L’écologie intégrale est un concept qui propose une vision globale des enjeux écologiques, en prenant en compte non seulement les dimensions environnementales, mais aussi les dimensions humaines, sociales, culturelles et économiques. Il s’agit d’une approche holistique qui reconnaît l’interdépendance entre l’être humain et son environnement, tout en mettant en avant la nécessité de promouvoir une justice sociale et environnementale. Toutefois, l’écologie intégrale trouve des échos profonds dans la culture africaine. Ces cultures partagent une vision du monde holistique, centrée sur l’interdépendance entre les humains, la nature et le spirituel qui résonne fortement avec les principes de l’écologie intégrale.
Les principes-clés de l’écologie intégrale
Le terme écologie intégrale, a été popularisé par l’encyclique «Laudato Si» du Pape François, en 2015, où il appelle à une conversion écologique face aux défis contemporains. Selon cette approche, les crises environnementales, comme le changement climatique, la perte de la biodiversité ou la pollution, sont intimement liées aux crises sociales comme la pauvreté, les inégalités ou les violations des droits de l’homme. L’écologie intégrale invite, donc, à penser l’écologie non seulement comme la protection de la nature, mais aussi comme la préservation de la dignité humaine et des conditions de vie des plus vulnérables.
En effet, tout est lié, que ce soit les êtres humains entre eux ou avec la nature. Les problèmes écologiques et sociaux sont vus comme des facettes d’une même crise globale. La lutte pour un environnement sain doit aller de pair avec la lutte pour la justice sociale. L’exploitation des ressources naturelles ne peut être séparée de l’exploitation des populations vulnérables.
L’écologie intégrale met au centre l’humain, en reconnaissant que la protection de la planète passe aussi par le respect des droits de chaque personne à une vie digne. Il s’agit de reconnaître la responsabilité collective dans la crise environnementale et de chercher des solutions qui prennent en compte les besoins des générations présentes et futures.
Points de convergence entre l’écologie intégrale et les cultures africaines
Il est à noter que l’écologie intégrale et les cultures africaines partagent plusieurs principes fondamentaux, notamment le respect de la nature, l’harmonie entre les hommes et son environnement et l’importance de la communauté. En Afrique, ces valeurs se manifestent dans les pratiques ancestrales, les croyances et les systèmes sociaux traditionnels qui placent la nature au cœur de la vie quotidienne. Certes, dans de nombreuses cultures africaines, la nature est perçue non pas comme une simple ressource à exploiter, mais comme une entité vivante avec laquelle l’homme doit vivre en harmonie. Cette vision, profondément enracinée dans les traditions africaines, rejoint le principe de l’écologie intégrale, qui affirme que l’humanité fait partie intégrante de la nature. Les peuples africains ont souvent développé des pratiques agricoles, de gestion des forêts et de l’eau qui respectent les cycles naturels, minimisant ainsi l’impact environnemental et assurant la durabilité des ressources.
Il est important de spécifier que dans les sociétés africaines, la terre est perçue comme un bien commun transmis par les ancêtres aux générations futures. En effet, cette notion d’héritage commun est très proche de l’idée de responsabilité intergénérationnelle prônée par l’écologie intégrale. En outre, la gestion durable de la terre, l’utilisation modérée des ressources et le respect des écosystèmes sont des valeurs partagées par de nombreuses communautés africaines, qui cherchent à préserver la terre pour leurs descendants. Cependant, en mettant l’accent sur la justice sociale, l’écologie intégrale reconnaît que la protection de l’environnement ne peut être dissociée du bien-être des personnes. Ainsi, ce principe trouve un écho profond dans les cultures africaines où le sens de la communauté, la solidarité et l’entraide est fondamental. En fait, le concept africain de «Ubuntu», qui signifie «je suis parce que nous sommes», valorise l’interconnexion entre les individus et leur environnement social et naturel. Par conséquent, tout déséquilibre environnemental est perçu comme ayant un impact direct sur la communauté dans son ensemble.
Force est de constater que les savoirs traditionnels africains sont un pilier important de la gestion écologique. En effet, des pratiques agricoles comme la rotation des cultures, la préservation des sols et l’utilisation de techniques d’irrigation adaptées aux conditions climatiques locales ont permis de maintenir la fertilité des terres sur de longues périodes. Une chose est sûre, ces savoirs sont aujourd’hui redécouverts et valorisés dans le cadre de l’écologie intégrale, qui reconnaît l’importance de ces pratiques pour une gestion durable des ressources. De toute évidence, la nature est sacralisée dans beaucoup de cultures africaines. A cet effet, les montagnes, les forêts, les rivières ou certains animaux sont souvent considérés comme des entités vivantes, des divinités et leur respect est une partie intégrante des pratiques religieuses. En réalité, cette sacralisation de la nature encourage une attitude de préservation et de respect envers l’environnement, un aspect également souligné par l’écologie intégrale, qui propose une vision spirituelle et éthique de la relation entre l’homme et la nature.
