisme est un système politique qui se distingue en Afrique par les trois critères suivants: une extrême personnification du pouvoir; un fonctionnement par clientélisme, cooptation ou parrainage et une répartition des ressources de l’État qui privilégie les élites au pouvoir, générant d’énormes problèmes d’injustice sociale et de frustration des élites marginalisées.
Pensons aux médecins du C.h.u, aux enseignants de l’Université Marien Ngouabi, au-delà à tous ces cadres et agents des structures publiques financées par le budget de transfert de l’Etat, on dira que c’est un triste sort qui leur est réservé. Par qui? Par les élites dirigeantes. Un bien triste sort de passer des mois sans salaires! Mais, combien gagne les hauts dirigeants?
Il sera difficile de juguler la crise financière que connaît l’Etat congolais, étant entendu qu’elle interroge directement la gouvernance. Ici, c’est la question de l’éthique qui est posée. Peut-on interroger la gouvernance, sans interroger les acteurs? Devant nous : il n’y a plus que deux alternatives: ou le pays trouvera des solutions avec les mêmes acteurs; où il lui faudra changer d’acteurs, pour trouver des solutions. C’est la dimension redoutable de la crise financière d’un Etat. A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle, dit-on! A moins d’opter pour le pourrissement, avec tout ce que cela suppose d’imprévisible. Le peuple, lui, attend, mais il faut savoir que sa résilience n’est pas éternelle.

L’HORIZON AFRICAIN

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