La politique, c’est quand on porte l’ambition non pas pour soi, mais pour le bien de ses semblables. La tendance à donner à la politique une connotation de réussite personnelle est devenue prépondérante au sein des classes politiques des temps actuels dans les pays africains. Il y en a qui n’accèdent à la richesse que grâce à la politique. Tout cela alimente le mythe qu’on s’enrichit en politique. Servir la cité est devenu un simple prétexte qui couvre l’ambition de se servir. On se sert des honneurs liés aux fonctions politico-administratives à des fins de domination des autres. Mis hors des privilèges de la politique institutionnelle, de la pratique du pouvoir, nombre de dirigeants peu vertueux sont simplement perdus et ne supportent pas le regard de leurs compatriotes.
D’où le fait qu’en politique, c’est une tendance naturelle que de vouloir rester aux affaires à vie. Ne dit-on pas que l’humain est toujours porté à abuser du pouvoir? Un autre mythe qui dénature l’essence même de la politique. En Afrique où la démocratie est encore balbutiante dans la plupart des pays qui l’ont adoptée et où l’insécurité sociale bat son plein, cette tendance est forte et ne pourra s’altérer qu’au fil des générations, quand les institutions seront plus fortes que les hommes qui les dirigent. Ce n’est pas une excuse ni une justification du déni démocratique. Mais, le constat qu’inspire une réalité culturelle de la pratique du pouvoir qui repose encore sur le rapport de forces et moins sur les vertus démocratiques. Il y a une tendance à considérer que ceux qui respectent les résultats des urnes sont des faibles. Ceux qui s’imposent par la tricherie électorale sont des forts. Voilà le mur culturel qui empêche la démocratie de prospérer aisément sur le continent.
Face à l’insécurité sociale, ceux qui dirigent sont obligés de se constituer des bouées de sauvetage qui leur seront utiles quand la politique les mettra hors-course. Les privilèges, les honneurs ne manquent pas aussi pour eux. C’est clair qu’une société sans privilège est un rêve. Le communisme s’est effondré en raison de ce rêve contre-nature de vouloir niveler la société en une couche. Il y aura toujours une classe dirigeante et des élites qui auront des privilèges. Mais, l’existence de l’Etat ne tire sa légitimité que dans son pouvoir à assurer l’équité dans la redistribution de la rente nationale. L’Etat, c’est la justice pour tous, la protection des minorités et des faibles, le règne du droit.
Cette semaine, la réflexion de Joseph Badila nous édifie sur la «machine inégalitaire» qui compromet les chances de développement harmonieux du pays. La politique s’accapare de tout et laisse une portion congrue au reste du pays. Le scandale de l’opposant gabonais se baladant avec plus d’un milliard de francs Cfa en liquidité, alors que nos équipes sportives sont parfois privées de compétitons internationales faute d’argent ou que nos enfants manquent d’enseignants est le symbole de la grande dérive qu’a prise la gestion des affaires publiques. A qui on va dire qu’il n’y a pas d’argent? Si, il y a l’argent, mais il est mal redistribué. Comment comprendre que ceux qui prennent les décisions roulent carrosse mais que des directeurs d’école manque même de motos pour aller travailler?
L’Etat, c’est la sécurité et l’équité. L’Etat, ce n’est jamais les privilèges, quand bien même que ceux-ci existeront toujours. L’Etat lutte contre les inégalités sociales. L’Etat protège et c’est sa raison d’être. Le détourner de sa mission, c’est s’exposer au tribunal incontournable de l’histoire.
L’HORIZON AFRICAIN