Le continent africain, leader incontesté en matière de richesses naturelles
Incontestablement, l’Afrique joue un rôle crucial dans la vision de l’écologie intégrale, tant en raison de ses richesses naturelles que de ses défis écologiques, sociaux et économiques. Le continent, riche en biodiversité, terres agricoles et ressources minérales, est également vulnérable aux changements climatiques, à la déforestation et à la dégradation environnementale.
Effectivement, l’Afrique abrite une biodiversité exceptionnelle, notamment dans ses forêts tropicales, ses savanes et ses écosystèmes marins. De ce fait, l’écologie intégrale appelle à la protection de ces ressources non seulement pour l’environnement, mais aussi pour les communautés locales qui en dépendent pour leur subsistance. Toutefois, la déforestation dans des régions comme le Bassin du Congo, l’une des plus grandes réserves forestières du monde, affecte non seulement les écosystèmes, mais aussi le climat mondial. En fait, préserver cette biodiversité est donc crucial dans la lutte contre le changement climatique, conformément à la vision de l’écologie intégrale.
Il est important de savoir que l’interconnexion entre la justice sociale et la protection de l’environnement est essentielle en Afrique. Évidemment, l’écologie intégrale souligne la nécessité de justice sociale d’accès équitable aux ressources naturelles et de développement durable. Cela implique d’adopter des politiques qui respectent les droits des peuples autochtones et des petits agriculteurs, en tenant compte de leurs besoins et en donnant les moyens de participer à la gestion des ressources naturelles.
Sans aucun doute, l’Afrique est particulièrement vulnérable aux effets des changements climatiques, malgré son infime participation dans les émissions de gaz à effet de serre. Les sécheresses, la désertification, les inondations et la montée des températures affectent les moyens de subsistance, en particulier dans les zones rurales. Pour ce faire, l’écologie intégrale appelle à une responsabilité partagée des pays développés et en développement, pour réduire les émissions tout en promouvant des mesures d’adaptation climatique. Cela inclut la reforestation, la gestion durable de l’eau et des initiatives pour renforcer la résilience des communautés locales.
Bien qu’elle soit riche en ressources fossiles, l’Afrique a un potentiel énorme pour adopter des technologies vertes renouvelables, comme l’énergie solaire et éolienne. L’écologie intégrale encourage une transition vers des sources d’énergie durable qui peuvent non seulement aider à atténuer les effets du changement climatique, mais aussi offrir des opportunités économiques pour les populations locales. Des initiatives d’énergie solaire en Afrique subsaharienne montrent déjà l’impact positif de telles technologies, en fournissant de l’électricité à des zones rurales et isolées, réduisant ainsi la dépendance aux énergies fossiles.
En tant que continent disposant de vastes forêts tropicales, comme le Bassin du Congo, de sources d’énergie solaire et éolienne inexploitées et d’une biodiversité extraordinaire, l’Afrique devrait jouer un rôle-clé dans la lutte contre le changement climatique et la préservation des écosystèmes mondiaux. Des initiatives telles que la Grande Muraille Verte (un projet visant à lutter contre la désertification en créant une ceinture végétal traversant toute l’Afrique) illustre les efforts africains pour restaurer les terres dégradées et contribuer à la régénération de la biodiversité.
Pour conclure, on constate que dans la quasi-totalité des cultures africaines, la relation avec la nature est profondément enracinée dans une dimension spirituelle et communautaire. Cette vision, qui met en avant le respect et la préservation de la terre, l’harmonie entre les êtres humains et l’environnement, rejoint les principes de l’écologie intégrale qui prône une vision unifiée de la relation entre l’humain, le social et la nature. L’intégration de ces traditions spirituelles dans le discours écologique peut apporter des perspectives nouvelles et riches dans la recherche d’un équilibre entre le développement humain et la préservation de la planète.
Lydie-Patricia ONDZIET
Présidente de Renaissance Alkebulan;
Membre de l’Association Panafricaine d’Aquitaine;
Membre des Associations féminines de Développement.