Il y a quelques jours, on a entendu un éphémère affirmer que les intellectuels doivent être une force de proposition. Par la suite, il a énuméré quelques spécialistes de la pensée qui, selon lui, devraient investir tous les champs de l’activité nationale, pour esquisser des pistes de sortie de crise en matière d’éthique et de morale.
Il y a lieu de signaler que l’intellectuel s’est toujours impliqué dans la gestion de la Cité. On se souvient de la fameuse phrase: «Plutôt avoir tort avec Sartre que raison avec Aron». On se souvient également des ouvrages célèbres tels que «La trahison des clercs» de Julien Benda et «L’Opium des intellectuels» de Raymond Aron. Ces derniers mettent l’accent sur «les dangers de l’engagement politique pour le développement du savoir». Cette controverse est toujours d’actualité.
Dans le discours que nous avons entendu, cet éphémère n’investit pas le champ politique pour gérer la crise, mais celui de la pensée. Ensuite, alors que la Cité manque des moyens de paiement, lui situe la crise au niveau éthique et moral. Quel sens donner à cette double interpellation? Difficile de le savoir, puisque lui-même n’esquisse aucune explication. Après tout, il ne s’agissait que d’un discours, semble-t-il, et non d’une conférence académique. Mais, l’on peut tenter d’expliquer cette double interpellation.
Le champ politique a ceci de particulier qu’il restreint la compréhension des phénomènes; il fait de place au scientifique, au philosophe, au sociologue et au psychologue. Or, il n’est pas possible de gérer une crise en excluant le connaissant. Parce que le connaissant a cette capacité «d’organiser, de sélectionner, de confronter les nombreuses connaissances en ne les disjoignant pas»; parce que «la pensée qui affronte l’incertitude peut éclairer les stratégies dans notre monde incertain; la pensée qui relie peut éclairer une éthique de la reliance ou solidarité», selon Edgar Morin.
Se situant dans cette perspective, le discours entendu appelle à dépasser les crises techniques qui ne sont que des manifestations d’une crise plus profonde, celle des valeurs. «Lorsque les valeurs convenables pour une bonne organisation sociale et une promotion d’un meilleur idéal de société ne sont pas respectées», on ne peut gérer aucune crise technique. Même le remplacement des équipes ne résoudra aucun problème sans allégeance aux valeurs éthiques et morales.
Prométhée