Il ne faut pas désespérer de l’avenir de la démocratie en Afrique, malgré les reculades parfois spectaculaires. La décision du Président sénégalais, Macky Sall, de reporter l’élection présidentielle fixée initialement au 25 février prochain, est une véritable douche froide pour tous ceux qui considéraient, jusque-là, le Sénégal comme un exemple de pays démocratique. Les réactions, dans le pays même où les populations manifestent violemment contre décision et au niveau international où des voix se font entendre pour demander le respect de la Constitution et le retour à la date initiale de l’élection présidentielle prouvent à quel point personne ne devrait disposer de la souveraineté d’un pays pour assouvir son ambition.
Soupçonné depuis 2022, de vouloir briguer un troisième mandat, à l’exemple de son collègue ivoirien Alassane Ouattara, Macky Sall avait fini par rassurer les démocrates africains, en prenant la décision, le 3 juillet 2023, de ne pas se présenter à l’élection présidentielle de février 2024. En dépit des manifestations sanglantes qui avaient secoué le théâtre sénégalais, le Chef de l’Etat paraissait ainsi comme un démocrate africain respectueux des lois de son pays. On ne le classait plus dans la catégorie des dirigeants politiques s’accrochant au fauteuil présidentiel, donnant l’impression qu’il n’y a pas de vie en dehors des ors de la République.
Erreur! Macky Sall vient de démontrer sa vraie nature de dirigeant politique qui privilégie ses intérêts et qui n’a cure de la légitimité démocratique. Il vient d’opérer en douceur l’ultime coup de force lui permettant de rester dans le fauteuil présidentiel comme bon lui semble, lui qui, en 2012, n’admettait pas que le Président Abdoulaye Wade prolonge son mandat même d’un jour. L’indignation est grande, aussi bien dans le pays qu’à travers le monde. L’attitude de sa majorité parlementaire à l’assemblée nationale, qui a accordé un quitus à cette décision démocraticide, permettant au Président Sall de rester au pouvoir jusqu’en décembre prochain, prouve à quel point les acteurs politiques africains obéissent plus au ventre qu’aux valeurs démocratiques.
C’est vrai qu’en Afrique, le ridicule ne tue pas et que la conviction n’est pas un critère de construction de la personnalité. Bref, «j’y suis, j’y reste», c’est dorénavant le leitmotiv du Président Sall et tant pis pour le pays qui s’en trouve déstabilisé. Après tout, ça passe ou ça casse. Macky Sall semble ainsi se mettre à l’école de l’Ivoirien Alassane Ouattara, qui a réussi dans ce jeu machiavélique, au grand désespoir des démocrates africains qui ne pouvaient pas s’imaginer pareil scénario dans un pays comme le Sénégal, qui a forgé une tradition démocratique jusque-là respectable sur le continent.
Mais, les démocrates africains ne doivent pas désespérer de l’avenir de la démocratie en Afrique. Même si on n’y prête pas attention, surtout dans les pays francophones, la Namibie vient de donner une leçon magistrale de maturité démocratique au continent, après le décès, le 4 février dernier, de son Président, Hage G. Geingob, un dirigeant politique emblématique de son pays. Les mécanismes constitutionnels de succession à la tête de l’Etat ont fonctionné sans anicroche, malgré le deuil qui a ébranlé la Nation. Le jour même dans l’après-midi, le Vice-Président, Nangolo Mbumba, a prêté serment devant la Cour suprême, au Palais présidentiel. Puis, il a nommé comme Vice-Président de la République, Netumbo Nandi-Ndaitwah, qui était jusque-là ministre des affaires étrangères. Ils vont terminer le mandat jusqu’à la prochaine élection présidentielle prévue en novembre prochain. Sans fracas, la démocratie marche parfaitement dans certains pays africains, mais dans beaucoup d’autres, elle s’embourbe, quand elle n’est pas rejetée aux calendes grecques par le fracas des armes. Allez-y comprendre!
L’HORIZON AFRICAIN