Généralement, quand un pays est en crise financière, le gouvernement prend des mesures appropriées pour rééquilibrer le niveau de ses dépenses à celui de ses finances. Au Congo, le gouvernement a fait le choix désastreux de maintenir le niveau des dépenses, pour donner l’illusion qu’il n’y a pas de crise. Au départ, à partir de juillet 2014, on a tapé dans les réserves et les fonds des générations futures, pour continuer à soutenir le train de vie de l’Etat et les programmes d’investissement dont celui lié à la municipalisation accélérée. «Quant aux fonds destinés aux générations futures, le Premier ministre a reconnu avoir trouvé, à son arrivée en 2016, 400 milliards de francs Cfa dans le compte ouvert à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (B.e.a.c). Ce qui a permis d’achever certains travaux d’urgence», est-il écrit dans un communiqué du gouvernement, publié après la conférence de presse tenue par feu Clément Mouamba, le 10 octobre 2017.
Puis, c’est la politique de recours tous azimuts à l’endettement qui a été de nouveau accélérée, pour continuer à financer le train de vie de l’Etat. En 2017, l’endettement du pays était estimé à 5.329 milliards de francs Cfa, soit 110% du P.i.b (Produit intérieur brut). Au 31 décembre 2024, l’endettement du Congo a atteint la somme de 8.530,90 milliards de francs Cfa, représentant 94,74% du P.i.b, selon les statistiques de la C.c.a (Caisse congolaise d’amortissement).
Malgré l’aggravation du chiffre absolu de la dette publique, la classe dirigeante continue de ne pas reconnaître que le pays est en crise et qu’il faille prendre des mesures de nature à réduire le train de vie de l’Etat. Non seulement les réformes retenues dans le cadre du programme triennal de redressement économique ne sont pas correctement mises en œuvre (le F.m.i a relevé des retards persistants dans la mise en œuvre des réformes structurelles), mais encore la gestion publique est gangrenée par des antivaleurs qui compromettent sérieusement le redressement économique.
Les affaires de détournements de fonds publics, jetant de sérieux soupçons sur des dirigeants nationaux, éclatent les unes après les autres. La justice ne s’en suivra pas. Le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Brazzaville s’est rendu plutôt célèbre par les reconstitutions des faits de présumés criminels de quartier. Mais, les Congolais qui ont pris des crédits au Fonds de soutien à l’agriculture, qui n’ont pas investi dans l’agriculture et qui n’ont pas remboursé ces crédits, provoquant la faillite de ce fonds, ne feront jamais face à la justice de leur pays.
En janvier 2021, le Figa (Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement) des petites et moyennes entreprises bénéficie, de la part du gouvernement, d’un capital initial de 15 milliards de francs Cfa, suivant les instructions du Président de la République qui a à cœur la lutte contre le chômage en milieu jeune. L’argent a servi en bonne partie à financer le fonctionnement de l’administration, les voyages, les campagnes électorales, les affaires personnelles des dirigeants, sans que personne n’en réponde devant la justice. Dans un tel contexte d’impunité des hauts cadres, comment croire que l’affaire de détournement de fonds au Trésor public, la dernière dans l’actualité des scandales publics, se terminera par un procès?
C’est tout aussi préoccupant de savoir que, pour continuer à financer son train de vie, l’Etat recours désormais au sacrifice de sa propre population. Vous allez dire comment? Les salaires des fonctionnaires bancarisés de Brazzaville et Pointe-Noire sont payés régulièrement, pour donner l’impression que tout va bien. Pendant ce temps, les fonctionnaires numéraires, les personnels des autres administrations (santé, enseignement, collectivités locales…), ceux de certaines institutions nationales, etc, sont payés en dents de scie.
La semaine dernière, le reportage d’un média sur le mouvement de grève à la mairie de N’Kayi où les agents réclament 70 mois d’arriérés de salaire, dit tout: on sacrifie certains Congolais au profit d’autres, pour continuer à donner l’illusion que tout va bien. Imaginons le contraire, que les fonctionnaires bancarisés de Brazzaville et Pointe-Noire accusent 70 mois d’arriérés de salaire et que les agents des collectivités locales à l’intérieur du pays touchent régulièrement leurs salaires, il est sûr et certain que la donne politique ne serait plus celle d’aujourd’hui. C’est dire que l’équation contraire n’est pas possible: on sacrifie toujours les plus faibles. Gros problème d’éthique en politique. Le Congo aurait avancé, sérieusement, dans le bien-être de sa population, si les dirigeants avaient le courage politique de reconnaître ce qui ne va pas, pour trouver les solutions qui s’imposent.
L’HORIZON AFRICAIN



