Au fond, leur dispute ne rime à rien! Les deux sont des amoureux de l’esthétique; l’un avec sa mise colorée et griffée, le dandy, l’autre avec ses textes, notamment celui sans ponctuation. Et même, ce même autre, avec ses lunettes colorées, son chapeau et son look décalé, est une sorte de conjonction des deux!
En tout cas, le dandy n’exclut pas forcément le bibliophile. On a vu des collègues du lycée qui étaient très élégants, devenir des honorables intellectuels. Parce que «la vie élégante n’exclut ni la pensée, ni la science; elle les consacre», comme le dit si bien Honoré de Balzac.
De même, «l’homme qui ne voit que la mode dans la mode est un sot». Parce que derrière «l’apparente flamboyance et autres fanfaronnades de surface» des dandies, il doit y avoir une autre forme de vie, celle d’être utile à la société, celle qui fait émerger un hédonisme épicurien, le bonheur par le plaisir de la sape, mais également un bonheur par le plaisir «mesuré et raisonnable». Il n’est donc pas nécessaire de s’arrêter aux fanfaronnades de surface.
Depuis que Prométhée, qui avait trouvé les éphémères nus, leur a permis de se vêtir par la science et la technologie, l’exaltation du beau par l’expression corporelle est un invariant de toute l’humanité. Elle a créé la haute couture, qui est un art, mais aussi un artisanat qui crée de la valeur ajoutée. C’est cela qui est attendu de nos sapeurs, pourvu que la société organise les conditions de leur intégration dans la production nationale.
Au même titre que l’industrie littéraire qui, en soi, est le produit de l’esthétique de l’esprit, et qui se manifeste par les maisons d’éditions, les salons du livre et les bibliothèques, l’esthétique du «kitendi» (étoffe) doit être manifestée par un savoir-faire algorithmé, normalisé et vendable. Ainsi, elle sortirait de la caricature et de l’extravagance gratuite, pour entrer dans le panthéon de l’acte productif.
J’aime la sape… et la littérature; j’aime la sape… et l’industrie textile, l’industrie de la haute culture vestimentaire, bohémienne, mais par une lecture raisonnée.
Prométhée
